procès de Galilée et ses enjeux idéologiques L'image ci-dessous montre Galilée
procès de Galilée et ses enjeux idéologiques L'image ci-dessous montre Galilée (de son nom Galiléo, fils de Galiléi) se rétractant lors de son procès. Il est placé au centre, entre l'homme-d'arme et l'homme-d'église, entre la violence et l'autorité religieuse. C'est une figure allégorique peinte par Joseph-Nicolas Robert-Fleury (XIXe siècle) représentant le procès qui a eu lieu en 1633. Pour citer cet article : Juinet Patrick. Le procès de Galilée et ses enjeux idéologiques. Philosophie, science et société. 2015. https://www.philosciences.com/145-galilee-proces. Plan de l'article : 1. L’affaire Galilée 2. La controverse philosophique 3. Les deux points majeurs de friction idéologique 4. Récit philosophique contre récit idéologique 5. Conclusion : un grand récit non idéologique Texte intégral : 1. L'affaire Galilée Le procès de Galilée a eu lieu pendant la période troublée du début du XVII e siècle. Les guerres de religion sévissent et diverses révoltes éclatent en Europe. Surtout, la contoverse intervient à un moment où le pape est contraint d'apporter son soutient à la Contre-Réforme définie lors du Concile de Trente, qui est mise en œuvre de façon de plus en plus rigoureuse. Le contexte est celui d'une lutte politique et idéologique violente. Galilée vit en Italie, protégé par le pape Urbain VIII et le grand-duc de Toscane. Un premier livre L'Essayeur publié par Galileo Galilei en octobre 1623 (Il Saggiatore, nel quale con bilancia squisita e giusta si ponderano le cose contenute nella Libra) ne fait pas de problème. Un passage est resté célèbre : «La filosofia è scritta in questo grandissimo libro che continuamente ci sta aperto innanzi a gli occhi (io dico l'universo), ma non si può intendere se prima non s'impara a intendere la lingua, e conoscer i caratteri, ne' quali è scritto. Egli è scritto in lingua matematica, e i caratteri son triangoli, cerchi ed altre figure geometriche, senza i quali mezi è impossibile intenderne umanamente parola ; senza questi è un aggirarsi vanamente per un oscuro laberinto» Opere di Galileo Galilei, éd. nationale, Firenze 1968, V, p. 232. La philosophie est écrite dans cet immense livre qui continuellement reste ouvert devant les yeux (je dis l'Univers), mais on ne peut le comprendre si, d'abord, on ne s'exerce pas à en connaître la langue et les caractères dans lesquels il est écrit. II est écrit dans une langue mathématique, et les caractères en sont les triangles, les cercles, et d'autres figures géométriques, sans lesquelles il est impossible humainement d'en saisir le moindre mot ; sans ces moyens, on risque de s'égarer dans un labyrinthe obscur. L'affirmation n'est pas directement métaphysique (affirmation sur l'être) mais passe par l'écriture de ce qui est et reste dans un espace épistémique admis à la Renaissance, celui d'un Univers écrit (par Dieu ) marqué, signé, qu'il faut savoir déchiffrer. Un entrelacement du langage et des choses dirait Michel Foucault (Les mots et les choses, p. 53), le tout œuvre de Dieu. Mais, en 1632, il fait paraître à Florence ses Dialogues sur les deux grands systèmes du monde dans lesquels il se prononce contre le géocentrisme de Ptolémée. Cet ouvrage est publié après "imprimatur", c'est-à-dire avec l'approbation de l'Église. Mais là, c'est une toute autre affaire qui se joue. Le livre décrit les échanges entre Filoppo Salviati, un défenseur du système de Copernic, Simplicio, le défenseur de Ptolémée et de la physique aristotélicienne. Sagrado, Vénitien éclairé, est en place d'arbitre. Non seulement Simplicio est traité avec ironie et la théorie ptolémaïque récusée, mais, de plus, Salviati prétend s'affranchir de l'autorité et du dogmatisme. Selon lui, la connaissance de la nature devrait s'appuyer sur l'observation, le raisonnement et les calculs mathématiques. Avec le succès du livre, Galilée devient un personnage connu et l'Église se doit de réagir. Galilée est convoqué par le Saint-Office. Il se rend à Rome en 1633 où il y est interrogé et finalement une menace de torture est évoquée pour l'effrayer, sur ordre du pape ; Galilée cède. Le 22 juin 1633, au couvent dominicain de Santa-Maria, la sentence est rendue : « Il est paru à Florence un livre intitulé Dialogue sur les deux systèmes du monde, ceux de Ptolémée et de Copernic dans lequel tu défends l'opinion de Copernic. Par sentence, nous déclarons que toi, Galilée, t'es rendu fort suspect d'hérésie, pour avoir tenu cette fausse doctrine du mouvement de la Terre et repos du Soleil. Conséquemment, avec un cœur sincère, il faut que tu abjures et maudisses devant nous ces erreurs et ces hérésies contraires à l’Église. Et afin que ta grande faute ne demeure impunie, nous ordonnons que ce Dialogue soit interdit