No 19 – mars 2011 0 Revue éditée avec le soutien d’Espaces Marx Diffusée par co

No 19 – mars 2011 0 Revue éditée avec le soutien d’Espaces Marx Diffusée par courrier électronique Tous les numéros sont consultables et téléchargeables sur : http://www.lasommeetlereste.com/ E mail : Ajzenberg@aol.com Sommaire SYLVAIN SANGLA : POLITIQUE ET ESPACE CHEZ LEFEBVRE - Introduction 1 - La production de l’espace 9 - Actualité de l’urbain chez Lefebvre 23 - Conclusion 27 - Actualités lefebvriennes 32 Animateur de la revue : Armand Ajzenberg Rédacteurs(trices) – correspondants(antes) : Ajzenberg Armand (F), Andrade Margarita Maria de (Brésil), Anselin Alain (Martinique), Beaurain Nicole (F), Be- nyounes Bellagnesch (F), Bihr Alain (F), Carlos Ana Fani Alessandri (Brésil), Damiani Amélia Luisa (Brésil), Delory- Momberger Christine(F), Devisme Laurent (F), Gromark Sten (Suède), Guigou Jacques (F), Hess Rémi (F), Joly Robert (F), Kofman Éléonore (Royaume Uni), Labica Georges (F), Lantz Pierre (F), Lenaerts Johny (Belgique), Lethierry Hughes, Lufti Eulina Pacheco (Brésil), Magniadas Jean (F), Martins José de Souza (Brésil), Matamoros Fernando (Mex.), Montferran Jean-Paul (F), Müller-Schöll Ulrich (Allemagne), Nasser Ana Cristina (Brésil), Öhlund Jacques (Suède), Oseki J.H. (Brésil), Péaud Jean (F), Querrien Anne (F), Rafatdjou Makan (F), Sangla Sylvain (F), Seabra Odette Carvalho de Lima (Brésil), Spire Arnaud (F), Sposito Marilia Pontes (Brésil), Tosel André (F). HENRI LEFEBVRE, LE RETOUR ? Ce début d’année 2011 est riche d’une actualité lefebvrienne. L’essentiel de ce numéro est consacré à rendre compte (très) partiellement de la thèse de Doctorat en philosophie de Sylvain Sangla. Thèse s’inspirant des travaux d’Henri Lefebvre, ce qui n’est pas si courant en France, soutenue le 10 décembre 2010 et intitulée « Politique et espace chez Henri Lefebvre ». Nous en publions ici l’introduction, le chapitre 6 consacré à la Production de l’espace, le chapitre 10 où il est question de l’actualité de la pensée de l’urbain d’Henri Lefebvre et les conclusions. Il faut espérer que de cette thèse sortira un ouvrage. Autre actualité de ce début d’année la tenue le 17 février dernier à l’Université de Paris-Ouest-Nanterre d’un séminaire intitulé « La critique de la vie quotidienne ». Séminaire où les questionnements étaient : « Sociologues, urbanistes, historiens, philosophes, géographes, anthropologues… que trouvons-nous dans ce travail qui nourrit nos recherches ou influence nos analyses ? Quelle est l’actualité de l’œuvre d’Henri Lefeb- vre, quelles en sont les différentes interprétations ? » Séminaire en prélude à un colloque qui se tiendra du 28 au 30 septembre 2011. Dernière actualité enfin, la sortie de deux livres ce mois –ci chez L’Harmattan. Ouvrages publiés grâce à la ténacité de Hugues Lethierry. Le premier est intitulé « Maintenant Henri Lefebvre, renaissance de la pensée critique », le second « Sauve qui peut la ville, études lefebvriennes ». On trouvera la liste des auteurs, des pré- faciers, les sommaires et les bons de commande en fin de revue. Il va de soi que l’on peut également comman- der ces deux livres chez tout bon libraire. Bonnes lectures donc. Armand Ajzenberg Études lefebvriennes - Réseau mondial Études lefebvriennes - Réseau mondial Études lefebvriennes - Réseau mondial No 19 – mars 2011 1 Sylvain Sangla Docteur en philosophie POLITIQUE ET ESPACE CHEZ HENRI LEFEBVRE Thèse de doctorat en philosophie soutenue le 20.12.2010 ----------------------------------------------------------- INTRODUCTION « Qui comprend les signes de son temps est un grand homme. » Mao Zedong Henri Lefebvre (1901-1991) est paradoxalement un penseur à la fois connu et négligé. Connu, car ce philosophe, sociologue marxiste intervint durant sa longue carrière intellectuelle, entre 1924 et 1991, dans de nombreux débats. Sa carrière institutionnelle, bien que tardive (entrée au CNRS en 1948, à l’université en 1961, un âge où d’autres partent à la retraite, comme professeur de sociologie à Strasbourg puis à Nanterre, professeur invité par plusieurs universités états-uniennes dans les années 1970) lui permit d’accéder à une certaine notoriété, y compris médiatique (radio, télévision, etc.) entre la fin des années 1960 et celle des années 1970. Les controverses politiques et théoriques qui précédèrent et suivirent sa « suspension »-exclusion du PCF (auquel il avait adhéré dès 1928) en 1958 contribuèrent également à forger une réputation sulfureuse, à gauche comme à droite. Mais ce sont peut être les « événements » de mai 1968, auxquels il prit une part impor- tante, de façon directe (il était un des rares enseignants défendant les étudiants nanter- rois mis en cause) et indirecte (son influence à travers ses cours et ses livres sur les étudiants de Nanterre en général et ceux du groupe du 22 mars