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Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l'Université de Montréal, l'Université Laval et l'Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. Érudit offre des services d'édition numérique de documents scientifiques depuis 1998. Pour communiquer avec les responsables d'Érudit : erudit@umontreal.ca Article Michel Sasseville Laval théologique et philosophique, vol. 55, n° 2, 1999, p. 285-307. Pour citer cet article, utiliser l'information suivante : URI: http://id.erudit.org/iderudit/401236ar DOI: 10.7202/401236ar Note : les règles d'écriture des références bibliographiques peuvent varier selon les différents domaines du savoir. Ce document est protégé par la loi sur le droit d'auteur. L'utilisation des services d'Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d'utilisation que vous pouvez consulter à l'URI http://www.erudit.org/apropos/utilisation.html Document téléchargé le 23 May 2013 06:11 « La théorie logique d’Aristote et la pratique des arts libéraux » Laval Théologique et Philosophique, 55, 2 (juin 1999) : 285-307 LA THÉORIE LOGIQUE D'ARISTOTE ET LA PRATIQUE DES ARTS LIBÉRAUX Michel Sasseville Faculté de philosophie Université Laval, Québec RESUME : Bien que la pratique des arts libéraux n'ait pas débuté avec la venue d'Aristote, puisqu 'elle existait déjà au temps de Platon, le Stagirite est néanmoins le premier témoin de la culture grecque à proposer une théorie de ce qu 'il croyait être alors toutes les exigences pos- sibles de la raison devant l'objet à connaître. Or, puisque la pratique des arts libéraux concerne le développement intellectuel, il apparaît plausible de penser que cette théorie de- vrait être considérée comme étant, sinon à l'origine historique, du moins au fondement théori- que de cette pratique. Après quelques brèves considérations sur la nature et les divisions de cette logique, nous pourrons, avec l'aide du commentaire de Thomas d'Aquin, y déceler la di- versité des moyens fondamentaux mis en œuvre par l'intelligence face aux différentes fins qu'elle peut envisager eu égard à la vérité. Nous serons alors en mesure d'établir les ponts entre cette théorie et la pratique des arts libéraux. ABSTRACT : Even though the practise of the liberal arts did not begin with Aristotle, since it already existed at the time of Plato, Aristotle is nevertheless the first in Greek culture to pro- pose a theory of what he believed to be all that reason could possibly require with respect to the knowable. Now, since the practise of the liberal arts concerns intellectual development, it would appear plausible to think that this theory should offer, if not the historical origin, at least the theoretical foundation of that practise. After a few brief considerations on the nature and the division of that logic, we will, with the help of Thomas Aquinas, bring out the diversity of fundamental means used by the intellect in the pursuit of different ends relating to the truth. We will then be able to find the bridges between the theory and the practise of the liberal arts. INTRODUCTION O n a beaucoup écrit au sujet des arts libéraux1. Et pourtant, on cherche encore le sens même de l'expression « art libéral ». Afin de préciser la nature de ces arts, 1. Voir notamment : Paul A B E L S O N , Seven Liberal Arts, New York, Russel et Russel, première édition 1906, réédition 1965 ; L.J. PAETOW, The Arts Course at Medieval Universities with Special Reference to Gram- mar and Rhetoric, University Studies of the University of Illinois, vol. Ill, n°7, janvier 1910, p. 19 et suiv. ; Dorothy L. SAYERS, The Lost Tools of Learning, Londres, Methuem, 1948 ; James M U L L A N E Y , « The Liberal Arts in the Aristotelian-Thomist Scheme of Knowledge », The Thomist, XIX (1956), p. 481- 505 ; H.I. M A R R O U , Histoire de l'éducation dans l'Antiquité, Paris, Seuil, 1965 ; Arts libéraux et philoso- phie au Moyen Âge, Actes du 4e Congrès international de philosophie médiévale, Ottawa, Institut d'études médiévales ; Paris, Vrin, 1969 ; D.L. W A G N E R , éd., The Seven Liberal Arts in the Middle Ages, Bloo- mington, Indiana University Press, 1983 ; Ilsetraut HADOT, Arts libéraux et philosophie dans la pensée an- 285 MICHEL SASSEVILLE nous pourrions être tentés d'en faire l'histoire2. Nous pourrions ainsi constater que les arts libéraux, qui furent pendant longtemps au nombre de sept (grammaire, rhétori que, dialectique, arithmétique, géométrie, musique, astronomie) semblent être des arts de l'éducation visant le développement intellectuel3. Nous verrions que ces arts forment un ensemble dont les parties n'ont pas toujours eu la même importance selon les époques et selon les sociétés. Mais nous verrions aussi que la présentation de ces différents moments de l'histoire des efforts