24 LE FONDEMENT SELON SCHELLING spéculation schellingienne, meme quand cette de

24 LE FONDEMENT SELON SCHELLING spéculation schellingienne, meme quand cette demiere se tient sur un terrain théologisant : le schellingisme embrasse les choses divines dans son systeme, mais elle ne croit pas en épuiser par la tout le contenu. M. Fuhrmans a, certes, raison : la liberté divine est la notion pivotale de la Spiitphiloso­ phie (53), mais meme si elle est essentielle aux yeux de Schelling le croyant, Schelling, le philosophe n'arrive a l'expo. ser que grace aux exigences propres a sa métaphysique trans­ J: cendantale. S'il en avait été autrement, si la derniere philo­ sophie était née de la croyance personnelle de son auteur au Dieu vivant de l'Ecriture, alors la liberté divine aurait fini par se dissoudre dans la spéculation et réciproquement la philosophie serait devenue une sorte de prolongement de la Révélation (cf. lO, 401 sq.). (53) H. FuHRMANS : Schellings letzte Philosophie. Die negative und positive Philosophie im Einsatz des Spiitidealismus, Berlin, 1940, et, entre autres, dans le bel article Das Gott-Welt-Verhaltnis in Schellings positiver Philosophie, Kritik und Metaphysik. Studien, Berlin, 1966, pp. 196-211. CHAPITRE PREMIER LES RECHERCHES SUR L'ESSENCE DE LA LIBERTE HUMAINE Apres avoir accédé, avec l'Exposé de Mon Systeme de philosophie (1801), a un point de vue absolu et Cl inaltérable D (PI. 1, 328 f.), Schelling se voit rapidement reconnu comme le plus grand penseur de l'Allemagne. Le théologien Sailer l'appelle un nouveau soleil, comparable en importance a Kant (1) ; mais si Schelling devient et demeure pour un temps Clpremier D aux yeux des contemporains (2), c'est surtout a travers son conftit historique avec Fichte, le premier grand disciple de Kant, qu'il conquiert cette position exaltée (3). L'admiration des lecteurs et des amis se traduit par des comparaisons exagérées dont la plus caractéristique et la plus commune est celle avec Platon. Le Bruno, dialogue platoni­ cien, est mis en rapport avec le Phédon (4) et le Timée (5), et pour Eschenmayer c'est dans l'reuvre de Schelling que le (1) Johann Michael Sailer. Briefe, ed. H. Schiel, Regensburg, 1952, p.274. (2) «Schelling ist und bleibt der Erste., Adam Müllers Lebens­ zeugnisse 1, ed. l. Baxa, München, 1966, p. 95. (3) Schelling apparait face a Fichte, comme Raphael a Michel­ Ange, GORRES, Aphorismen über die Organonomie. Gesammelte Schriften IIJ, 95 ou bien Fichte s'oppose a Schelling comme Schiller a Grethe, H. STEFFENS, Lebenserinnerungen aus dem Kreis der Roman­ tik, ed. F. Gundelfinger, lena, 1908, p. 76. (4) U. WAGNER, Lebensnachrichten und Briefe, Ulm, 1849, p. 208. Pour H. Beckers le Clara est le second Phédon Die Unsterblichkeits­ lehre Schellings im ganzen Zusammenhang dargestellt, München, 1865, p.24. (5) l. WILLM, Histoire de la philosophie allemande depuis Kant jusqu'Q H!!gel I1I, Paris, 1847, p. 270. 29 28 LE FONDEMENT SELON SCHELUNG nissantes de Karlsbad et la vigueur de sa propre pensée (18). qui considere que chacune de ses querelles littéraires engage l'honneur de la science et le destin de la patrie (19) et qui ira jusqu'a comparer les blessures qu'il allait recevoir a Berlin. dans cette fosse aux lions hégéliens 00 il pénetre pour l'amour de ses prochains (Cofta 242), - aux blessures du Christ 11 (20)? L'homme qui se félicite d'avoir échappé aux éloges habituels que les Allemands décement a leurs hommes illustres lors de l'anniversaire des moments importants de leur carriere publique, mais qui, dans le meme paragraphe. remercie avec e1Iusion le Roi Maximilien - de luí avoir décemé la grande croix de l'ordre du mérite bavarois (21). (l8) lohann Karl Passavant. Ein christliches Lebensbild. Frankfurt a.M., 1867, p. 415. (19) Fu 1, 78. Schelling, qui croit mener la lutte du bon principe contre le mauvais (PI. 2, 78), pense qu'entre l'époque décadente et l'époque ascendante il ne peut pas y avoir conflit simplement contin­ gent, surtout paree que dans les controverses scientifiques on ne peut guere trouver «ein Mittleres zwischen Ja und Nein, Wahr und Unwahr. 3, 650 ff. Sans doute, ne faut-il pas s'abaisser a s'en prendre au caractere moral de l'adversaire (7, 113) et une polémique vraiment chrétienne ne doit pas impliquer la personne (PI. 3, 122) mais puisque la vraie philosophie ne s'oppose qu'a une construction individuel1e, le conflit ne peut pas ne pas toucher l'individu qui édifia cette der­ niere (S, 17). La raison du caractere passionné des polémiques en philosophie c'est que 1'0n n'attaque pas tellement l'entendement de l'autre mais sa volonté car • Wie der Mensch, so seine Philosophie. 