en particulier, en fait un des inspira- teurs du mouvement bien plus qu’un Mar- cuse ou un Mao) qui le nimbèrent subversivement politiquement. Et pourtant, Lefebvre reste profondément inconnu ou en tout cas méconnu. Coincée entre les œuvres de Sartre et d’Althusser, son œuvre considérable (une soixantaine de li- vres et plusieurs centaines d’articles) n’a pas trouvé d’écho à sa mesure, tout du moins en France (car, comme nous le verrons, les cho- ses sont différentes aux USA., au Brésil, en Allemagne, en Grande-Bretagne, au Japon, en Corée, en Italie ou en Grèce). Il nous faut nous arrêter sur cette paradoxale injustice (déjà étudiée par Labica et Makan Rafatdjou), car elle est symptomatique de la situation théorique française. Une de ses causes est due au fait que Lefebvre subisse le contrecoup de sa relative médiatisation des années 1970. D’autre part, son œuvre étant liée au mar- xisme, elle a suivi le repli de ce courant de pensée durant les « années d’hiver » de la décennie 1980. Trop marxiste pour les uns (surtout depuis la vague réactionnaire et an- ticommuniste des dits « nouveaux philoso- phes »), Lefebvre ne le fut pas assez pour d’autres. Mis à part une brève période de l’immédiat après-guerre (1945/48) il dut lut- ter contre l’orthodoxie dogmatique marxiste (Politzer avant-guerre, Kanapa, Guy Besse, Lucien Sève, puis toute l’école althussérienne après-guerre). Ce décalage tient au fait que Lefebvre, sans jamais renier le marxisme, refusa tou- jours « la bêtise au front de bœuf » de tout dogmatisme. Le marxisme de Lefebvre est un marxisme « chaud », « dionysiaque » pour reprendre les expressions de Labica. Cela veut dire que, d’une part, il n’hésite pas à critiquer certains points de la théorie mar- xiste quand les développements du monde moderne rendent nécessaire une actualisation des idées ou des méthodes ou quand l’inachèvement des travaux de Marx oblige à inventer du nouveau à partir des principes marxistes (ce qui sera le cas en ce qui concerne la vie quotidienne et l’urbain); d’autre part, cela signifie que Lefebvre asso- cie toujours révolution et subversion, n’hésitant pas à reprendre certains éléments nietzschéens, ce qui le conduit à faire une critique radicale de la version économiste, étatique et autoritaire du marxisme. Théori- quement et pratiquement, il ne fut jamais un homme de parti c’est-à-dire quelqu’un capa- ble d’en rabattre sur la théorie au nom d’impératifs politiques, s’identifiant totale- ment à une institution, à son ordre et sa hié- rarchie. Mais il n’a cependant jamais renoncé à lier la recherche théorique et l’analyse criti- que de la société, dégageant les obstacles et les possibles qui y cohabitent. Cette position lui valut d’être rejeté à la fois par les tenants No 19 – mars 2011 2 d’un savoir universitaire neutre, « scientifique » et apolitique et par les défen- seurs de la raison pure militante. Plus profondément encore, l’occultation/rejet des écrits lefebvriens pro- vient de la méthode créée par cet auteur. Sa métaphilosophie (voir à ce propos l’ouvrage du même titre écrit en 1965) tente d’utiliser les concepts hérités de la philosophie (être, devenir, totalité, etc.) tout en refusant la mé- taphysique, la volonté de créer un système, ce qui implique de dialectiser ces concepts afin qu’ils puissent servir à analyser le monde et la vie humaine. Lefebvre est en cela fidèle à Marx, mettant comme ce dernier la praxis humaine au cœur de ses réflexions (voir no- tre Matérialisme et dialectique chez Henri Lefeb- vre, pour une analyse du traitement lefebvrien de la méthode marxiste). Ce refus du système conduit le métaphilosophe à se méfier du culte de l’analyse de détail et de l’esprit de sérieux. Auteur d’un Diderot (1949) et d’un Rabelais (1955), Lefebvre admire non seulement leurs styles mais aussi leurs ma- nières de refuser toute sacralisation, y com- pris celle du savoir. Le savoir véritable est un gai savoir, se mouvant dans l’immanence du monde ouvert sur de multiples possibles. On comprend dès lors que les difficultés à accepter le style « oral » ou « baroque » de Lefebvre (catégories lâches désignant tout ce qui sort du classicisme), vont souvent de pair avec une défense du fond positiviste qui marque la pensée française en général et la philosophie française en particulier. Il n’est pas surprenant que la postérité d’un Althus- ser dépasse en France celle de Lefebvre, l’un disposant de l’onction académique (grandes écoles, concours), défendant son pré carré au sein de la philosophie traditionnelle, se met- tant au service de politiciens, tandis que l’autre fait figure de franc-tireur, refuse les hyper spécialisations faisant perdre le sens de la totalité, s’appuie sur l’interdisciplinarité en homme des crêtes (pyrénéennes) uploads/Philosophie/ sr-19.pdf

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