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Collège Thomas More place Montesquieu 2 (bte 15) B-1348 Louvain-la-Neuve téléphone (32 10) 47 46 52 — Fax (3210) 47 86 01 e-mail : brand@cpdr.ucl.ac.be UCL Université catholique de Louvain Centre de philosophie du droit Les Carnets du Centre de Philosophie du Droit © CPDR, Louvain-la-Neuve, 1999 This paper may be cited as : Maesschalck Marc, « Les limitations communautaires du jugement pratique, I. Communauté et jugement pratique chez Rorty et Habermas », in Les Carnets du Centre de Philosophie du Droit, n°77, 1999. Titre : Les limitations communautaires du jugement pratique, I. Communauté et jugement pratique chez Rorty et Habermas Auteur (s) : Marc Maesschalck N° : 77 Année : 1999 Les limitations communautaires du jugement pratique I. Communauté et jugement pratique chez Rorty et Habermas par Marc Maesschalck (UCL, UFSL) Le traitement des ressources compréhensives dans les éthiques procédurales est au centre de plusieurs recherches dans la Cellule de philosophie du CPDR1. Ce thème a notamment fait l’objet d’une rencontre organisée par le pôle satellite de la KUL dont la substance a été reprise dans le Carnet n° 50 du CPDR ainsi que d’une série de conférences présentées au Canada par Marc Maesschalck, en particulier celle reprise dans le Carnet n° 58 et réalisée dans le cadre du congrès de l’ACFAS en 1998 (au colloque sur “La religion dans l’espace public”). L’enjeu du séminaire PAI-KUL (1999) sur “Les limitations communautaires du jugement pratique” était de tenir compte des évolutions récentes de la pensée habermassienne (Die Einbeziehung des Anderen, 1996 et Vom sinnlichen Eindruck zum symbolischen Ausdruck, 1997) à ce sujet et de les confronter avec d’autres perspectives, elles aussi en évolution dans le champ de la philosophie procédurale et de ses opposants affirmés. Une attention plus particulière a du être portée au croyances religieuses dans le cadre d’une entente interculturelle, selon les termes discutés par Habermas. Ainsi, on peut lire dans Vom Kampf der Glaubensmächten, cette interpellation que Habermas retient de l’itinéraire de Karl Jaspers (sans pour autant l’endosser comme telle): “Après la chute de l’Empire soviétique et la fin d’une polarisation du monde conçue en termes socio-politiques, les conflits se définissent de plus en plus en termes culturels, càd. comme un choc frontal entre les peuples et les cultures, marqués en son auto-compréhension par l’opposition traditionnelle des religions universelles. Dans cette situation, nous les Européens nous trouvons devant la tâche de parvenir à une entente interculturelle entre le 1 Cf. MAESSCHALCK M., Compétences langagières et ressources compréhensives, in Science et Esprit, 49 (1997), pp. 259-280; ID., Ressources compréhensives et contextualisation des normes, Une limitation du formalisme procédural, in Ethica, 11 (1999), n° 1, pp. 33-58. 2 monde de l’Islam et l’Occident marqué par la tradition judéo-chrétienne”2. Cette attention particulière aux conditions de l’entente interculturelle permet de prendre en compte une production philosophique récente opérant un retour aux contenus symboliques et axiologiques des “expériences” et “attitudes” de croyance. La publication de la traduction francçaise d’un des derniers recueils de texte de Habermas (L’intégration républicaine) atteste de l’importance du débat avec Rawls publié dans le Journal of Philosophy de 1995. Celui-ci pose, en effet, de manière insistante la question de la validité des jugements de valeurs fondés sur les traditions sémantiques morales ou religieuses. Cette question n’est pas d’ordre purement formel puisqu’elle doit permettre de décider de la légitimité d’un recours à de telles valeurs dans le débat public. Or si Rawls a admis dans la perspective de son libéralisme politique - et ceci dès ses premières formulation du consensus par recoupement - la légitimité d’un tel recours sous des conditions suspensives de respect du pluralisme et de limitation du pouvoir déterminant de tels jugements, Habermas a toujours semblé garder une position plus radicale consistant à reléguer au domaine de l’expressif et des ressources motivationnelles ce genre de référence. Mais dans l’essai de morale rationnelle que contient “Die Einbeziehung des Anderen”, Habermas passe subrepticement de l’idée habituelle d’une perte des référents transcendants de la tradition métaphysique3 à celle d’un “reste de substance normative”4 qui serait nécessaire pour fonder la motivation toujours contextuée des participants de la discussion. “Le sens constructiviste d’une formation de jugement conçue selon le modèle de l’autolégislation ne doit pas se perdre, mais il ne faut pas non plus qu’il détruise le sens épistémique des fondations morales”5. D’un côté, toute chance de référence à un ethos commun a définitivement implosé6, mais de l’autre, même dépassées, les références traditionnelles sont encore celles qui opèrent effectivement à l’arrière-plan des différentes formes de vie dans la société communicationnelle. Face à cet écart entre le jugement éthique et le jugement moral, Habermas accepte la critique avancée par Rawls à propos de l’insufficance du modus 2 HABERMAS J., Vom sinnlichen Eindruck zum symbolischen Ausdruck,, Suhrkamp, Frankfurt a.M., 1997, pp. 41-42. 