visant le développement intellectuel ne permet pas de comprendre la nature des arts libéraux. En réalité, ces moments ne sont que des manifestations de quelque chose de plus profond, d'un fait explicateur qui n'est pas à situer dans une suite d'expressions particulières, mais plutôt dans une vue de ce que l'on convient d'appeler la nature intellectuelle de l'être humain. Ce fait explicateur, nous pensons le trouver dans la logique d'Aristote qui, selon nous, constitue la source théorique de cette pratique4. I. LA THÉORIE LOGIQUE D'ARISTOTE 1. La logique : un art spéculatif Dans le schéma du savoir aristotélicien, la logique présente les caractéristiques d'un art spéculatif5. Mais que faut-il entendre au juste par « art spéculatif» ? Un tique, Paris, Études augustiniennes, 1984 ; Edward Goodwin BALLARD, Philosophy and the Liberal Arts, Dordrecht/Boston/London, Kluwer Academic Publishers, 1989, 342 p. 2. Concernant l'histoire des arts libéraux, outre les références précédentes, voir : R.M. MARTIN, « Les sept arts libéraux », dans Dictionnaire d'histoire et de géographie ecclésiastiques, tome IV, Letourney et Ané, 1925 ; G. PARÉ, A. BRUNET, P. TREMBLAY, La Renaissance du XIIIe siècle. Les écoles et l'enseignement, Ottawa, Institut d'études médiévales ; Paris, Vrin, 1933 ; Earl J. McGRATH, Liberal Education in the Pro- fessions, New York, Bureau of publications, Teacher College, Columbia University, 1959 ; H.G. GOOD, A History of Western Education, New York, Macmillan Co., 2e éd. 1960 ; G. LEFF, Paris and Oxford Univer- sities in the Thirteenth and Fourteenth Centuries. An Institutional and Intellectual History, New York/London/Sydney, John Wiley & Sons, Inc., 1968 ; James J. MURPHY, Rhetoric in the Middle Ages. A History of Rhetorical Theory from Saint Augustine to the Renaissance, Berkeley/Los Angeles/London, University of California Press, 1974. 3. « Ces arts, écrit André Côté, étaient appelés libéraux à partir du latin liberi-orum qui désignait les enfants dans la famille antique. L'éducation de ces enfants, en effet, se devait d'être une éducation libérale comme la seule qui convenait à leur futur rôle de citoyens libres, c'est-à-dire une formation essentiellement intel lectuelle et qui excluait les arts dit serviles, justement parce que ces derniers étaient pratiqués par les ser- viorum ou esclaves rattachés à la famille, et qu'ils se transmettaient d'esclave à esclave » (André CÔTÉ, « La dialectique comme art libéral », dans Les Actes du VIIe Congrès interaméricain de philosophie, Qué bec, PUL, 1968, p. 23). Quinze siècles plus tard, la formation libérale est encore présente, mais les sociétés ayant évolué, elle a dû s'adapter à cette évolution. Aux côtés d'un enseignement organisé en universitas et visant l'apprentissage des métiers, c'est maintenant aux universitates magistrorum et scholarium qu'est réservé le champ de l'apprentissage intellectuel, lequel conduit à l'enseignement et à la pratique des pro fessions dites libérales. Cf. la thèse de doctorat de Marie I. GEORGES, Paideia and Liberal Education in Aristotle, Faculté de philosophie, Université Laval, Québec, 1987, en particulier le chapitre 1 de la pre mière partie et le chapitre 2 de la troisième partie. Cf. aussi L. MORIN, L. BRUNET, Philosophie de l'éducation, tome 1, Les Sciences de l'éducation, Québec, PUL ; Bruxelles, De Boeck-Wesmael, 1992, p. 279-285. 4. Je tiens à remercier monsieur André Côté de ses nombreux conseils pour la rédaction de cet article. 5. C'est du moins ce que les commentateurs du Moyen Âge et en particulier Thomas d'Aquin affirment expressément. Cf. Thomas d'Aquin, In Librum Boethii de Trinitate, q. 5, a 1, ad 2, et Summa Theol., Ia- Ilae, q. 57, a. 3, ad 3 ; Ila-IIae, q. 47, a. 2, ad 3. 286 LA THÉORIE LOGIQUE D'ARISTOTE ET LA PRATIQUE DES ARTS LIBÉRAUX examen sommaire des habitus de l'intelligence ouvrira la voie pour mieux saisir le sens de cette expression. C'est au VIe livre de VÉthique à Nicomaque qu'Aristote entreprend d'examiner les différentes vertus ou habitus intellectuels. Avant même d'exposer ce qu'il dit à cet endroit, il conviendrait de préciser ce qu'il entend par habitus (ou état). Rangeant cette réalité dans la catégorie de la qualité, Aristote la définit dans son traité des Catégories de la façon suivante : [...] une première espèce de qualité peut être appelée état (habitus) et disposition. Mais l'état diffère de la disposition en ce qu'il a beaucoup plus de durée et de stabilité : sont des états les sciences et les vertus, car la science semble être bien au nombre uploads/Philosophie/ la-theorie-logique-d-x27-aristote-et-la-practique-des-arts-liberaux.pdf
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- Publié le Jul 15, 2022
- Catégorie Philosophy / Philo...
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