Lettre aux vrais disciples d'Hermès (Appendice au Triomphe Hermétique de Limojo
Lettre aux vrais disciples d'Hermès (Appendice au Triomphe Hermétique de Limojon de Saint-Didier, 1699) LETTRE AUX VRAIS DISCIPLES D'HERMÈS CONTENANT SIX PRINCIPALES CLEFS DE LA PHILOSOPHIE SECRÈTE (Appendice au Triomphe Hermétique de Limojon de Saint-Didier, 1699) Si j'escrivois cette lettre pour persuader la verité de nôtre Philosophie à ceux, qui s'imaginent qu'elle n'est qu'une vaine idée, et un pur Paradoxe, je suivrois l'exemple de plusieurs maîtres en ce grand art; je tâcherois de convaincre de leurs erreurs ces sortes d'esprits, en leur demontrant la solidité des principes de notre science, appuyés sur les loix, et sur les operations de la nature, et je ne parlerois que legerement de ce qui regarde sa pratique; mais comme j'ay un dessein tout different, et que je n'escris que pour vous seuls, sages Disciples d'Hermes, et vrays Enfans de l'art, mon unique but est de vous servir de guide dans une route si difficile à suivre. Nostre pratique en effet est un chemin dans les sables, où l'on doit se conduire par l'estoile du Nord, plutost que par les vestiges qu'on y voit imprimés. La confusion des traces, qu'un nombre presqu'infini de personnes y ont laissées, est si grande, et on y trouve tant de differents sentiers, qui menent presque tous dans des deserts affreux, qu'il est presque impossible de ne pas s'égarer de la veritable voye, que les seuls sages favorisés du Ciel, ont heureusement sçeu deméler, et reconnoistre. Cette confusion arréte tout court les enfans de l'art, les uns dez le commencement, les autres dans le milieu de cette course Philosophique, et quelques uns mesme lors qu'ils aprochent de la fin de ce penible voyage, et qu'ils commencent à decouvrir le terme heureux de leur entreprise; mais qui ne s'aperçoivent pas, que le peu de chemin, qui leur reste à faire, est le plus difficile. Ils ignorent que les envieux de leur bonheur ont creusé des fosses, et des precipices au milieu de la voye, et que faute de sçavoir les détours secrets, par où les sages evitent ces dangereux pieges, ils perdent malheureusement tout l'avantage qu'ils avoient acquis, dans le mesme temps, qu'ils s'imaginoient d'avoir surmonté toutes les difficultez. Je vous avouë sincerement, que la pratique de nostre art est la plus difficile chose du monde, non par raport à ses operations, mais à l'égard des difficultés qu'il y a, de l'apprendre distinctement dans les livres des Philosophes: car si d'un côté elle est appellée avec raison, un jeu d'enfans; de l'autre elle requiert en ceux, qui en cherchent la verité par leur travail et leur estude, une connoissance profonde des Principes, et des operations de la nature dans les trois genres; mais particulierement dans le genre mineral et metallique. C'est un grand point de trouver la veritable matiere, qui est le sujet de nostre oeuvre; il faut percer pour cela mille voiles obscurs, dont elle a esté envelopée; il faut la distinguer par son propre nom, entre un million de noms extraordinaires, dont les Philosophes l'ont diversement exprimée; il en faut comprendre toutes les proprietés, et juger de tous les degrés de perfection, que l'art est capable de lui donner; il faut connoître le feu secret des sages qui est le seul agent qui peut ouvrir, sublimer, purifier, et disposer la matiere à estre reduite en eau; il faut penetrer pour cela jusques à la source divine de l'eau celeste, qui opere la solution, l'animation, et purification de la pierre; il faut sçavoir convertir nostre eau metallique en huile incombustible par l'entiere solution du corps, d'où elle tire son origine, et pour cet effet, il faut faire la conversion des elemens, la separation, et la reunion des trois principes; il faut apprendre comment on doit en faire un Mercure blanc et un Mercure citrin; il faut fixer ce Mercure, le nourrir de son propre sang, afin qu'il se convertisse en soufre fixe des Philosophes. Voilà quels sont les points fondamentaux de nôtre art; le reste de l'oeuvre se trouve assés clairement enseigné dans les livres des Philosophes, pour n'avoir pas besoin d'une plus ample explication. Comme il y a trois regnes dans la nature, il y a aussi trois medecines en nôtre art, qui font trois oeuvres différents dans la pratique, et qui ne font toutes fois que trois differens degrés qui élevent nôtre elixir à sa derniere perfection. Ces importantes operations des trois oeuvres, sont reservées sous la Clef du secret par tous les Philosophes, afin que les sacrés misteres de nôtre divine Philosophie ne soient pas revelés aux prophanes; mais pour vous, qui estes les enfans de la