3 Cf. HABERMAS J., L’intégration républicaine, Fayard, Paris, 1998, p. 49. Nous citerons l’original allemand EA. Ici, nous citons EA, p. 50. 4 Ibid., p. 62 (EA, p. 63). 5 Ibid., p. 54 (EA, p. 55). 6 Ibid., p. 55 (EA, p. 56). 3 vivendi pour fonder un consensus social durable7. Deux issues semblent alors se présenter à lui: l’une strictement formelle consiste à concevoir l’exigence même de la communication comme porteuse par elle-même de sa réinterprétation comme impératif d’un engagement en faveur de l’attitude communciationnelle; l’autre plus herméneutique consiste à considérer la pratique délibérative comme si elle dérivait d’une “transcendance intérieure”, c’est-à-dire d’une tendance au bien immanente au processus rationnel de l’entente. Le point de recoupement des deux issues résident dans le transfert des conditions d’un processus d’entente rationnelle à la fondation des normes d’une discussion pratique. Mais le retour aux principes déjà énoncés d’une communauté de communication sans contrainte oblitèrent en dernière instance le déplacement pourtant réalisé par Habermas: celui qui relie les présuppositions de l’argumentation à une fondation normative susceptible de mobiliser les idées communes dont disposent les individus dans leurs contextes particuliers8. Etrangement, Habermas continue de poser ce lien au plan de l’acceptabilité rationnelle des normes9, alors que le principe “D” auquel il recourt pour sa stratégie de fondation faible du principe “U” (d’universalisation par l’argumentation) introduit clairement un renvoi aux situations de discussion pratique et donc, en fait, à la question des conditions d’acceptation pratique des normes. Mais comme Habermas continue de considérer l’application des normes comme un problème de mise en oeuvre pratico-pratique où se dissocient sans plus les questions pragmatiques et les questions éthiques relatives à la vie bonne, il semble difficile de considérer spécifiquement les conditions d’application des normes comme différentes de celle de leur justification, notamment en leur relation au jugement moral des acteurs. A travers cette avancée de Habermas rejaillit un aspect déjà problématique de son éthique de la discussion, à savoir comment celle-ci peut se concevoir elle-même comme une forme de vie éthique dans un espace où persistent les modes de communication stratégiques et les régimes de justification traditionnels. Le dilemme qui consiste à vouloir l’émergence d’une nouvelle forme de vie tout en continuant à supposer la référence aux anciennes fondations contraires à cette émergence ne concerne pas uniquement les individus dans leurs situations de vie postmoderne10. Il concerne également l’applicabilité de l’éthique de la discussion dans son ensemble comme forme de vie. 7 Ibid. 8 Ibid., p. 57 (EA, p. 58). 9 Ibid., p. 60 (EA, p. 62). 10 Ibid., p. 55 (EA, p. 56-57). 4 C’est pourquoi il nous semble, contrairement à Habermas, qu’il n’y a pas de solution formelle possible à ce dilemme, que ce soit par une stratégie de fondation faible ou par une éthique reconstructive comme le propose J.-M. Ferry. Ce n’est pas de la possibilité ou non d’un contenu moral des présuppositions de l’argumentation dont il est fondamentalement question en définitive, mais de son émergence contextuelle comme forme de vie. Il s’agit donc d’interroger d’abord son rapport autoréférentiel à son émergence comme jeu de langage pour élucider les conséquences de son idéalisme pragmatique du point de vue de sa contextualisation. On pourra alors tenter de mieux comprendre pourquoi l’éthique de la discussion essaie toujours de se donner sous la forme d’une réinterprétation de son contexte de d’émergence sans parvenir à ressaisir la contingence de son applicabilité. Le séminaire a bénéficié, sur ce plan, de la présence d’un chercheur de l’Université Saint-Paul d’Ottawa, Guy Jobin, qui travaille sur un sujet connexe pour sa thèse en éthique et a mené une recherche au Centre sur les enjeux pour une éthique théologique des traitements procédural et reconstructif des ressources compréhensives (cf. Carnets 68 et 69). Ce projet de recherche s’inscrit aussi dans le cadre plus large d’une collaboration avec la recherche dirigée par J.-M. Larouche à Ottawa sur le thème: La réception critique de la théorie discursive de la morale (éthique de la discussion) en contexte théologique11. Une littérature philosophique récente (G. Vattimo, L. Ferry, A. Badiou) retrouve aussi les itinéraires de croyance en revendiquant tantôt le droit à l’expérience religieuse tantôt la nécessité de la symbolisation des contenus éthiques, presqu’à rebours des chemins empruntés, il y a longtemps par un Lessing et tous les “éducateurs éclairés uploads/Philosophie/ les-limitation-maesschalck-marc.pdf
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- Publié le Jan 17, 2021
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