Les preuves traditionnelles de Dieu 2 II. La preuve cosmologique de l’existence
Les preuves traditionnelles de Dieu 2 II. La preuve cosmologique de l’existence de Dieu de saint Thomas d’Aquin (1225-1274) Saint Thomas naquit en 1225 au château de Roccasecca près d’Aquino non loin du Mont Cassin, lieu du monastère bénédictin. Il était issu d’une famille de notables et à l’âge de cinq ans, il fut envoyé par son père vivre au monastère. Saint Thomas fit ses études universitaires à Naples et finit par rejoindre l’ordre des dominicains, malgré l’opposition de certains membres de sa famille. Il continua ses études à Paris en 1245 sous le grand penseur Albert le Grand. Après ses études, il enseigna la théologie à Paris, à Rome et à Naples. La théologie de Saint Thomas est gigantesque et profonde, mais elle peut être caractérisée comme une relecture d’Aristote à la lumière des saintes Ecritures. Braun affirme que la théologie de saint Thomas « vise à réconcilier la religion et la raison … saint Thomas a rendu aux sens leur dignité de fenêtres de l'âme et à la raison son droit divin à se nourrir de faits … car le chrétien est d’abord un homme qui croit que la divinité ou la sainteté a des liens avec la matière et pénètre le monde de sens. » [Braun, L'Europe philosophe, p. 122.] La preuve cosmologique de l’existence de Dieu développée par saint Thomas repose sur la métaphysique aristotélicienne. La preuve cosmologique thomiste cherche à prouver l’existence de Dieu à partir de l’observation du monde. Contrairement à saint Anselme qui a cherché à prouver l’existence de Dieu par l’ontologie, c’est-à-dire par l’étude de ce que l’Etre ultime est dans son essence, saint Thomas cherche à prouver l’existence de Dieu par la phénoménologie, c’est-à-dire par l’observation du fonctionnement du monde des phénomènes qui constitue une fenêtre vers le monde des essences. Braun écrit: « L’empirisme aristotélicien est donc adopté comme tel, rien n’est dans l’entendement qui ne soit auparavant passé par le sens parce que les sens ont pour mission première de nous mettre en accord avec ce qui est. Nous constatons que les êtres sont, que l’Etre est, tout en nous-même (sic) nous oblige à en convenir; ces êtres imitent l’être divin auquel ils tiennent, tout en ne pouvant être confondus avec lui. Dans les choses perçues par le sens se trouve une forme; cette forme est un élément intelligible qui, comme l’idée divine, est réalisée dans la matière. Le sensible et l’intelligible doivent donc remonter de ce qui est jusqu’à la source de l’Etre. » [Braun, L’Europe philosophe, p. 123.] Saint Thomas présente sa preuve cosmologique de l’existence de Dieu en cinq points, sous l’appellation des cinq voies. A partir de la réalité du monde physique, saint Thomas fait remarquer que tout observateur attentif va être d’accord que ce monde comporte la réalité du mouvement. Certains corps se déplacent, et le déplacement est une forme de changement; le changement du repos en mouvement; de la potentialité (à se mouvoir), à l’acte du mouvement. Mais aucun corps en repos ne peut passer du repos au mouvement, de la potentialité à l’acte de lui-même, sans recevoir l’impulsion d’un autre corps déjà en mouvement. En d’autres termes, la potentialité ne peut s’actualiser d’elle- même sans l’intervention d’une actualité. Mais l’actualité du corps, c’est-à-dire son impulsion, qui met en mouvement la potentialité à se mouvoir des corps en repos ne peut venir que d’un autre corps déjà en mouvement. C’est-à-dire, pour qu’un corps en mouvement mette un autre corps en repos en mouvement, il faut que ce corps en mouvement ait été lui-même mis en mouvement par un autre corps en mouvement mis en mouvement par un autre corps en mouvement etc. Tous sont d’accords que le processus tel que décrit doit avoir un point de départ, un corps ou une puissance en mouvement qui n’a pas été mis en mouvement par un autre. Cette puissance en mouvement par elle-même sans l’intervention d’un autre est le « unmoved mover », le « premier moteur » qui met en mouvement tout ce qui se meut. Ce premier « unmoved mover », ce « premier moteur » est pur acte, pure actualité sans potentialité, c’est-à-dire l’Etre sans devenir. Parce que devenir est la preuve d’imperfection, l’imperfection qui caractérise les êtres qui passent de la potentialité à l’acte par l’action d’une puissance extérieure. Alors, ce moteur premier, cet acte pur, cette pure actualité, cet Etre sans devenir, c’est Dieu. La deuxième voie pour prouver l’existence de Dieu à partir du monde physique vient de la régression des causes efficientes. Nous savons tous, soutient saint Thomas, que les choses sont liées les unes aux