CARLOS LÉVY L'HISTOIRE DANS LA SÉRIE « RÉFÉRENCES » ■ Histoire générale ANDRÉ B
CARLOS LÉVY L'HISTOIRE DANS LA SÉRIE « RÉFÉRENCES » ■ Histoire générale ANDRÉ BURGUIÈRE, CHRISTIANE KLAPISCH-ZUBER , MARTINE SEGALEN , FRANÇOISE ZONABEND (sous la direction de), Histoire de la famille (3 vol.) GEORGES DUBY, ROBERT MANDROU , JEAN-FRANÇOIS SIRINELLI (avec la participation de), Histoire de la civilisation française (2 vol.) JEAN FAVIER Les Grandes Découvertes d'Alexandre à Magellan Histoire de France JEAN FAVIER (sous la direction de), Tome 1. Les Origines (avant l'an mil) par KARL FERDINAND WERNER Tome 2. Le Temps des principautés (de l'an mil à 1515) par JEAN FAVIER Tome 3. La France moderne (de 1515 à 1789) par JEAN MEYER Tome 4. Les Révolutions (de 1789 à 1851) par JEAN TULARD Tome 5. La France des patriotes (de 1851 à 1918) par FRANÇOIS CARON Tome 6. Notre siècle (1918 à 1991) par RENÉ RÉMOND LES PHILOSOPHIES HELLÉNISTIQUES LE LIVRE DE POCHE La suite en fin de volume. Série « Antiquité » dirigée par Paul Demont INTRODUCTION Illustration de couverture : mosaïque d'Autun (ii -iii`' siècle ap. J.-C.) représentant le philosophe épicurien Métrodore. Le texte grec, mutilé, reproduit la Sentence vaticane 14. Carlos Lévy est professeur à l'Université de Paris-XII (Créteil), où il dirige le Centre de recherches sur la philosophie hellénis- tique et romaine. © Librairie Générale Française, 1997. La philosophie hellénistique est celle qui s'est développée entre la mort d'Alexandre (323 av. J.-C.) et la disparition du royaume lagide d'Egypte en 30 av. J.-C. Le premier à utiliser l'adjectif « hellénistique » pour désigner cette période fut, au milieu du )(De siècle, l'historien allemand J.G. Droysen, qui consacra une oeuvre importante à Alexandre et à ses suc- cesseurs. Du point de vue historique, le passage de l'époque classique à l'époque hellénistique est marqué par des évé- nements d'une importance considérable. Après la conquête par Alexandre de territoires immenses, ses lieutenants fondè- rent des dynasties qui régnèrent sur la Grèce, une grande partie de l'Asie et l'Egypte. Le modèle de la polis, si intime- ment lié à la civilisation grecque, ne disparut pas, mais perdit beaucoup de sa substance au profit de grands ensembles éta- tiques, dans lesquels coexistaient des populations très variées, les phénomènes d'acculturation étant d'intensité variable. Les voyages, les échanges devinrent plus faciles, en même temps qu'apparaissaient des formes artistiques nouvelles et une culture accordant une place considérable à l'érudition, à la réflexion sur les grandes oeuvres du passé. La philosophie a-t-elle fidèlement reflété la mutation du politique ? Aristote, précepteur d'Alexandre, est aux yeux des historiens de la philosophie un philosophe classique, tandis que Pyrrhon, qui élabora son système après avoir accom- pagné le souverain en Asie, est un philosophe hellénistique. 6 Les Philosophies hellénistiques Le propos de Hegel' paraît donc se vérifier pleinement : « La philosophie vient toujours trop tard. En tant que pensée du monde, elle apparaît seulement lorsque la réalité a accompli et terminé son processus de transformation ». La chouette de Minerve, « qui ne s'envole qu'au début du crépuscule », est donc arrivée une fois encore après l'événement. Pyrrhon suit Alexandre, dans tous les sens que l'on peut donner à ce verbe. Mais si cette succession est aussi une détermination, que reste-t-il de cette liberté de penser sans laquelle le philosopher paraît perdre tout sens ? Il y a une lecture possible des doctrines hellénistiques dans laquelle la philosophie n'est qu'une métaphore du politique. L'opposition entre ces doctrines systématiques et la pensée de Platon, rebelle à ce type d'organisation, reflète alors l'opposition entre l'espace unifié — au moins en théorie — des monarchies lagide ou séleucide et le tissu discontinu des cités indépendantes de la Grèce classique. Au philosophe cher- cheur, image du citoyen, on sera en droit d'opposer le sage accompli, image de la toute-puissance du souverain. L'ouver- ture du stoïcisme comme de l'épicurisme vers l'autre, qu'il s'agisse de l'étranger, de la femme ou de l'esclave, inscrit dans le concept l'éclatement des frontières consécutif à la conquête. Le fait même que les écoles, bien qu'athéniennes, accueillent des étrangers et ont même été souvent dirigées par eux paraît faire de ces institutions l'image en miniature du cosmopolitisme hellénistique. Néanmoins une telle approche, qui aboutit à de sédui- santes mises en parallèle, pèche par la distinction simpliste entre un élément actif (le politique) et un élément simple- ment réactif (la philosophie). Or on sait que la philosophie a aussi informé — parfois malgré lui — le politique, le précep- torat d'Aristote auprès d'Alexandre pouvant être considéré à cet égard comme révélateur de la complexité des sources de la civilisation hellénistique. De surcroît, on est en droit de se poser le problème de l'unité de la philosophie hellénistique. 