JACQUES RUEFF de l'Académie françaisc LES DIEUX ET LES ROIS l?egarJs sur le pou

JACQUES RUEFF de l'Académie françaisc LES DIEUX ET LES ROIS l?egarJs sur le pouvoir créateur HACHETTE DU MÊME AUTEUR Des Sciences physiques aux Sciences morales (Introduction ii l'étude de la morale et de l'économie politique ration· nelles), 1922 P.U.F., traduction anglaise (1929). Sur une théorie de l'inflation, Berger.Levrault, 1925. (Epuisé.) Théorie des phénomènes monétaires. Statique, Payot, Paris, 1927. (Epuisé.) Une Erreur économique Doin, 1929. (Epuisé.) l'organisation des transferts, La Crise du Capitalisme, Editions de la Revue Bleue, 1925. (Epuisé.) L'Ordre social, 3" édition, Editions M. Th. Génin, 1967. Traductions allemande (1952) et espagnole (1964). Epitre aux dirigistes, Gallimard, 1949. Traductions anglaise et italienne. La Régulation monétaire et le problème institutionnel de la monnaie, Recueil Sirey, 1953. Traductions anglaise et allemande. Discours sur le Crédit, Editions du Collège libre des Sciences sociales et économiques, 184, Bd Saint.Germain, Paris, 1961. L'Age de l'Inflation, 4" édition, Payot, 1964. Traductions anglaise, italienne, portugaise et espagnole. Discours de réception ii l'Académie française et réponse de M. André Maurois, Gallimard, Paris, 1965. Le lancinant problème des balances de paiements, Payot 1965. Traduction américaine (1967). Les Fondements philosophiques des systèmes économiques. (Textea de Jacques Rueff et essais rédigés en son honneur), Payot, Paria, 1967. LES DIEUX ET LES ROIS A TOUS LES SAVANTS, A TOUS LES PENSEURS, SANS QUI CET OUVRAGE N'AURAIT PU EXISTER. La stèle dont la photographie est repro- duite sur la couverture, est au Musée du Louvre. Elle représente Slzamash, dieu soleil, en même temps dieu de la justice, remettant au roi de Babylone Hammurabi (1790-1750 av. J.-C.) le code des lois qu'il est chargé de faire appliquer et qui a reçu son nom. © Librairie Hachette, 1968. TROISIEME EDITION REVUE ET CORRiGEE JUPITER. - Nous sommes parents; je t'ai fait à mon image : un roi, c'est un dieu sur la terre... Nous faisons tous les deux régner l'ordre : toi dans Argos, moi dans le monde; et le même secret pèse lourdement dans nos cœurs. ÉGISTHE. - Je n'ai pas de secret. JUPITER. - Si, le même que moi. Le secret douloureux des Dieux et des rois: c'est que les hommes sont libres. ns sont libres, Égisthe. Tu le sais et ils ne le savent pas. ÉGISTHE. - Parbleu, s'ils le savaient, ils mettraient le feu à mon palais. Voilà quinze ans que je joue la comé- die pour leur masquer leur pouvoir. JUPITER. - Et moi, voilà cent mille ans que je danse devant les hommes. Égisthe, ma créature et mon frère, au nom de cet ordre que nous ser- vons tous deux, je te le commande : empare-toi d'Oreste. ÉGISTHE. - Dieu tout-puissant, qu'at- tends-tu pour le foudroyer? JUPITER. - Égisthe, les Dieux ont un autre secret. .. Quand une fois la liberté a explosé dans une âme d'homme, les Dieux ne peuvent plus rien contre cet homme-là. JEAN-PAUL SARTRE: Les Mouches. II, v. PRÉAMBULE LA DÉCOUVERTE DES QUANTA IMPOSE UNE INTERPRÉTATION NOUVELLE DE L'ENSEMBLE DE NOS CONNAISSANCES S ELON Louis de Broglie, « la découverte des quanta, dont les conséquences commencent seulement à nous apparaître dans toute leur ampleur, semble bien exiger, de la part de la pensée scientifique, un des changements d'orientation les plus importants qu'elle ait eu à effectuer au cours de son long et séculaire effort pour plier, autant qu'il est possible, notre tableau du monde physique aux exigences de notre raison 1 ». C'est dans la théorie du rayonnement que la notion de quanta, c'est-à-dire d'unités discrètes, s'est d'abord imposée aux physiciens. De là, elle a gagné les autres domaines de la physique microscopique, dont les résul- tats conduisent à « considérer la réalité physique comme formée d'unités présentant des avatars succes- sifs, avec transitions brusques, avatars dont la descrip- tion ne peut se faire dans le cadre de la continuité et du déterminisme 2 ». 1. Matière et Lumière, Albin Michei, p. 290. 2. Ibid., p. 288. .. 8 LES DIEUX ET LES ROIS Or le renouvellement accompli en physique et dans les sciences connexes n'a même pas été tenté dans les autres domaines de la connaissance et, notamment, dans celui des sciences humaines. « Aujourd'hui, cons- tate un philosophe, entre la théorie des quanta, qui soutient l'édifice scientifique de l'âge atomique, et la pensée des économistes et philosophes, marxistes ou technocrates, il semble qu'il se soit écoulé des siècles. Ils ne parlent plus la même langue. Ils n'ont plus une idée en commun 1. » C'est l'abîme séparant ces deux domaines de l'esprit - celui des sciences vouées à l'interprétation rigoureuse des apparences sensibles, celui des disci- plines qui n'ont pas su ou pas voulu se soumettre aux enseignements des faits - que le présent livre tente de commencer à combler. Il marquera d'abord la généralité du fait quan- tique. C'est un curieux paradoxe que la découverte, dans la substance intime de la matière, de l'existence d'individualités telles que particules fondamentales, atomes, molécules, cellules vivantes... alors qu'elle aurait dû s'imposer à notre attention dans les domaines où, l'individu étant à notre échelle, elle était immé- diatement observable, c'est-à-dire en zoologie, en bota- nique, en économie politique, en sociologie humaine. Le prochain chapitre montrera qu'il n'est, dans notre univers, aucune réalité qui, observée à une échelle appropriée, n'apparaisse pas comme un ensem- ble d'individus associés. Cette constatation donne à toutes les sciences de la nature le caractère de « sciences sociales» et fait de 1. ERIC KRAEMER : La Grande Mutation.. PRÉAMBULE 9 l'étude des processus d'intégration - ceux qui, par exemple, associent électrons et protons à l'intérieur de l'atome, cellules vivantes ou groupements organiques de cellules à l'intérieur de l'animal et de la plante, offreurs et demandeurs à l'intérieur d'un marché en équilibre - l'objet de presque toutes les disciplines scientifiques. La confrontation des structures sociales caracté- ristiques de notre univers et des processus par lesquels elles sont établies et maintenues, dégagera d'impor- tants enseignements. Elle éclairera nombre de pro- blèmes qui restaient obscurs tant qu'ils étaient consi- dérés isolément. Elle montrera notamment que, si peu vraisem- blable que cela paraisse, l'étude des sociétés humaines peut apporter une aide efficace aux recherches qui visent plus spécialement les sociétés dont la physique atomique et moléculaire ainsi que la biologie analysent les mécanismes. Dans les sociétés humaines, en effet, nous ne per- cevons pas directement, comme à l'échelon atomique, moléculaire ou biologique, l'existence de la société, mais nous avons, par l'introspection, connaissance immédiate de certains processus corpusculaires et, notamment, des interactions affectant ou déterminant le comportement des grains que constituent les personnes humaines. C'eet l'entrée solennelle de l' « individu » dans la pensée scientifique que, partant du fait quantique, le présent livre voudrait saluer. Cependant, je voudrais qu'on ne me fît pas l'in- jure de croire que je cultive systématiquement l'ana- logie. Je sais, comme tout autl"e, que « comparaison 10 LES DIEUX ET LES ROIS n'est pas raison D. Je n'ignore pas les différences pro- fondes qui séparent les divers ordres de la nature. Mais i' ai la conviction que les ressemblances que i' esl8Îe d'expliciter ne sont ni coïncidences fortuites ni jeux d'esprit, parce que conséquences nécessaires du carac- tère social de toutes les structures qui sont l'étoffe de notre univers. L'exposé des réflexions qui suivent a soulevé pour moi de grandes difficultés. Pour le faire complet ou rigoureux, il m t eût fallu une connaissance approfondie, qui, hélas! me fait défaut, des conquêtes les plus récentes de la phy- sique théorique et de la biologie. Sachant mes lacunes, i' ai, toutes les fois que possible, rapporté directement les textes où j'avais puisé mes modestes connaissances. Je demande au lectem; de ne pas me taxer de compila- tion, mais de comprendre que les sujets traités étaient trop difficiles et trop spéciaux pour que je n'aie pas craint, par un résumé ou une simple analyse, de défor- mer les textes qui m'avaient nourri de leur substance. Les premiers chapitres, en particulier, contien- nent de nombreuses citations de Louis de Broglie. Mais c'est bien plus que de simples citations que le présent livre lui doit. Sans ses ouvrages, et notamment Matière et Lumière, Physique et Microphysique, Continu et Discontinu en physique moderne, il n'eût pu exister. J'espère aussi qu'on me pardonnera plusieurs redites. C'est le souci de laisser une certaine unité aux différentes parties du livre qui en est cause. Beaucoup de mes conclusions sont plus pressenties que démontrées. Ce caractère m'avait incité, dans une première tentative, à les exposer en une pièce de PRÉAMBULE 11 théâtre lyrique. La musique y aurait suppléé aux lacunes d'une pensée souvent inachevée. Cependant mes per- sonnages me sont rapidement devenus odieux par leur fâcheuse propension aux exposés didactiques. Alors, pour gagner du temps, je me suis résigné à opérer moi- même, présentant directement mes réflexions dans la forme souvent mal dégrossie où elles s'étaient imposées à moi. C'est sans doute une résurgence de son origine théâtrale qui a donné à ce livre, ainsi qu'à ses deuxième et troisième parties, des titres dépourvus de l'austère gravité qu'appellerait un essai sur le pouvoir créateur dans l'univers. Tel qu'il est, uploads/Philosophie/ les-dieux-et-le-rois-pdf.pdf

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