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Tous droits réservés © Laval théologique et philosophique, Université Laval, 1955 Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation des services d’Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d’utilisation que vous pouvez consulter en ligne. https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/ Cet article est diffusé et préservé par Érudit. Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. https://www.erudit.org/fr/ Document généré le 14 nov. 2021 14:29 Laval théologique et philosophique L'enseignement de la philosophie aux jeunes d'après Aristote, saint Thomas et M. É. Gilson D. H. Salman Volume 11, numéro 1, 1955 URI : https://id.erudit.org/iderudit/1019912ar DOI : https://doi.org/10.7202/1019912ar Aller au sommaire du numéro Éditeur(s) Laval théologique et philosophique, Université Laval ISSN 0023-9054 (imprimé) 1703-8804 (numérique) Découvrir la revue Citer cet article Salman, D. (1955). L'enseignement de la philosophie aux jeunes d'après Aristote, saint Thomas et M. É. Gilson. Laval théologique et philosophique, 11(1), 9–24. https://doi.org/10.7202/1019912ar L’enseignement de la philosophie aux jeunes d’après Aristote, saint Thomas et M. E. Gilson En plusieurs conférences de ces dernières années, et dans une brochure récemment publiée,1 M. É. Gilson s’est interrogé sur les con­ ceptions d’Aristote et de saint Thomas concernant l’éducation philo­ sophique. D’un commentaire de leurs principaux textes 2 il conclut que, selon ces maîtres autorisés, les esprits trop jeunes seraient bien incapables de profiter d’un enseignement de la philosophie. Pour se livrer avec fruit à de telles études, il faudrait avoir atteint une suffi­ sante maturité, que l’on ne posséderait qu’aux environs de la cinquan­ taine.8 L’éminent historien commente ces conceptions de façon pénétrante et originale. Il se défend explicitement d’en tirer des conclusions en ce qui concerne l’organisation actuelle des études. Mais il n’en insiste pas moins sur l’importance et la grande autorité des principes qu’il croit avoir tirés de l’oubli. On aboutit ainsi à une situation paradoxale, où des idées sont propagées dont on se défend de tirer des conséquences apparemment obvies, mais dont on ne suggère pas non plus d’autre interprétation possible. La question est cepen­ dant importante ; et elle semblerait mériter qu’on s’en explique ouver­ tement. Car elle met en question tout l’enseignement de la philo­ sophie, tel qu’il est organisé ab omnibus, et ubique, et semper. Si vrai­ ment les jeunes gens sont incapables d’entendre la philosophie, il est manifestement vain d’en prévoir l’enseignement à l’université. Si au contraire, comme nous inclinons à le croire, cette pratique séculaire mérite d’être continuée, il peut être utile et de l’affirmer pubüquement, et d’énoncer les raisons qu’on peut avoir de le penser.4 1. É tienne G ilson, Thomas Aquinas and our Colleagues, Princeton University Press, 1953. On pourra y ajouter É. G ilson, Note sur un texte de saint Thomas, dans Revue thomiste, 1954, pp.148-152. 2. Saint T homas, In I Ethic., lect. 3, nn. 38-40, et In VI, lect.7, nn.1209-1211, avec les passages correspondants d ’AwsTOTE. Cf. aussi In Libr. de Causis, lect.l. 3. On consultera cependant G. K lubertanz, St. Thomas on Learning Metaphysics, dans Gregorianum, 35 (1954), pp.3-17, et The Teaching of Thomistic Metaphysics, dans Gregorianum, 35 (1954) pp.187-205, qui donne une interprétation fort différente du terme juvenis sur lequel M. Gilson fonde toute sa démonstration historique. Il s’agirait, non point de la cinquantaine, mais de 18 ou 19 ans. 4. Dans un travail récent nous avons considéré la nature de l’enseignement philo­ sophique et son rôle dans la formation de l’élite cultivée des citoyens. Mais l’idée ne nous était pas venue de mettre en doute la possibilité absolue d’un tel enseignement. Les objections de M. Gilson nous permettent de reprendre ici le problème sous un autre 10 L A V A L THÉOLOGIQUE ET PHILOSOPHIQUE Nous n’entreprendrons pas ici une exégèse circonstanciée des textes invoqués par M. Gilson. C’est la thèse elle-même qui sera discutée : à savoir l’incapacité (présumée) des moins-de-cinquante-ans d’apprendre la philosophie. Pour éclairer le débat, nous voudrions introduire d’emblée quelques discernements qui nous semblent relati­ vement négligés dans son exposé de la question. On envisagera donc d’abord les cas assez différents des diverses parties de la philosophie. On considérera ensuite les motifs, eux aussi assez variés, qui sont invoqués par nos auteurs, et qui n’ont pas tous la même portée. On distinguera aussi entre les types assez différents d’enseignement, dont les difficultés ne sont pas toutes identiques. Et l’on discutera enfin les situations historiques assez