Le chemin de pensée de Ludwig Wittgenstein Ludwig Wittgenstein (1889-1951) Géra
Le chemin de pensée de Ludwig Wittgenstein Ludwig Wittgenstein (1889-1951) Gérard Guest 2 Le chemin de pensée de Ludwig Wittgenstein Note liminaire Ce texte — ici republié grâce à la constante hospitalité de Paroles des Jours — constituait le Chapitre premier d’un ouvrage paru en janvier 2003 aux Presses Universitaires de France, et aujourd’hui « disparu » : Wittgenstein et la question du Livre Une phénoménologie de l’extrême. Écrit quelque dix années avant sa parution dans sa forme définitive, publié dans la collection « Perspectives critiques », où l’avaient généreusement accueilli Roland Jaccard et Paul Audi — à qui reste acquise la vive reconnaissance de l’auteur —, l’ouvrage fut soumis à l’automne 2006 — pour des raisons de « gestion financière de l’entreprise » (et d’encombrement de ses entrepôts), et contrairement à l’engagement moral des directeurs de la collection — à une (assez inélégante) « procédure de mise au pilon totale ». Des influences hostiles, internes à la maison d’édition, exercées à partir de certains milieux dits « wittgensteiniens », et dont j’ai eu par ailleurs connaissance, n’ont évidemment pas été sans effet dans cette « décision éditoriale », présentée par ailleurs comme purement et simplement « économique ». Mais l’occasion se trouvait naturellement toute trouvée pour prononcer l’éviction d’un ouvrage qui faisait manifestement figure d’« intrus » (de « cheval de Troie » ?) dans le « petit monde » réservé (dans le « petit cercle des Verdurin ») des « wittgensteiniens français ». Réintroduire au cœur d’une interprétation d’ensemble de l’œuvre de penser de Wittgenstein le thème fondamental de la « phénoménologie de Wittgenstein » — là où le « Dictionnaire–Wittgenstein » de Hans-Johann 3 Glock1, à l’entrée « Phénoménologie », indique tout simplement (sans autre précaution) : « Voir : « Vérificationnisme » (!) — était manifestement inacceptable… La sorte de « scientisme » et de « positivisme » larvé, mais académiquement officiel (accompagné d’une dose assez suspecte de curiosité mondaine pour le « phénomène psycho-pathologique », pour le personnage « excentrique » et le supplément d’« exotisme » qu’est censé être Wittgenstein dans le monde universitaire), voire le « terrorisme épistémologique » qui enrobe aujourd’hui de partout l’exploitation universitaire de ce que l’on se plaît à présenter comme « la pensée-Wittgenstein » (sic), et tend aujourd’hui à ensevelir la pensée même de Wittgenstein, la recouvrant des cendres d’un « positivisme » qui ne dit pas son nom —, tout cela se trouvait manifestement battu en brèche par l’étrange dimension spéculative que semblait devoir recouvrer un Wittgenstein résolument lu à même le texte, apparaissant soudain comme « phénoménologue de l’extrême » — et exposé comme personne (mais tout de même en compagnie de quelques-uns2, assez bien assortis à ce que Philippe Sollers appelle la « Théorie des exceptions »3…) —, exposé, donc, comme pas un, à devoir affronter « par temps de détresse », aux confins du dicible et de l’ineffable… la « question du Livre » ! Bref : l’ouvrage n’était manifestement pas fait pour plaire à tout le monde. — Mais passons. Sans aucune promotion particulière (c’est le moins que l’on puisse dire) de la part de l’Éditeur (en dehors d’un strict « service de presse », rapidement expédié), l’ouvrage avait pourtant bénéficié d’une très belle (et confidentielle) recension de Jérôme de Gramont, à son initiative spontanée, dans la Revue des Sciences Philosophiques et Théologiques (octobre-décembre 2004, pp. 839- 1 Hans-Johann Glock, Dictionnaire Wittgenstein, Gallimard, Paris 2003. — Rarement la question de la « phénoménologie » de Wittgenstein (qui préoccupa tellement celui-ci) aura été « expédiée » (méconnue) de manière aussi symptomatiquement cavalière. 2 Tels (en modes divers) : Rimbaud, Montaigne, Mallarmé, Joyce, Kierkegaard, Nietzsche, Kafka, Proust, Bataille, Jabès, Husserl, Heidegger… 3 Cf. Philippe Sollers, Théorie des exceptions, Gallimard, Paris 1986. 