Article d’évaluation « Études Théâtrales » NGUYEN Phuong-Thao Le cinéma indépen
Article d’évaluation « Études Théâtrales » NGUYEN Phuong-Thao Le cinéma indépendant vietnamien entre déterritorialisation et reterritorialsation Flore Garcin-Marrou Parcours Médiations culturelles et études visuelles Année 2017-2018 Introduction À l’heure où la production cinématographique s’inscrit de plus en plus dans un cadre transnational, notamment avec le financement des cinémas des pays du Sud par des institutions européennes, est-il encore pertinent de parler de « cinéma national » ? Pour étudier des films dont les conditions de production et de réception dépassent les frontières de leurs pays d’origine, un départ du paradigme de la nation sera nécessaire. Ainsi, dans notre mémoire de Master 2, nous voudrions interroger ce changement dans le rapport entre cinéma et territoire à travers un objet que nous considérons comme traversé par des logiques transnationales : le cinéma indépendant vietnamien. Nous nous intéresserons plus particulièrement à la construction identitaire de ce cinéma en dehors de son contexte national et plus spécifiquement dans son principal lieu d’accueil – la France. Notre recherche se positionne clairement dans une approche communicationnelle au cinéma, en plaçant le film dans ses contextes de production et de réception afin de l’appréhender dans toute sa complexité. Comme notre objet se déplace entre plusieurs territoires, nous voudrions élaborer une pensée qui lui est spécifique et qui rend compte de sa réalité propre. Nous ne considérons pas le cinéma comme expression d’une identité nationale ou lieu de projection des caractères culturels nationaux, mais comme un objet culturel produit par plusieurs discours, comme une construction discursive. Ainsi, en complément d’une étude filmique d’un corpus de trois films, nous accorderons une place importante à une analyse des discours médiatisés tenus par plusieurs acteurs qui participent à façonner l’identité de ces films. Cet article traitera des processus de construction et de théorisation de notre objet de recherche. Une première partie exposera la genèse de notre projet de mémoire et les étapes de la problématisation progressive de notre sujet. Une deuxième partie portera sur la construction de notre objet de recherche, qui s’articulera autour des notions de l’indépendance et de transnationalisation. Nous apporterons des nuances à l’approche transnationale en soulignant la persistance du cadre national dans le regard porté par l’Autre sur un cinéma considéré comme venu d’ailleurs. Le concept de déterritorialisation sera convoqué tout au long de notre réflexion. En effet, ce concept créé par Deleuze et Guattari dans L’Anti-Œdipe en 1972 a été réapproprié dans le champ de l’anthropologie culturelle pour décrire la séparation d’un élément (objet, sujet) culturel de son lieu d’origine dans le contexte de la globalisation. Cet usage du concept de déterritorialisation est couramment mobilisé dans les études sur les changements culturels liés aux processus de globalisation et de transnationalisation1, ce qui offre un cadre théorique intéressant pour penser notre objet. Ainsi, nous pouvons envisager la deuxième partie comme l’articulation de deux mouvements complémentaires de déterritorialisation et de reterritorialisation : si les contextes de production et de réception du cinéma indépendant vietnamien nous amènent à le déplacer du cadre national, ce cinéma va se reterritorialiser dans un territoire étranger, c’est-à-dire en France, où il trouve son public ainsi qu’une certaine reconnaissance. Cheminement de pensée Le point de départ de ce mémoire est né de notre étonnement face à la situation relativement unique d’une frange minoritaire du cinéma vietnamien : celle des films indépendants produits avec une équipe technique internationale et largement financés par des organismes publics européens, puis intégrés dans des circuits de diffusion à l’étranger tout en restant inconnus dans son propre pays d’origine, à part d’un cercle restreint de cinéphiles. Notre intérêt pour ces œuvres cinématographiques est étroitement lié à notre parcours antérieur au Vietnam, dans lequel nous avons été brièvement formée par des cinéastes cherchant une voie alternative de faire des films en dehors du système étatique et du cinéma commercial. Ainsi, de façon empirique, nous avons pris conscience de l’émergence d’un cinéma indépendant vietnamien qui se positionne dans la veine du cinéma d’auteur et dont certaines œuvres sont pleinement inscrites dans un cadre transnational de production et de réception. Notre questionnement quant à l’internationalisation de ce cinéma a été notamment suscité par notre rencontre avec le film Mékong Stories de Phan Dang Di à l’ancien cinéma Utopia de Toulouse en 2016. Sélectionné à la compétition officielle du Festival de Berlin 2015, il s’agit du deuxième film de Phan Dang Di sorti en France, après Bi, n’ai pas peur ! qui a remporté deux prix à la Semaine de la Critique du Festival de Cannes 2010. Tous les deux sont des coproductions entre le Vietnam, la France et d’autres pays européens. Notre intérêt s’est initialement porté sur ces deux longs métrages et ce cinéaste qui est considéré comme la figure de proue d’une « nouvelle vague » du cinéma vietnamien selon le discours des festivals, et qui bénéfice donc d’une certaine reconnaissance dans le champ cinématographique français et international. Nous nous sommes 1 CAPONE Stefania, « A propos des notions de globalisation et de transnationalisation », Civilisations [En ligne] 2004/01 (n°51), mis en ligne le 06 janvier 2009, consulté le 6 janvier 2018. URL : http:// civilisations.revues.org/634 ; DOI : 10.4000/civilisations.634 d’abord interrogée sur les aspects thématiques et esthétiques de ces films dans lesquels nous voyons une négociation identitaire entre le local et le global, le national et le transnational. Nous avons ainsi formulé l’hypothèse d’une quête identitaire du cinéaste qui prenait place à travers de ces films. Après une première discussion avec notre directrice de mémoire, nous avons pris du recul par rapport à notre réflexion initiale, notamment à une notion que nous avons hâtivement tenue pour évidente : l’indépendance. Il était alors indispensable de passer en premier lieu par la définition de notre objet de recherche – le cinéma indépendant vietnamien – en revenant sur le contexte historique, politique et sociale de son émergence et en nous intéressant aux contextes de production et de réception des films. Nous avons donc orienté notre recherche de manière plus définitive vers une approche communicationnelle qui s’appuierait sur une analyse des discours participant à la construction identitaire de ce cinéma, qui serait complétée par une étude filmique. Nous sommes donc arrivée à formuler trois questions autour desquelles serait structurée notre réflexion : 1) Que signifierait-il de faire un film indépendant au Vietnam ? ; 2) Comment caractériser les films indépendants du Vietnam qui dépassent des frontières locales ? ; et 3) Comment sont-il regardés par l’Autre ? Tout d’abord, nous avons mené une enquête sur le cinéma indépendant vietnamien, ce qui nous a amené à nous renseigner sur l’histoire du cinéma vietnamien dont nous disposons peu de connaissance, et donc à ancrer davantage notre recherche dans le terrain. À l’issue de cette enquête, nous avons pu établir une filmographie comprenant des documentaires, des longs métrages, des courts métrages et, dans une moindre mesure, des œuvres d’art vidéo, qui indique l’émergence d’un cinéma indépendant au Vietnam au milieu des années 2000. Ensuite, considérant que la construction identitaire n’est pas intrinsèque à l’objet lui-même mais émerge de sa présence sur un territoire étranger à son lieu d’origine, nous avons décidé de nous concentrer sur des discours produits du côté de la France, que nous avons pu identifier comme le principal lieu de circulation de ce cinéma. Par ailleurs, nous avons choisi de resserrer notre corpus autour de trois longs-métrages qui avaient trouvé un distributeur en France et étaient exploités en salle après avoir passé par de grands festivals de référence, ce qui leur a conféré une visibilité plus considérables que d’autres productions, d’où le foisonnement de discours autour d’eux. Ces trois films sont : Vertiges (Bùi Thạc Chuyên, 2009) ; Bi, n’aie pas peur ! (Phan Đăng Di, 2009) ; Mékong Stories (Phan Đăng Di, 2016). Construction de l’objet de recherche : entre déterritorialissation et retteritorialisation Notre tentative de conceptualiser le cinéma indépendant vietnamien doit faire face à de nombreux obstacles tant sur le plan méthodologique que documentaire. Tout d’abord, nous sommes contrainte par l’absence d’ouvrages de référence sur le cinéma vietnamien, que ce soit en vietnamien, en français ou en anglais. Ensuite, le peu de textes en français consacrés au cinéma vietnamien que nous avons pu repérer ne sont pas mis à jour : couvrant la période jusqu’au milieu des années 2000, ces textes ne traitent pas des films qui composent notre corpus ni des problématiques qui nous préoccupent. Ils permettent toutefois d’avoir un éclairage historique sur la genèse d’un cinéma indépendant au Vietnam. L’ouvrage le plus complet que nous avons trouvé est un recueil d’articles écrits par des spécialistes vietnamiens, français et anglo-saxons dans plusieurs domaines, qui dresse un portrait du cinéma vietnamien depuis la période coloniale. Nous avons traité cet ouvrage plutôt comme source, que nous avons complété par un article assez sommaire de Bastien Meiresonne, reconnu comme spécialiste des cinémas asiatiques en France, ainsi qu’un article écrit en anglais par Nguyen Trinh Thi, une réalisatrice indépendante de documentaire au Vietnam. À partir de ces sources que nous avons confrontées pour vérifier l’exactitude des propos, nous avons pu établir des repères importants dans le uploads/Philosophie/ le-cinema-independant-vietnamien-entre-deterritorialisation-et-reterritorialisation.pdf
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- Publié le Jul 28, 2022
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