221 L’Autre qui n’existe pas et ses Comités d’éthique Éric Laurent et Jacques-
221 L’Autre qui n’existe pas et ses Comités d’éthique Éric Laurent et Jacques- Alain Miller Treizième séance du séminaire (mercredi 19 mars 1997) Éric Laurent : Alors, nous en étions à l’abord du réalisme dans la psychanalyse tel que Lacan en donnait la méthode et par où il envisageait la procédure de la passe. La méthode étant définie par une volonté de construire une théorie de l’inconscient où nul ne peut se tenir irresponsable de ce qui s’avère de fait par une pratique. Le fait qui s’avère par une pratique, celle du psychanalyste, c’est que le symptôme répond à l’interprétation par le signifiant. Le symptôme, notre signe, répond ainsi, encore faut-il que l’interprétation renvoie non pas à un langage d’interprétation comme métalangage, mais renvoie bien à la faille qu’inclut, qu’emporte le langage, au bord où se noue le point du peu de sens au langage lui-même. Ce point peut être désigné de différentes façons. Dans les termes de la métaphore ou de la métonymie, le point de faille, c’est aussi bien celui où le sujet se noue à la gerbe de l’exemple de la métaphore, sa gerbe n’était point avare ou haineuse, ou bien par la métonymie, le point où le caviar se fait l’instrument du désir de caviar. Ce point de faille ou de barre, c’est le moment où désir, désir/jouissance, se nouent à ce langage. Se formuler dans les termes de métaphore ou de métonymie, cela supporte encore le vouloir dire, le faut dire, comme matière à faire sujet. Comme le traçait dans ce parcours Jacques-Alain Miller faisant apparaître l’ au-delà de ce « faut dire ». Le pas-de-sens est mensonger sur le sens et à partir de là peut s’entendre la mise en garde de Lacan qui notait « le symptôme gardait un flou de représenter quelque irruption de vérité alors qu’il est vérité ». Une vérité qui est toute entière dans cette matière même du langage qui là est impliqué. Le réalisme donc comme méthode, c’est de faire supporter la dimension du symptôme et du produit par l’étoffe même du langage et de la signifiance. Cette étoffe de jouissance qui fait que l’objet du discours, n’a pas d’autre référence que la faille elle- même, ce qui n’empêche pas qu’il y ait un objet qui est produit. Et l’analyste lui-même, objet de l’investigation de la méthode : ça c’est ce qui en donne la direction. Et Lacan donne aussi ce qui s’en écarte. Ce qui s’en écarte, nous en avons deux exemples, l’un dans les théories répandues dans le mouvement psychanalytique sur le transfert, qui aboutissent au retour à zéro, au dégagement de l’analyste de l’opération de transfert qu’il a instaurée. Ce que Lacan dit ainsi (revoir) : « Les analystes, s’ils sont E. LAURENT, J.-A. MILLER, L'Autre qui n'existe pas et ses comités d'éthique Sem 13 19/3/97 222 capables de rejeter le fardeau de cette responsabilité, c’est d’éloigner d’eux- mêmes la promesse de rejet qui les appelle à mesure que leur voix aura fait effet, qu’on le sent du lavage de mains dont ils éloignent d’eux le dit transfert ». Les théories circulant dans le mouvement psychanalytique sur le transfert sont désignées comme méthode s’écartant de cette visée réaliste, puisque, loin d’impliquer l’analyste comme production elles visent, à la fin du processus, à l’en dégager, à l’en écarter, lavage de mains. L’autre façon c’est ce que Lacan ailleurs désigne comme un étrange effet des productions conceptuelles des analystes. C’est que chaque fois qu’un psychanalyste capable de consistance fait prévaloir un objet dans l’acte analytique, il doit déclarer que la voie analysante ne saurait que le contourner. Et l’exemple qu’il prend, du psychanalyste capable de consistance, c’est Winnicott. Winnicott, qui produit ou invente un objet, le faux self, et considère que ce faux self n’est pas atteignable par l’interprétation psychanalytique elle- même. Donc il est exclu de la manœuvre de la fonction psychanalytique. Et là, Lacan appelle ça le lapsus de l’acte analytique. C’est une façon de s’écarter de la méthode réaliste. C’est vouloir construire un réel dans l’expérience, à condition qu’il échappe à l’interprétation. À condition qu’il échappe à l’acte analytique et il est d’autant plus réel, il est présenté par le psychanalyste comme découverte de sa méthode, de son action, d’autant plus qu’il échappe en fait à l’interprétation qui est sa pratique. Lacan prend cet exemple là, winnicottien, pour désigner un phénomène général, qu’il n’étend pas plus mais dont il donne la formule constante, donc chaque fois qu’il faut faire prévaloir un objet dans l’acte, c’est surtout à condition que ça échappe à la voie de