par édit public, et que tu sois emprisonné dans les prisons du Saint-Office. » Galilée, sous la contrainte, prononce la formule d'abjuration préparée pour lui : « Moi, Galiléo, fils de feu Vincenzio Galilei de Florence, âgé de soixante dix ans, ici traduit pour y être jugé, agenouillé devant les très éminents et révérés cardinaux inquisiteurs généraux contre toute hérésie dans la chrétienté, ayant devant les yeux et touchant de ma main les Saints Évangiles, jure que j'ai toujours tenu pour vrai, et tiens encore pour vrai, et avec l'aide de Dieu tiendrai pour vrai dans le futur, tout ce que la Sainte Église catholique et apostolique affirme, présente et enseigne.» « Cependant, alors que j'avais été condamné par injonction du Saint-Office d'abandonner complètement la croyance fausse que le Soleil est au centre du monde et ne se déplace pas, et que la Terre n'est pas au centre du monde et se déplace, et de ne pas défendre ni enseigner cette doctrine erronée de quelque manière que ce soit, par oral ou par écrit ; et après avoir été averti que cette doctrine n'est pas conforme à ce que disent les Saintes Écritures, j'ai écrit et publié un livre dans lequel je traite de cette doctrine condamnée et la présente par des arguments très pressants, sans la réfuter en aucune manière ; ce pour quoi j'ai été tenu pour hautement suspect d'hérésie, pour avoir professé et cru que le Soleil est le centre du monde, et est sans mouvement, et que la Terre n'est pas le centre, et se meut. J'abjure et maudis d'un cœur sincère et d'une foi non feinte mes erreurs. […] » (Texts from The Galileo Affair : A Documentary History, edited and translated by Maurice A. Finocchiaro (Berkeley : University of California Press, 1989). 2. La controverse philosophique Certains arguments ont été avancés contre Galilée par des auteurs contemporains et, plus précisément, contre son attitude. Celle-ci aurait été trop intransigeante, ce qui n'était pas fondé, et il aurait pu sagement éviter le procès. Voyons quelques-uns de ces arguments vis-à-vis desquels nous proposerons une contre-argumentation. Pierre Duhem justifie l'attitude du Cardinal Robert Bellarmin selon qui les théories cosmologiques ne peuvent prétendre qu'à énoncer des hypothèses fondées sur les apparences, sans prétendre à la réalité. Duhem écrit que « Les combinaisons de mouvements proposées par les astronomes [sont] de pures conceptions dénuées de toute réalité » (Sauver les apparences, p. 22). C'est la position dite "instrumentaliste" derrière laquelle s'était protégé Copernic. Le point de vue instrumentaliste est prudent et philosophiquement acceptable, mais il n'est pas adopté par Galilée. Voyons pourquoi. Alexandre Koyré note que Galilée s'est appuyé sur des résultats d'observation douteux. Koyré suppose Galilée animé par la passion et l'orgueil (Du monde clos à l'univers infini, p.116). On notera quand même contre Koyré qu'il arrive toutefois qu'une conception soit juste, même contredite par certains faits mal interprétés. Le rapport entre théorie et faits est un jeu subtil qui intervient dans l'évolution de la science au fil du temps. Toutefois, il est certain que Galilée s'est en partie trompé et que les observations de Kepler étaient meilleures que les siennes. Paul Feyerabend reproche à Galilée son intransigeance, car défendant sa théorie comme vérité, il empiétait sur le domaine de la foi (la métaphysique), ce qui n'était pas nécessaire. Sur le plan épistémologique, les vérités en science sont relatives et sujettes à révision. Elles ne doivent pas être proposées comme des absolus, si bien que Galilée aurait dû rester prudent. Ces arguments sont contestables, car Galilée n'attaque pas la foi chrétienne et ne cherche certainement pas le conflit avec l'Église. Que s'est-il vraiment passé ? A-t-il vraiment été imprudent, voir impudent, par orgueil comme le suggère Alexandre Koyré ? Rappelons l'histoire, qui demande, en plus des faits, une interprétation pour prendre pleinement son sens ; ce qui nous fait rentrer dans le cadre de l'épistémologie historique et celui plus large de l'histoire des idées. Dès 1610, Galilée présente les résultats de ses observations dans le Sidereus Nuncius (le Messager des étoiles), largement diffusé à travers l’Europe. Parmi ses découvertes les plus spectaculaires se trouve celle des quatre principaux satellites de Jupiter et l’existence de phases de Vénus. Comme la Lune, Vénus se présente soit pleine soit comme un croissant. C’est la preuve qu’il existe dans le ciel des astres qui ne tournent pas autour de la Terre et, pour Vénus, qu'elle tourne autour du soleil et non de la Terre. Il uploads/Philosophie/ le-proces-galilee.pdf
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- Publié le Nov 23, 2021
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