Ibn Arabî Le Traité de l'Unité Le Traité de l'Unité (Risâlatul-Ahadiyah) Traduc

Ibn Arabî Le Traité de l'Unité Le Traité de l'Unité (Risâlatul-Ahadiyah) Traduction Abdul-Hâdi (1911) INTRODUCTION Le petit traité que nous voulons traduire est un des plus intéressants qui existent sur la question. Le texte arabe n’a jamais été imprimé nulle part, autant que je le sache. Les manuscrits abondent, mais ils sont rarement exacts et présentent beaucoup de variations du texte primitif. Celui-ci est donc à restituer, mais ce travail n’offre pas de grandes difficultés en la circonstance. La pensée dominante est très claire, de sorte que les différentes rédactions et les nombreuses fautes des copistes ne constituent aucun obstacle à l’intelligence parfaite du texte. Les seuls points contestables sont le titre de l’ouvrage et le nom de l’auteur. L’ouvrage est souvent désigné par : « L’épître de la connaissance du Seigneur par la connaissance de soi-même ». C’est aussi le sujet de la dissertation. Autres titres : « Le traité de la connaissance de soi- même » (La clef de la connaissance (d’Allah) - Kitâbul-Alif - « Kitâbul- Ajwibah » - « Le traité de Balabâni » (d’après le nom d’un auteur présumé). Le titre le plus fréquemment employé par les écrivains aussi bien que par les Derwishes est : « Risâlatul-Ahadiyah », ou l’épitre de l’Unité. C’est celui-ci que nous avons adopté. La question de l’auteur ne laisse pas d’être discutable. Nous pouvons affirmer qu’il s’appelle toujours Mohammad Abd-Allah, mais cela ne nous avance pas beaucoup. Les manuscrits qui précisent davantage le nom de l’auteur se divisent en deux catégories : les uns disent que l’auteur est Mohammad Abu Abd-Allah ibn Ali Mohyiddin ibn Arabi el-Hâtimi et-Tâ'i el-Andalûsi, surnommé le plus grand des Sheikhs (m. 638 H.). Je suis persuadé que notre grand Maître est, en effet, l’auteur de cet admirable traité. Le style l’indique d’une façon assez 3 suffisante. D’autres manuscrits l’attribuent à un Mohammad ou à un Abd-Allah Balabâni, Bilbâni ou même Balayâni. Quel est ce Sheikh ? Il y a un Awhadud-Din Abd-Allah el-Balayâni (m. 686 H.). Il se pourrait aussi que Balabâni soit un surnom kurdo-persan, de Bala = haut, et Bân = voix. Les savants kurdes ont toujours eu, plus que les autres, une grande vénération pour Mohyiddin. Balabâni serait donc une paraphrase kurde de Es-Sheikhul-Akbar = le plus grand des Sheikhs ou Maîtres spirituels. Allah connaît le mieux la vérité là-dessus. J'ai entendu dire que quelques manuscrits attribuent la paternité de ce traité à un des Soyûtis. Il me parait invraisemblable qu’un pareil ouvrage ait pu sortir d’aucun de ces deux savants, car il n’est pas un produit d’érudition, mais de maîtrise ésotérique. La question du véritable auteur reste pourtant ouverte jusqu’à nouvel ordre. Je suis intimement persuadé que l’auteur en est Mohyiddin ibn Arabi, mais je ne puis à l’heure actuelle, réfuter scientifiquement une opinion contraire. J’ai à ma disposition une dizaine de manuscrits, dont aucun n’est correct, même à peu près. Ma traduction était aux trois quarts terminée lorsque j’appris que l’ouvrage avait déjà été traduit en anglais, je ne sais où quand et par qui. Dans tous les cas, il n’en existe aucune traduction française. Nous ferons suivre la nôtre de la rédaction définitive du texte quand l’imprimerie arabe de cette revue sera bien installée. Abdul Hâdî - 1911 4 LE TRAITE DE L'UNITE Au nom d’Allah, le Clément, le Miséricordieux Nous implorons Son secours. Gloire à Allah, avant l’Unité (1) duquel il n’y a pas d'antérieur, si ce n’est Lui qui est ce Premier (2) ; après la Singularité (3) duquel il n'y a aucun après, si ce n’est Lui qui est ce Suivant (4). A propos de Lui (5) il n’y a ni avant, ni après, ni haut, ni bas, ni près, ni loin, ni comment, ni quoi, ni où, ni état, ni succession d’instant, ni temps, ni espace, ni être (6) : « Il est tel qu’Il était. » - « Il est l’Unique, le Dompteur » (7) sans (les conditions ordinaires de) l’Unité (8). Il est le Singulier (9) sans singularité (10). Il n’est pas composé de nom et de nommé, car le nom est Lui et le nommé est encore Lui (11). Il n’y a pas de nom sauf Lui. Il n'y a pas de nommé en dehors de Lui. C’est pourquoi il est dit qu'Il est le nom et le nommé (12). Il est le Premier sans antériorité. Il est le Dernier sans les conditions ordinaires de la finalité, c’est-à-dire sans finalité absolue. Il est l’Évident