bavardage de la psychanalyse et la voie interprétative. C’est la façon dont en général ils font montre du réel, par cette façon de mimer l’écart entre l’abord du sens et l’abord par le réel du nom. Le réalisme comme méthode, en psychanalyse, c’est tout autre chose que cet éloignement, cette absence, ou cette volonté d’ainsi produire un objet tout seul, ne répondant pas. Le réalisme, c’est d’interroger ce qui est produit, à partir du moment où ça cesse de répondre à l’interprétation, ça cesse de répondre à l’action, à la fin du processus, l’analyste en est exclu, il n’arrive plus à faire répondre le symptôme par sa méthode et ça interroge donc cet être qui reste seul. Et c’est par là que s’interroge le mode du un tout seul autrement que dans cette antinomie dite lapsus de l’acte. Et c’est à partir de là que Lacan interroge, prend donc la problématique réaliste liée à cet être du un tout seul et qui combine dans une formule étonnante à la fois le un, le tout et le seul, qui sont trois termes qui ont animés tout le débat de la métaphysique autour de la querelle des universaux. Comment reconnaît- on le un, comment reconnaît-on le tout, comme reconnaît-on le seul ? Est-ce que c’est par la perception, par l’intellect ? enfin toute une affaire que dans Encore Lacan balaye pour nous d’un vaste geste, en disant que ce qui est important surtout c’est de savoir à E. LAURENT, J.-A. MILLER, L'Autre qui n'existe pas et ses comités d'éthique Sem 13 19/3/97 223 quoi tout ça sert, à quelle jouissance cela renvoie et salue l’utilitarisme pour avoir remis ça sur ses pieds et note que ça a permis un grand pas pour décoller des vieilles histoires d’universaux où on était engagé depuis Platon et Aristote, qui avaient traîné pendant tout le moyen-âge, et qui étouffaient encore Leibnitz, au point qu’on se demande comme il a été aussi intelligent. Alors si vous voulez savoir cette vieille querelle des universaux, à quel point c’est en effet étouffant, vous avez l’excellent livre, l’étude récente d’Alain de Libera Sur la querelle des universaux de Platon à fin du moyen- âge, ou les livres, qui était une pratique régulière chez Lacan, d’Étienne Gilson, qui, sur la question, nous font apercevoir à quel point Lacan a taillé pour reconstruire les nouveaux modes du un, du tout, et du seul, qui apparaissent dans Encore. La querelle des universaux est aussi un texte compagnon ou adversaire de l’effort de présentation qui se produit dans Encore. Je voudrais, là, adapter ou prendre dans la perspective de la méthode réaliste un malaise dans la psychanalyse contemporaine. C’est un malaise qui insiste, en dehors de notre mouvement, et dans le nôtre, par d’autres voies, cet appel, à trouver enfin un lieu pour ce réel dans l’expérience, et ça insiste d’autant plus, ailleurs, dans les mouvements psychanalytiques qui ne connaissent pas justement l’expérience de la passe, et de la clinique réaliste qu’elle implique selon la méthode qu’a définie Lacan. Et je prend comme symptôme de ce malaise un texte de l’actuel président de l’IPA, Horacio Etchegoyen, qui est un texte ambitieux, programmatique, qu’il a rédigé au moment où il allait devenir président élu de l’IPA. C’est le même Horacio Etchegoyen qui s’entretenait avec Jacques-Alain Miller il y a peu. C’est sa façon d’envisager le réalisme, de localiser le réel dans l’expérience psychanalytique qu’il poursuit dans ce texte, qui s’appelle, « La psychanalyse..., en anglais, donc Psychoanalysis during the last decade, La psychanalyse dans la décade précédente, aspects théoriques et cliniques. Il intervient par ce texte dans un débat qui a commencé dans l’IPA, il y a dix ans, en 1987, au congrès de Montréal, s’est poursuivi à Rome, où le président de l’époque, qui s’appelait Wallerstein, répondait à Kohut et en particulier au chapitre VI du livre de How does psychoanalysis cure ?, Comment guérit la psychanalyse ? Et dans son sixième chapitre, Kohut opposait la conception kleinienne de la psychanalyse, spécialement dans sa version argentine, à la théorie du self, la sienne. Et il voulait montrer les différentes façons de formuler une interprétation, dans des langues distinctes, ou bien en langue kleinienne ou bien en langue de la self psychology. À cette conception de langues d’interprétation, Wallerstein répondait dans une épistémologie à l’anglo- saxonne, en disant que l’on ne doit pas considérer ces langues d’interprétation en termes d’exactitude ou d’inexactitude, tourment introduit uploads/Philosophie/ cours13.pdf
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- Publié le Aoû 12, 2021
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