4 840), ainsi que d’une substantielle séance de discussion (le 20 mars 2004) dans le cadre des journées (« Samedis du livre ») organisées au Collège International de Philosophie, due à la généreuse invitation d’Alain David (à qui je dis ici une fois encore ma fidèle reconnaissance), avec la participation active d’Élisabeth Rigal, de Paul Audi et de Jean-Pierre Cometti. L’ouvrage avait de plus rencontré quelques-uns de ses vrais lecteurs — au premier rang desquels Pierre Legendre, qui lui fit l’honneur d’y faire plusieurs fois référence explicite dans son Nomenclator — Sur la question dogmatique en Occident, II (Fayard, Paris 2006, pp. 16, 70/71 et 92). Nous lui en exprimons ici, une fois encore, notre très vive gratitude. Une recension américaine a de plus été consacrée à l’ouvrage par George Kovacs, dans le cadre de son étude intitulée : « New Horizons in Understanding Heidegger’s Thought », dans les Heidegger Studies, vol. 22 (2006) Duncker & Humblot, Berlin 2006, pp. 229-230. Et Dominique Janicaud, dans son étude suggestive sur La phénoménologie éclatée (Éditions de l’Éclat, Paris 1998, pp. 110-111), avait d’ores et déjà pris acte de la dimension « phénoménologique » originale de la pensée de Wittgenstein, telle que nous en avions déjà esquissé la présentation, avant la publication de Wittgenstein et la question du Livre, dans une longue étude qui en avait été extraite en avant- première : « L’image dans le tapis.— De l’ockhamisme subtil des Dictées à la “phénoménologie“ de Wittgenstein », parue dans le volume d’Études accompagnant la publication des Dictées de Wittgenstein à Waismann et pour Schlick (volume II : Études critiques, sous la dir. de A. Soulez, Presses Universitaires de France, Paris 1998, pp. 127-210). Plusieurs autres lecteurs, dans le monde savant, m’avaient exprimé leur estime et leur approbation, tant en France qu’à l’étranger, y compris dans le 5 monde anglo-saxon — notamment le professeur Hans-Artur Scheier4 et le professeur Grahame Lock5. — Il y eut aussi quelques lectures « d’humeur », cela s’entend toujours : favorables (telle la réaction de Renaud Camus, dans Rannoch Moor, son journal de l’année 2003), mais aussi défavorables — notamment de la part de personnes (y compris d’« universitaires ») dont je suis bien placé pour savoir qu’elles n’ont aucun moyen d’avoir accès directement au texte de Wittgenstein en langue originale (ce qui augure assez mal de l’accès à l’intelligence même d’un texte d’écrivain de la qualité de celui de Wittgenstein). L’une de ces personnes essaya même de s’opposer (avec virulence, m’a-t-on dit, mais en vain) à ce que l’ouvrage soit retenu pour les « Samedis » du Collège International de Philosophie évoqués plus haut…Mais cela est dans l’ordre des choses, et cela fait partie des petites « guerres de censure » (où règne un esprit de vengeance sans concession, bien propre « à faire sourire le sage »…). Un autre lecteur (esprit agité autant qu’essentiellement soucieux du brillant de sa propre intransigeance de « passeur » littéraire) s’est, paraît-il, offert la petite joie, sur je ne sais lequel de ces « blogs » périssables à la mode du « café du commerce » (et où s’écoulent les « humeurs » éphémères de ce temps de ressentiment), de faire cette jolie « phrase » — que je ne résiste pas au plaisir de mentionner pour ce qu’elle vaut : « Stérile comme une phrase de Gérard Guest sur Wittgenstein » ! Pourquoi n’en accepterions-nous pas l’ambigu diagnostic ? Car la « stérilité » prétendue d’un style ou d’un ouvrage demeure strictement relative à la nature de la graine de semence que le lecteur est en état d’y apporter, à la fécondité ou infécondité de ses acquis, de ses intentions et de ses attentes. Et je ne serais nullement choqué qu’à certains « lecteurs », étant donné la nature de ce qu’ils apportent et le genre d’« énergie » (au sens combustible du 4 Dont il faut mentionner l’excellente étude qu’il a consacrée à la lecture du Tractatus : Claus-Artur Scheier, Wittgensteins Kristall. Ein Satzkommentar zur “Logisch-philosophischen Abhandlung“, Karl Alber, Freiburg/München 1991. 5 Cf. Grahame Lock, Wittgenstein. Philosophie, logique, thérapeutique, Presses Universitaires de France, Paris 1992. — L’une des seules études lisibles en français, qui ne passe pas sous silence la question de la « phénoménologie » de Wittgenstein, même si celle-ci y paraît devoir être réduite à un simple « intermède » (op. cit., pp. 75-90). 6 terme) à laquelle ils fonctionnent (en général : la « nihiline »), le style même de mon travail, et sa teneur — surtout peut-être, en l’occurrence, la hauteur même et altitude de la pensée de Wittgenstein ! —, demeure obstinément « stérile » à perte de vue — telle la splendide et étincelante croûte de sel, merveilleusement cristalline, de quelque « Grand Lac Salé » au soleil ! Ce qui fait que j’en accepte l’augure (au cas où cette phrase serait avérée) et le prends (l’augure seul, non pas la phrase) en ma faveur, comme tournant involontairement à l’éloge. — Comme le savait et le disait mieux que personne Wittgenstein lui-même, la fonction même d’un livre est de tracer la ligne de démarcation entre ceux qui pourront y avoir accès et ceux à qui cet accès même demeurera à jamais interdit : « Si un uploads/Philosophie/ le-chemin-de-pensee-de-ludwig-wittgenstein-gerard-guest.pdf
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- Publié le Nov 15, 2021
- Catégorie Philosophy / Philo...
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