science, et qui pouvés entendre le langage des Sages, les serrures vous seront ouvertes, et vous aurés les Clefs des precieux tresors de la nature, et de l'art, si vous appliqués tout vôtre esprit à comprendre ce que j'ay fait dessein de vous dire, en termes autant intelligibles, qu'il est necessaire, pour ceux qui sont predestinés comme vous estes, à la connoissance de ces sublimes misteres. Je veux vous mettre en main six Clefs avec lesquelles vous pourrés entrer dans le sanctuaire de la Philosophie, en ouvrir tous les réduits, et parvenir à l'intelligence des verités les plus cachées. PREMIERE CLEF La première Clef est celle qui ouvre les prisons obscures, dans lesquelles le soufre est renfermé; c'est elle qui sçait extraire la semence du corps, et qui forme la pierre des Philosophes par la conjoncture du mâle, avec la femelle; de l'esprit avec le corps; du soufre avec le Mercure. Hermes a manifestement demontré l'operation de cette premiere Clef par ces paroles: De cavernis metallorum occultus est, qui lapis est venerabilis, colore splendidus, mens sublimis, et mare patens; Cette pierre a un brillant esclat, elle contient un esprit d'une origine sublime, elle est la mer des Sages, dans laquelle ils pêchent leur misterieux poisson. Le même Philosophe marque encore plus particulièrement la naissance de cette admirable pierre, lors qu'il dit: Rex ab igne veniet, ac conjugio gaudebit, et occulta patebunt. C'est un Roi couronné de gloire, qui prend naissance dans le feu, qui se plait à l'union de l'épouse qui lui est donnée, c'est cette union qui rend manifeste ce qui étoit auparavant caché. Mais avant que de passer outre, j 'ay un conseil à vous donner, qui ne vous sera pas d'un petit avantage; c'est de faire reflexion que les opérations de chacun des trois oeuvres, ayant beaucoup d'analogie, et de raport les uns aux autres, les Philosophes en parlent à dessein en termes équivoques, afin que ceux qui n'ont pas des yeux de linx, prenent le change, et se perdent dans ce labirinthe, duquel il est bien difficile de sortir. En effet lors qu'on s'imagine qu'ils parlent d'un oeuvre, ils traittent souvent d'un autre: prenés donc garde de ne pas vous y laisser tromper: car c'est une verité, que dans chaque oeuvre le sage Artiste doit dissoudre le corps avec l'esprit, il doit couper la teste du corbeau, blanchir le noir et rougir le blanc; c'est toutes-fois proprement dans la premiere operation, que le Sage Artiste coupe la teste au noir dragon, et au corbeau. Hermes dit, que c'est delà que nôtre art prend son commencement, quod ex corvo nascitur, hujus artis est principium . Considerés que c'est par la separation de la fumée noire, sale, et puante du noir très noir, que se forme nostre pierre astrale, blanche, et resplendissante, qui contient dans ses veines le sang du pelican; c'est à cette première purification de la pierre, et à cette blancheur luisante, que se termine la premiere Clef du premier oeuvre. SECONDE CLEF La seconde Clef dissout le composé ou la pierre, et commence la separation des Elemens, d'une maniere Philosophique; cette separation des Elemens ne se fait qu'en eslevant les parties subtiles et pures, au dessus des parties crasses et terrestres. Celui qui sçait sublimer la pierre Philosophiquement, merite à juste titre le nom de Philosophe, puisqu'il connoit le feu des Sages, qui est l'unique instrument, qui puisse operer cette sublimation. Aucun Philosophe n'a jamais ouvertement revelé ce feu secret, et ce puissant agent, qui opere toutes les merveilles de l'art; celuy qui ne le comprendra pas, et qui ne sçaura pas le distinguer aux caracteres, avec lesquels j'ay tâché de le dépeindre dans l'entretien d'Eudoxe et de Pyrophile, doit s'arrêter icy, et prier Dieu qu'il l'éclaire : car la connoissance de ce grand secret est plutôt un don du Ciel, qu'une lumiere acquise par la force du raisonnement; qu'il lise cependant les escrits des Philosophes, qu'il medite, et sur tout qu'il prie; il n'y a point de difficulté, qui ne soit éclaircie par le travail, la meditation, et la priere. Sans la sublimation de la pierre, la conversion des Elemens, et l'extraction des principes, est impossible; et cette conversion, qui fait l'eau de la terre, l'air de l'eau, et le feu de l'air, est la seule voye par laquelle nôtre Mercure peut estre fait, et preparé. Appliqués vous donc à connoistre ce feu secret, qui dissout la pierre naturellement, et sans violence, et la uploads/Philosophie/ limojon-de-saint-didierlettres-aux-vrais-disciples-dhermes-1699.pdf
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- Publié le Fev 27, 2022
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