autres par une relation de cause à effet. Les causes qui produisent des effets sont donc les causes efficientes des choses. Et aucune chose ne peut être cause efficiente d’elle-même. Pour qu’une chose soit sa propre cause efficiente, il faut que celle-ci existe avant elle-même afin de produire elle- même ; ce qui représente une impossibilité logique. Alors, pour que les causes efficientes qui régissent les relations dans le monde physique puissent exister, il faut qu’elles soient toutes causées par une première cause efficiente non causée. Et cette première cause efficiente non causée ne peut être autre chose que Dieu. En langage imagé, la cause de l’existence de l’œuf c’est la poule. Mais la poule (la cause) qui pond l’œuf (l’effet) a été elle-même l’œuf (l’effet) d’une autre poule (la cause) qui l’a pondue. On s’enferme ainsi dans le cercle vicieux qui consiste à chercher la cause efficiente (la cause première) entre la poule qui pond l’œuf et l’œuf duquel la poule qui pond l’œuf a été pondue. Pour briser le cercle vicieux, il faut que la poule qui pond l’œuf ait été créée par un créateur autre que la poule elle-même. Et le créateur de la poule qui pond l’œuf duquel sortira la poule suivante qui pondra l’œuf duquel sortira une autre poule c’est Dieu ! La troisième voie pour prouver l’existence de Dieu est celle de la possibilité et de la nécessité. Saint Thomas affirme qu’il est des êtres qui ont un commencement et une fin (ces êtres sont des êtres possibles, c’est-à-dire des êtres qui peuvent ou ne pas exister.) Mais saint Thomas fait remarquer que tous les êtres ne peuvent pas être des êtres possibles (qui peuvent ou ne peuvent pas exister), parce que ce qui existe n’existe qu’à partir de ce qui existe déjà. En d’autres termes, la non-existence, le néant, ne peut causer l’existence. Alors, il faut, pour que ce qui existe puisse exister, qu’il y ait un Etre dont l’existence est nécessaire, c’est-à-dire un Etre qui est et ne peut cesser d’être, et fait exister ce qui existe. Et cet être qui est, qui ne peut cesser d’être et qui fait exister tous les autres êtres c’est Dieu. La quatrième voie pour prouver l’existence de Dieu est celle de la gradation ou de la perfection des êtres. Saint Thomas indique qu’il existe différents degrés de perfection parmi les êtres. Certains êtres sont plus parfaits que d’autres. Mais les choses presque parfaites de ce monde pointent vers l’existence d’un Etre complètement parfait qui serait la cause des êtres ou choses moins parfaites que l’Etre complètement parfait. Il faut alors, pour qu’existent les êtres moins parfaits qui existent, qu’existe l’Etre complètement parfait qui n’est autre que Dieu. La cinquième voie, la dernière, pour prouver l’existence de Dieu est celle de la gouvernance du monde. L’observation des réalités non-intelligibles comme les corps naturels démontre que celles-ci poursuivent un but précis dans leur existence (les astres par exemple suivent une direction précise.) Il faut, affirme saint Thomas, qu’existe une intelligence universelle qui puisse réguler, gouverner la potentialité et le mouvement des réalités non-intelligibles de l’univers. Et cette intelligence universelle qui régule et gouverne les réalités non-intelligibles de l’univers c’est Dieu. * Objections faites à la preuve cosmologique de saint Thomas d’Aquin Aux cinq preuves apportées par saint Thomas d’Aquin sur l’existence de Dieu basée sur le mouvement, la relation entre les causes et leurs effets dans la nature, l’existence des êtres possibles et de l’Etre nécessaire, la tendance des êtres vers la perfection et la gouvernance des êtres non intelligibles, s’opposent trois objections soulevées par les critiques [voir la discussion dans S. T. Davis, God, Reason & Theistic Proofs (Grand Rapids: Eerdmans, 1997), pp. 73-77]. a. Qui a créé Dieu? La première objection soulève la question de la création de Dieu, présentée par la preuve cosmologique comme le moteur premier, la cause primordiale, la cause non causée. Les critiques soutiennent que si nous sommes capables de demander: « qui a créé le monde? » Nous devons aussi, en même temps, être capables de demander: « qui a créé Dieu? » En effet, les critiques font observer que s’il est naturel à l’esprit humain de s’interroger sur le pourquoi de l’existence du monde (parce que l’existence du monde suppose aussi la possibilité de son inexistence, c’est-à-dire du néant, et que les tenants de la preuve cosmologique répondent à la question en uploads/Philosophie/ les-preuves-traditionnelle-existence-dieu.pdf
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- Publié le Jui 10, 2022
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