sans extériorité. Il est l’Occulte sans intériorité. Je veux dire qu’Il est l’existence des « Glyphes » (13) de l'externe comme Il est l’existence de ceux de l’interne. Il n'y a ni externe ni interne hormis Lui, et cela sans que ces Glyphes se changent pour devenir Lui, ou que Lui, Il se change pour devenir ces Glyphes. Il importe de bien comprendre cet arcane, de peur de tomber dans l’erreur de ceux qui croient aux incarnations de la Divinité. Il ne se trouve pas dans quelque chose et aucune chose ne se trouve dans Lui par une entrée ou une sortie quelconque (14). Il faut le connaître de cette façon, non par la science, l’intelligence, l’imagination, la sagacité, les sens, la vision extérieure, la vision intérieure, la compréhension ou le raisonnement. Personne ne peut Le voir, sauf Lui (-même). Personne ne Le saisit, sauf Lui (-même). Personne ne Le connaît, sauf Lui (-même). Il Se voit par Lui (-même) (15). Il Se connaît par Lui (-même). Autre-que-Lui ne peut Le voir. Autre-que-Lui ne 5 peut Le saisir. Son impénétrable voile est Sa propre Unicité. Autre- que-Lui ne Le dissimule pas. Son voile est Son existence même. Il est voilé par Son Unicité d’une façon inexplicable. Autre-que-Lui ne Le voit pas : aucun prophète envoyé, aucun saint parfait ou ange approché (16). Son prophète est Lui (-même). Son messager (apôtre) (17) est Lui. Sa missive (apostolat) est Lui. Sa Parole est Lui. Il a mandé Son ipséité par Lui-même de Lui-même vers Lui-même, sans aucun intermédiaire ou causalité (extérieure) que Lui-même ! Il n’y a aucune disparité (de temps, d’espace ou de nature) entre Celui qui envoie, entre le Message, et le Destinataire de cette missive. Son existence est celle des Lettres de la prophétie, pas d’autre. Autre-que- Lui n’a pas d’existence (ou de nominalité), et ne peut donc s'anéantir (n'ayant jamais existé). C’est pourquoi le Prophète a dit « Celui qui connaît son âme (c’est-à-dire soi-même) connaît son Seigneur » Il dit encore « J’ai connu mon Seigneur par mon Seigneur. » Le Prophète d’Allah a voulu faire comprendre par ces mots que tu n’es pas toi, mais Lui ; Lui et non toi ; qu’Il n'entre pas dans toi et tu n’entres pas dans Lui ; qu'Il ne sort pas de toi et tu ne sors pas de Lui. Je ne veux pas dire que tu es ou que tu possèdes telle ou telle qualité. Je veux dire que tu n’existes absolument pas, et que tu n’existeras jamais ni par toi- même ni par Lui, dans Lui ou avec Lui. Tu ne peux cesser d’être, car tu n’es pas. Tu es Lui et Lui est toi, sans aucune dépendance ou causalité. Si tu reconnais à ton existence cette qualité (c’est-à-dire le néant) alors tu connais Allah, autrement non. La plupart des initiés disent que la Gnose, ou la Connaissance d'Allah vient à la suite du Fanâ el-wujûdi et du Fanâ el-fanâ'i, c’est-à-dire par l’effet de l’extinction de l’existence et de l’extinction de cette extinction. Or, cette opinion est tout à fait fausse. Il y a là une erreur manifeste. La Gnose n’exige pas l’extinction de l’existence (du moi) ou l’extinction de cette extinction ; car les choses n’ont aucune existence, et ce qui n’existe pas ne peut cesser d’exister. Dire qu’une chose a cessé d’exister, qu’elle n’existe plus, équivaut à affirmer qu’elle a existé, qu’elle a joui de l'existence. Donc, si tu connais ton âme, c’est-à- dire toi-même, si tu peux concevoir que tu n’existes pas et, partant, que tu ne t’éteins pas, alors tu connais Allah, autrement non. Attribuer la Gnose au Fanâ et au Fanâ el-fanâ'i est un crédo idolâtre. Car, si tu 6 attribues la Gnose au Fanâ et au Fana el-fanâ'i, tu prétends qu’autre- qu’Allah puisse jouir de l’existence. C’est Le nier, et tu es formellement coupable d’idolâtrie. Le Prophète a dit : « Celui qui connaît son âme (18) (c’est-à-dire lui-même) connaît son Seigneur. » Il n’a pas dit : « Celui qui éteint son âme (19) connaît son Seigneur. » Si l’on affirme l’existence d’un autre, on ne peut plus parler de son extinction, car on ne doit parler de l’extinction de ce qu’on ne doit affirmer. Ton existence est néant, et néant ne peut s’ajouter à une chose, temporaire ou non. Le Prophète a dit : « Tu n’existes pas maintenant, comme tu n’existais pas avant la création du monde. » Le mot « maintenant » (est pris ici dans son sens de présent absolu,) signifie l’éternité sans uploads/Philosophie/ le-traite-de-l-x27-unite-ibn-arabi-pdf.pdf

  • 39
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager