Direction de la publication : Isabelle Jeuge-Maynart et Ghislaine Stora Directi

Direction de la publication : Isabelle Jeuge-Maynart et Ghislaine Stora Direction éditoriale : Élodie Bourdon Édition : Mélissa Lagrange Conception de la couverture : François Lamidon Illustration de couverture : Anna Wanda Gogusey Conception de la maquette intérieure et mise en pages : Nord Compo Préparation de copie : Muriel Villebrun Relecture : Céline Haimé Fabrication : Nicolas Jover © Larousse 2021 Toute reproduction ou représentation intégrale ou partielle, par quelque procédé que ce soit, de la nomenclature et/ou du texte et des illustrations contenus dans le présent ouvrage, et qui sont la propriété de l’Éditeur, est strictement interdite. Les Éditions Larousse utilisent des papiers composés de fibres naturelles, renouvelables, recyclables et fabriquées à partir de bois issus de forêts qui adoptent un système d’aménagement durable. En outre, les Éditions Larousse attendent de leurs fournisseurs de papier qu’ils s’inscrivent dans une démarche de certification environnementale reconnue. ISBN : 978-2-03-598944-4 Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo. Préface « Mais pourquoi vous faites ça ? » « Peut-être que le porno, c’était mon service militaire » disait Catherine Ringer. Un rite initiatique marquant symboliquement le passage entre la fin de l’adolescence et l’âge adulte. Une parenthèse pas nécessairement enchantée mais structurante, une étape de vie avec ses joies et ses peines, une mise en marge provisoire, une marque indélébile, un tatouage social. Plus que le service militaire, on pourrait même dire qu’avec le porno, on n’est pas loin de la Légion étrangère, on laisse derrière soi son passé, on se récrée une identité, on choisit un nom de guerre, on devient qui on décide de devenir. « Mais pourquoi vous faites ça ? » Cette question intrusive, nous l’avons toutes entendue. On peut espérer s’en débarrasser une bonne fois pour toutes en écrivant un livre, par exemple. Mais elle reviendra toujours comme un vieux chewing-gum. Les femmes sont les gardiennes de la morale. C’est du moins le rôle qu’on leur a attribué. Leur fonction sociale est de réguler les pulsions des hommes, d’une part en limitant ce qui dans leur attitude pourrait être interprété comme des signaux sexuels, d’autre part en faisant couple afin que leur partenaire puisse canaliser toute son énergie dans un seul et même réceptacle. L’équilibre est fragile : il faut se sexualiser suffisamment pour se rendre intéressante aux yeux d’un homme, mais pas trop quand même, le spectre de la salope n’étant jamais bien loin. Telles sont les règles de l’hétérosexualité et telle est la vie attendue d’une femme : être validée par un regard masculin et ne pas avoir de désirs propres. Aussi, quand une femme décide de faire du porno, que ce soit comme actrice ou comme réalisatrice, le château de cartes s’effondre. Tous les repères sont bousculés. C’est le choc, l’incompréhension, la panique morale, et souvent la punition. Car il faut faire payer celles qui sortent des sentiers battus. En général, on en cherche la raison, comme s’il en fallait nécessairement une. On recherche beaucoup moins activement celle qui amènerait une femme à devenir boulangère ou médecin, mais passons. On relèvera d’ailleurs qu’on ne pose pas les mêmes questions aux acteurs et/ou réalisateurs pour qui les réponses sont toutes trouvées : les hommes pensent avec leur bite, c’est bien connu, ils ont des « pulsions », des « besoins », on ne cesse de nous le répéter. Mais une femme… Alors là… À quoi bon contredire nos interlocuteurs puisqu’il n’y a de toute façon que trois explications possibles : la grande précarité (il n’y a que le désespoir financier qui puisse amener une femme à accepter « l’inacceptable ») ; la blessure secrète (le porno étant considéré comme une violence par essence, une actrice ne ferait que rejouer constamment la scène du traumatisme) ; l’exhibitionnisme (une femme ne pouvant s’épanouir sexuellement qu’à travers le regard masculin). En clair, il faut être une victime ou une super salope, il n’y a pas d’alternative possible. Toute réponse en dehors des clous est inconcevable. Quand une femme refuse d’être classée dans une de ces trois catégories, les fils se touchent, les cerveaux court-circuitent. La réalité est souvent trop subtile pour être entendue. Les gens n’aiment pas faire cohabiter pornographie et nuance, ils n’en ont pas envie, il leur faut une réponse manichéenne, brève, simple à comprendre : bi-bite, trou-trou. Mais il y a encore autre chose que les gens peinent à faire cohabiter, ce sont les termes « pornographie » et « féminisme ». Là, on franchit toutes les limites du concevable. C’est l’ultime traîtrise à la cause. Lorsqu’on s’aventure sur les terres du porno militant, on passe sans transition de victime à collabo – ou « collabite » plutôt –, on est accusée de soutenir les proxos, les bitards, la marchandisation du corps, la culture du viol. Cela fait quarante ans qu’on nous joue la même clarinette, depuis les Sex Wars en réalité qui, à la fin des années 1970 ont donné naissance à l’émergence du féminisme pro-sexe. Cela fait quarante ans que des femmes réalisent du porno féministe ; pourtant, cela fait quarante ans qu’on nous dit que cela n’existe pas. Sans doute parce que les contours de ce genre sont mal définis, parce qu’il ne s’agit pas d’une niche mais d’un mouvement international composé de personnalités diverses aux parcours hétéroclites. Parce que faire du porno féministe en 1980 aux États-Unis n’a pas la même signification qu’en faire en France en 2000, ou à Berlin en 2020. Il y a celles qui y ont cru et en sont revenues avec un mélange de souvenirs joyeux mais aussi de déceptions, j’en fais partie. Il y a celles qui cherchent et inventent encore, quatrième génération pro-sexe qui participe à l’évolution de ce mouvement, l’améliore ou le dénature, c’est selon. Le parcours d’Olympe de G. dans son unicité – son herstory of porn pour reprendre la formule d’Annie Sprinkle – et la richesse de son travail ont contribué à apporter une nouvelle pierre à l’édifice de ce mouvement aux multiples facettes. Qu’elle décide de poursuivre l’aventure ou d’arrêter, Olympe fait maintenant partie à jamais du panthéon des femmes de mauvaise vie qui croient (ou ont cru) à un better porn et ont écrit l’histoire d’un courant politique et artistique qui ne cesse d’évoluer. Ovidie Avant-propos Le premier film d’Olympe de G. que j’ai regardé n’a pas répondu à mes attentes. Dans cet état d’esprit propre aux amateurs de porno, j’étais alors en recherche d’images excitantes à consommer vite fait. The Bitchhiker, le film en question, est un ovni : quoiqu’explicite, il répond aux codes du film d’auteur plutôt qu’à ceux de Jacquie et Michel. Lumière pailletée pour signifier le plaisir, décor inattendu (un dôme à la Mad Max), codes du X utilisés à contre-emploi… Les performers y échangent même des sourires et des regards pleins de désir. The Bitchhiker a parlé à mon cerveau autant qu’à ma libido. Ce jour-là, j’ai compris à quel point la pornographie traditionnelle, celle qui vient jusqu’à nous via les tubes, dicte les normes de nos moments intimes. Pubis imberbes, gros phallus au garde-à-vous, éjaculation visible, performances à tous les étages : voilà – nous dit-on – ce qu’il convient d’être et de faire si on veut compter parmi les êtres sexuellement actifs (remarquons qu’ici, personne ne parle de plaisir). Sans aucun complexe, ce même porno revendique des propos racistes, âgistes, sexistes, validistes, homo/trans/grossophobes : un homme noir y est forcément pourvu d’un gros sexe, une femme de plus de cinquante ans équivaut à une « mamie chaudasse », un hétéro pénétré à « une sale tarlouze », etc. Dans son premier long métrage, Une dernière fois, avec Brigitte Lahaie, ce sont toutes ces limites qu’Olympe de G. s’emploie à dynamiter. Lors d’une discussion printanière, en amont du projet, je lui proposai de tenir le journal du tournage de son film. Plus tard, comme nous en reparlions, sa réflexion s’était considérablement étoffée. Le tournage serait éthique ou ne serait pas, elle y travaillait d’arrache-pied : le consentement sur le plateau serait balisé, le bien-être des performers était sa priorité. L’éventualité d’un travail d’écriture autour de ce film n’en devenait que plus intéressante. Il n’y a pas de création sans implication de soi, et à force d’écouter parler Olympe, il devint clair que ses choix artistiques et sa détermination militante étaient étroitement liés à son parcours de vie. Raconter la fabrication d’Une dernière fois ne pourrait se faire sans évoquer des moments de vie personnels, des prises de conscience, des époques obscures, des virages à 360 degrés. Le récit d’Olympe est entrecoupé de discussions que nous avons eues avec différentes personnalités. Éléments moteurs d’Une dernière fois, témoins importants ou spécialistes, tou·te·s nous ont aidées à approfondir notre réflexion sur les sujets abordés ici. Représenter le plaisir au féminin est, depuis The Bitchhicker en 2016, le sport de combat privilégié d’Olympe de G. Les mauvais coups en sont exclus au profit de l’idée de conquête : celle d’une femme qui s’empare de son corps, affirme son désir et vit sa jouissance en être uploads/Philosophie/ jouir-est-un-sport-de-combat-g-olympe-de-amp-estournet-ste-phanie 1 .pdf

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