13, 203 ; cf. aussi 9, 506. De toute fayon, dans ses polémiques Schelling n'est jamais inspiré par l'intér8t individuel ou le désir de vengeance, «sondern Interesse der Philosophie, und unser gemeinschafts, Vaterlands • exige que le jeune philosophe réplique a Nicolai qu'il va ainsi « geisseln, mit Scorpionen züchtigen, und prostituiren...• Fu 1, 78 f! Caroline remarque déja en 1798 la fureur de Schelling a l'égard de ceux qu'il considere comme ses adversaires Caroline. Briefe aus der Frühromantik 1, ed. E. Schmidt, Leipzig, 1913, p. 497 et Fichte lui écrira deux ans plus tard «Wie kommt es doch, dass Sie sich nicht mittheilen k6nnen, ohne zu beleidigen? Fu 2,' 381. En fait, Schelling était un polémiste redoutable et comme l'observa O.M. Klein, ni Reinhold, ni Fichte ni Jacobi ne lui répondirent jamais en public Betrachtungen über den gegenwiirtigen Zustand der Philosophie, Nürnberg, 1813, p. 183. (20) PI. 3, 183. Mais Schelling s'était déja comparé a Jésus-Christ en 1806 : 7, 38. Et l'ami Windichmann pense que l'ceuvre de Schelling est éternelle, «Ein neues Evangelium, dem nach manchen Kampf doch die Künste des Teufels weichen müssen.• W. Beierwaltes : Platonismus und Idealismus. Frankfurt am Main, 1972, p. 204. (21) Max. 172 f. N'oublions pas que Caroline trouvait déja en 1808 que la médaille allait tres bien a son mari Caroline. Briefe aus der L'ESSENCE DE LA UBERTE HUMAINE l'homme qui ne cesse de parler de l'absolu et du néant du monde des sens, mais qui adresse une réc1amation aigre a son foumisseur concemant la qualité de son vin (Fu. 1, 262) et qui, a l'occasion de la sombre histoire de la perte d'un livre preté, puis redemandé plus tard par Paulus, traite ce demier, réputé d'origine juive, .de Shylock (Fu. 1, 347)? L'homme dont personne ne lit plus les écrits pendant les demieres années de sa vie (Cotta 249) mais qui travaille inlassablement jusqu'a la fin et qui, entré dans sa quatre-vingtieme année. songe a reprendre son enseígnement a l'Université de Ber­ lin (22)? Schelling a été appelé le philosophe le plus génial du siec1e (23), le pere de la philosophie allemande (24), celui dont le systeme est la plus haute poésie de l'esprit humain (25) et quí ressemble a la nature elle-meme dans sa créativité infl­ nie (26). Le jeune Schelling loué par Marx (27), comparé a Hérac1ite (28), a eu le mérite d'avoir métamorphosé la nature en une demeure amicale et familiale pour l'homme (29) et par ses écrits sur l'identité d'avoir édifié un idéalisme qui est la vie elle-meme et qui embrasse tout le réel (30). L'historien Frühromantik 11, Leipzig, 1913,. p. 528. Autour de 1818 Schelling parait avoir exigé 1'0rdre de l'aigle rouge pour accepter une chaire a Berlin, SchSp. 252. (22) O. BRAUN, Briefe Schellings an seine sahne Fritz und Hermann. Hochland, IX, 1911, p. 327, cf. PI. 3, 221, n. 1. (23) K.P. FISCHER, Zur hundertjiihrigen Geburtsfeier Franz von Baaders, Erlangen, 1865, p. !O, cf. Schelling comme le spiritus rector du siecle; ¡L. MBRZ, ¡Schelling und die Theologie. Berlin, 1845, p. 2. (24) P. LBROUX, Du cours de philosophie de Schelling, La Revue Indépendante 3, 1842, p. 289. (25) J.C. PFISTBR, Geschichte der Teutschen V, Hamburg, 1835, p. 639. Schelling eut la réputation d'8tre lui-m8me l'auteur du passage élogieux sur sa propre pensée. O. BACHERBR, Buch vermischter Bezüge. Leipzig, 1840, pp. 188 ff. in O. SCHNEEBBRGBR, Friedrich Wilhelm 10seph von Schelliftg. Eine Bibliographie, Bern, 1954, p. 79. (26) Selon une lettre de J. Niederer in J. BBBBTH, Die philosophische Umgestaltung der Pestalo1.Zischen Theorie durch Niederer, Diss. Leipzig, 1913, p. 25. (27) K. MARX, Werke und Schriften bis Anfang 1844. Nebst Briefen und Dokumenten. Marx-Engels Gesamtausgabe 1, 1.2, Berlin, 1929, p. 316. (28) J. KUHN, Die Schelling'sche Philosophie und ihr Verhiiltniss zum Christenthum 3, Theologische Quartalschrift XXVI, 1845, p. 39. (29) J.B. STALLO, General principies of nature. Boston, 1848, p. 227. (30) Ainsi F. OBNTZ, Adam Müllers Lebenzeugnisse 1, München, 31 .,~ LE FONDEMENT SELON SCHELLING 30 Bunsen décrira en distiques l'apparition de Schelling insuf­ flant la vie a la nature figée, assignant un sens a l'histoire, jusqu'alors simple amas chaotique et confus de faits (31), exploits, que plus tard K. Wemer résumera avec plus de sobriété en disant : c'est Schelling qui a inauguré la philo­ :sophie spéculative proprement dite (32). Sans doute, Schelling sera aussi apprécié pour ses écrits plus tardifs, mais la plus belle partie des louanges est décemée al'reuvre de la premiere grande décennie de ce jeune homme génial qui a réussi - dit­ on - a aller au-dela de Kant, a vaincre Fichte et, en dépassant uploads/Philosophie/ le-fondament-selon-schlling.pdf

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