LYCÉE FRANCO-MEXICAIN COURS OLIVIER VERDUN 1 LE BONHEUR INTRODUCTION 1) Exercic

LYCÉE FRANCO-MEXICAIN COURS OLIVIER VERDUN 1 LE BONHEUR INTRODUCTION 1) Exercice préparatoire : le bonheur, fin ultime et universelle des hommes Consigne : demandez-vous pour quelles raisons vous vous levez chaque matin pour aller au lycée. Réponse proposée : pour aller étudier. Pourquoi étudier ? Pour avoir des diplômes et ainsi trouver du travail. Pourquoi vouloir travailler ? Pour gagner de l’argent. Et pourquoi en veut-on ? Pour pouvoir s’acheter tous les objets ou s’adonner à toutes les activités que l’on désire. Et pourquoi veut-on tout cela ? Pour être heureux. Nous voyons ici, à travers cet exemple simple, que le bonheur est la fin dont tous nos actes ne sont que les moyens. Le bonheur est ce en vue de quoi nous voulons toutes choses mais qui lui-même n’est en vue d’aucune chose. Il est la fin ultime dans notre existence, ce par rapport à quoi toutes les autres choses ne sont que des moyens, fins subalternes ou provisoires, alors que lui est une fin absolue et n’est moyen pour rien d‘autre. Mais dire que le bonheur est la fin ultime et universelle des hommes ne suffit pas à le définir correctement. 2) Recherche d’une définition du bonheur Nous savons tous ce qu’est le bonheur et pourtant le bonheur est chose personnelle, chacun a son bonheur propre, différent de celui d’autrui. Cependant, il y a bien quelque chose de commun à tous ces bonheurs différents, qui fait qu’on les désigne tous légitimement par le même terme de bonheur. Le bonheur, c’est d’abord ce que tous les hommes désirent. Chaque être humain au monde cherche à être heureux. En effet, si je suis heureux, je n’ai besoin de rien d’autre, je suis comblé, rien ne manque plus désormais. Tout ce que je fais, c’est en vue de mon bonheur. Chaque chose que je désire ou que j’accomplis n’est qu’un moyen pour parvenir à être heureux. L’étymologie du terme bonheur (latin augurium, augure, présage, chance, prophétie) suggère l’idée qu’il est dû à une chance extérieure favorable : le bonheur, comme le malheur d’ailleurs, est quelque chose qui arrive, qui nous échoit, sans qu’on s’y attende. Il est dès lors précaire et semble échapper à toute tentative de maîtrise. Or le bonheur est souvent défini, en opposition au plaisir ou à la joie, comme un état durable de satisfaction. Un plaisir, une joie, un bonheur ne font pas encore le bonheur. Le plaisir et la joie proviennent certes de la satisfaction de nos désirs, mais il faut que tous nos désirs soient satisfaits pour parvenir au bonheur. Si un désir demeure inassouvi, il nous fait souffrir et ruine notre bonheur. Etre heureux signifie LYCÉE FRANCO-MEXICAIN COURS OLIVIER VERDUN 2 donc n’avoir plus rien d’autre à désirer. “Un moment de bonheur” est donc, à strictement parler, une expression impropre car c’est là confondre le bonheur avec la simple joie. Le bonheur auquel nous aspirons tous doit sinon être nécessairement éternel, au moins durer tout au long de notre vie. C’est pourquoi on peut définir le bonheur, en une première approche, comme la totalité des satisfactions possibles. Toutefois, si l’on a réalisé tous ses désirs, ne risque-t-on pas de sombrer dans l’ennui ? Ce ne serait plus alors le bonheur ! Car l’ennui implique que nous ayons au moins un nouveau désir : celui d’en sortir. Un état durable de vie sans désir semble absurde car cela produirait un ennui générateur de désirs, ou bien ce serait la mort. Sommes-nous condamnés, comme le pense Schopenhauer, à osciller, tel un pendule, du désir à l’ennui ? Il y a deux tragédies dans l’existence : ne pas parvenir à satisfaire tous ses désirs et parvenir à satisfaire tous ses désirs. Le premier cas est celui, banal, de l’individu qui, arrivé à un certain stade de sa vie, s’aperçoit qu’il ne parvient pas à obtenir ce dont il a besoin pour être heureux; un abattement, un désespoir peut succéder à cette prise de conscience, et cela peut mener à la réflexion philosophique puisqu’il faut trouver une autre voie pour atteindre le bonheur. Le second cas est celui de l’homme mûr qui a tout réussi dans sa vie, qui a obtenu tout ce qu’il avait projeté d’avoir, qui a « tout pour être heureux » parce que précisément il ne l’est pas. Pour parvenir au bonheur, la méditation philosophique est son dernier recours. Pour être heureux, faut-il vraiment satisfaire tous nos désirs et tout désirer, jusqu’à