1. Préface des Principes de la philosophie du droit, trad. J. Hippolyte, Paris 1940, 1, p. 32. Introduction 7 En effet, non seulement les controverses entre les écoles furent souvent d'une grande âpreté, mais il y eut à l'intérieur de la plupart de ces institutions des phénomènes de dissi- dence. Les tentatives pour mettren évidence des schémas communs furent elles-mêmes inspirées par la polémique, qu'il s'agisse des multiples accusations de plagiat, ou du résumé réducteur des opinions sur le souverain bien, appelé diuisio carneadia, dont nous verrons plus tard qu'il était avant tout une arme antistoïcienne. C'est seulement au i" siècle av. J.-C. que l'on s'intéressera, sur fond de polémiques atténuées, à ce qu'il peut y avoir de commun entre des pensées appa- remment opposées. Le dernier livre des Tusculanes de Cicéron est à cet égard exemplaire. Il faut donc aller plus avant dans l'exploration du concept de philosophie hellénistique. La ligne de partage n'est pas celle qui sépare le dogmatisme du scepticisme, car, aussi para- doxal que cela puisse paraître, le pyrrhonisme est à bien des égards plus proche du stoïcisme et de l'épicurisme que de la Nouvelle Académie, pourtant elle aussi considérée comme « sceptique ». Dans les philosophies pyrrhonienne, stoïcienne et épicurienne, on trouve la même référence à la nature (phusis). Certes, il n'y a rien de commun entre la nature par- faitement rationnelle des Stoïciens, celle, atéléologique, des Epicuriens, ou encore celle de Pyrrhon, faite d'un équilibre d'apparences contradictoires, mais ces trois systèmes consi- dèrent la phusis comme la norme de toute vie philosophique, alors que pour les Néoacadémiciens, et en tout cas pour Car- néade, elle est aussi — et peut-être principalement — source d'irrationalité et de violence. Ces doctrines évidemment excluent donc toute forme de transcendance. Elles ont éga- lement ceci de commun qu'elles envisagent comme possible la réalisation d'un bonheur absolu. Bien sûr, les Stoïciens affirment que le sage parfait est plus rare encore que le Phénix, bien sûr Pyrrhon dit qu'il est difficile de « se dépouiller de l'homme », bien sûr les Epicuriens eux-mêmes n'ignorent pas combien il est difficile de lutter contre la douleur, et néanmoins l'époque hellénistique fut celle où une majorité 8 Les Philosophies hellénistiques de penseurs estimaient que la perfection était de ce monde. Perfection d'autant plus concrètement présente qu'elle fut incarnée aux yeux de leurs disciples par Pyrrhon et par Epi- cure, comparés à des dieux vivant parmi les hommes. Ajoutons encore qu'aucune des écoles hellénistiques n'a pensé que le politique pouvait être le champ privilégié de cette perfection. Si on laisse de côté la dimension utopique inhérente au stoïcisme des origines, les philosophes hellénis- tiques ont, d'une manière générale, considéré l'engagement dans la vie de la cité beaucoup plus comme une source de maux que comme la voie d'accès à la vertu et au bonheur. Cela ne les a pas empêchés d'accepter parfois des fonctions de représentation, l'ambassade à Rome en 155 av. J.-C. de l'Académicien Carnéade, du Stoïcien Diogène de Babylone et du Péripatéticien Critolaos en étant l'exemple le plus célèbre. La philosophie hellénistique a hérité de Platon et d'Aris- tote cette réalité dont nous avons encore du mal à appré- hender tous les aspects, l'école philosophique. Le terme scholè (Glucker, 1978, p. 160-161) signifie originairement « le loisir », puis il a pris le sens d'« occupation studieuse », de « cours » ou de « conférence », avant de désigner plus précisé- ment l'école philosophique. Il est concurrencé dans les témoignages par diatribè, dont le sens premier était « passe-temps », et qui a signifié ensuite « la conversation », avant de prendre un sens institutionnel. Les travaux de Lynch (1972) et de Glucker ont montré que, contrairement à ce que l'on a cru pendant longtemps, l'école n'avait pas en tant que telle de personnalité juridique. Communauté humaine res- ponsable d'une tradition, l'école n'est pas seulement un lieu d'enseignement. Chacune de ces institutions pratique un cer- tain nombre de rites, par exemple la commémoration dans le Jardin de la naissance d'Epicure ou de la mort de chacun des membres de sa famille. Pour toutes les écoles, la désigna- tion du scholarque qui la dirigera aussi longtemps qu'il sera en vie — sauf si lui-même, s'estimant trop âgé, préfere céder la place à un de ses disciples, comme ce fut le cas pour Car- Introduction 9 néade — constitue un moment essentiel de uploads/Philosophie/ levy-les-philosophies-hellenistiques-pdf.pdf
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- Publié le Oct 22, 2022
- Catégorie Philosophy / Philo...
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