variables, qui ont pu changer la nature même des problèmes soulevés. Ainsi préparés, nous pourrons discuter les arguments rapportés par M. Gilson. Et l’ensemble de ces dis­ cussions permettra alors, on l’espère, d’expliciter sous un aspect nouveau quelques-unes des notions exposées ailleurs sur la nature et les fonctions de l’enseignement philosophique. Considérons d’abord les diverses parties de la philosophie que mentionnent nos auteurs. Aristote, dans son premier texte, discutait le cas de la philosophie politique ; et c’est saint Thomas qui étend ses considérations au cas assez différent de l’éthique en général.1 Dans un tout autre contexte, nos auteurs envisagent le cas de la philosophie naturelle d’abord, celui de la métaphysique ensuite.2 Et l’on pressent que ces disciplines assez diverses soulèvent des problèmes eux aussi différents, qu’il y aurait avantage à ne pas confondre. D’autre part, les arguments invoqués ne sont point du tout les mêmes dans ces divers cas. Quand on discute de la philosophie poli­ tique, on fait état : 1 ° des passions de la jeunesse ; et, 2° de son inexpérience. Les mêmes notions, transposées au cas de l’éthique, ont évidem­ ment un sens assez différent. Car l’expérience politique requiert mani­ festement un tout autre apprentissage que n’en exigerait l’expérience en morale générale ; et le régime des passions politiques n’est point nécessairement celui des passions individuelles. Quand, ensuite, ils discutent la philosophie naturelle et la métaphysique, nos auteurs invoquent encore deux arguments : 1 ° l’expérience requise ; et, 2° les difficultés d’une connaissance hautement abstraite. aspect. Cf. D. H. S alm an, La place de la philosophie dans l’université idéale, Institut médiéval de l’Université de Montréal, Montréal, 1954. 1. In I Ethic., lect.3. 2. In VI Ethic., lect.7. l ’ e n s e i g n e m e n t d e l a p h i l o s o p h i e a u x j e u n e s 11 Or il est manifeste que l’expérience spéculative réclamée ici pour la philosophie naturelle est d’un tout autre ordre que celle exigée pour la formation du jugement moral ou politique ; et ce serait tout con­ fondre que de ne pas distinguer des réalités aussi différentes. Quant aux difficultés de la pensée abstraite, elles relèvent de problèmes qui n’ont aucun rapport immédiat avec ceux jusqu’ici mentionnés. Et il conviendrait donc de les examiner pour leur propre compte, avant de les mobiliser en vue d’une conclusion acquise par une tout autre voie. Considérons maintenant une autre série de discernements. La pratique de la philosophie peut être envisagée à des niveaux divers. Il y aurait d’abord une instruction élémentaire qui relève de l’éducation générale de la personnalité plus que d’un enseignement technique spécialisé. C’est ainsi que se transmet nécessairement une conception générale du monde qui correspond à la mentalité propre d’une culture et qui s’installe dans les esprits bien avant que la réflexion critique ne puisse commencer. Cette transmission peut être implicite, diffuse et spontanée ; ou elle peut être délibérément organisée en un enseigne­ ment explicite, comme c’est le cas de nos écoles primaires et secondaires. Mais toujours elle existe. Ne pas enseigner une philosophie à ce niveau n’est que le moyen déguisé d’en enseigner une autre, sans doute moins valable. Car on ne peut échapper à ce cadre général d’une pensée culturellement socialisée, qui commande dans une large mesure toute la spéculation ultérieure. — Il y aurait ensuite un enseignement plus élevé de la philosophie, qui s’efforcerait d’arriver au niveau d’une réflexion vraiment critique. On y apprend à se poser des questions, à mettre en doute les évidences trop facilement acceptées, à remonter aux principes. C’est un stade essentiel de la pensée critique, dont beaucoup d’hommes demeurent sans doute toujours incapables, mais qui est une condition préalable à toute spéculation philosophique authentique. La majorité de ceux qui atteignent ce niveau déjà fort estimable de la réflexion ne s’y maintiennent d’ailleurs que d’une manière partielle, précaire et toujours incertaine. C’est la condition habituelle de l’homme cultivé, qui sait qu’il y a des problèmes philo­ sophiques, qui en général tient plus ou moins compte de ce fait, et parvient même de temps en temps à s’en préoccuper activement. — Il y aurait enfin le niveau de l’enseignement philosophique le plus élevé, qui est celui des recherches productives capables de découvrir des vérités nouvelles. C’est celui que nous rapportent les Dialogues de Platon, ou plus modestement aujourd’hui celui du séminaire d’un philosophe de premier plan. Or il est manifeste qu’en discutant de l’âge convenable à l’ensei­ gnement de la philosophie uploads/Philosophie/ laval-universite.pdf

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