l’impossible ? Devons-nous souhaiter être comblés dans nos désirs ou nous garder de l’état d’assouvissement ? Pour être heureux, ne faut-il pas cesser d’espérer le bonheur et donc, d’une certaine façon, renoncer au bonheur ? Peut-on vraiment faire l’expérience du bonheur ou sommes-nous condamnés à le manquer toujours et à être malheureux ? A contrario, si le bonheur est l’objet d‘une possible expérience, en quoi cette expérience pourrait-elle bien consister ? En somme, comment faire pour être heureux et réussir sa vie ? I) DIFFICILE BONHEUR Au commencement sont le malheur et la souffrance. La vie est souffrance, telle est la première vérité que nous enseigne Bouddha. Pourquoi ne sommes-nous pas heureux, ou pas assez, ou trop rarement ? Pourquoi sommes-nous malheureux alors même que nous avons tout pour être heureux ? Qu’est-ce qui nous manque pour être heureux, quand on a tout pour l’être et qu’on ne l’est pas ? Mais ne pas être malheureux suffit-il pour être heureux ? LYCÉE FRANCO-MEXICAIN COURS OLIVIER VERDUN 3 A) LE BONHEUR MANQUE Camus déclare quelque part que « Les hommes meurent, et ils ne sont pas heureux ». Tout se passe comme si nous passions notre vie à courir après le bonheur sans jamais réussir à l’atteindre. Plus nous courons après lui, plus il nous échappe : « Le bonheur est dans le pré, cours-y vite il va filer » (Paul Fort). Comment expliquer ce qu’écrit Pascal : « nous ne vivons jamais mais nous espérons de vivre; et, nous disposant toujours à être heureux, il est inévitable que nous ne le soyons jamais» (Pensées, fragment 172) ? A.1) Le bonheur comme manque Pourquoi sommes-nous malheureux ? Parfois parce que tout va mal : si l’on vit dans un pays en guerre, si l’on souffre de la misère, du chômage, de l’exclusion, d’une maladie grave, du deuil d’un être cher, on a effectivement toutes les raisons du monde d’être malheureux. Plutôt que de philosopher, dans ces cas-là il faut d’abord survivre, sauver sa peau ou son âme, comme tentent de le faire les deux frères jumeaux du livre d’Agata Kristof, Le grand cahier. Il faut se battre, aider et soigner. Mais le plus souvent, dans nos pays dits développés, si nous ne sommes pas heureux, ce n’est pas toujours, loin s’en faut, parce que tout va mal. La preuve en est qu’on peut être malheureux lorsqu’on a tout pour être heureux. Et tout se passe comme si l’on est d’autant plus malheureux qu’on a tout pour être heureux, en particulier lorsqu’on n’a de cesse de nous le rappeler à la façon d’un reproche. Que nous manque-t-il alors ? La sagesse ou le savoir-vivre qui nous permettrait non pas d’être heureux en toute circonstance, quand tout va mal, comme le veulent les stoïciens, mais quand tout va à peu près bien, comme c’est le cas le plus souvent. Une sagesse pour tous les jours et pour tous les temps ! Nous sommes partis, dans l’introduction, d’une définition du bonheur comme satisfaction totale et durable de nos désirs. Qu’est-ce qu’être heureux ? C’est avoir ce qu’on désire. Soit tout ce que l’on désire, mais l’on comprend ici que cette définition ne tient pas la route puisqu’il est évident qu’on ne peut jamais obtenir tout ce que l’on désire : c’est ce que Freud appelle le « principe de réalité ». Etre heureux, ce serait alors avoir une bonne partie de ce qu’on désire, la plus grosse partie ou du moins la partie essentielle. Or nous avons vu, dans le cours sur le désir, que le désir est d’abord pensé et vécu comme manque : on ne désire, nous dit Platon, que ce qu’on n’a pas, de sorte qu’on n’a jamais ce qu’on désire et que s’i l’on n’a jamais ce qu’on désire, on n’est jamais heureux. Cela ne signifie pas que le désir ne soit jamais satisfait : heureusement que certains de nos désirs sont de temps en temps comblés ! Mais dès qu’un désir est satisfait, il s’abolit en tant que désir et n’a de cesse de désirer à nouveau. En ce sens, on a ce qu’on désirait et qu’on ne désire plus. Or être heureux, ce n’est LYCÉE FRANCO-MEXICAIN COURS OLIVIER VERDUN 4 pas avoir ce qu’on désirait mais avoir ce qu’on désire. Si bien que tantôt on désire ce que l’on n’a pas, et l’on souffre de ce manque ; tantôt on a ce que l’on ne désire plus – et l’on s’ennuie. Nous avions donné de nombreux exemples pour illustrer cette situation commune : l’après-midi de Noël, le chômage, l’amour. Et uploads/Philosophie/ le-bonheur-cours.pdf

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