40 ces peuples. Ces relations ont dû porter sur de nombreux secteurs de l’activ

40 ces peuples. Ces relations ont dû porter sur de nombreux secteurs de l’activité humaine sur multiples plans : commer- cial, politique, diplomatique et même culturel. Mais l’interro- gation que le linguiste- chercheur et l’anthropologue culturel peuvent continuer d’entretenir après ces dernières considéra- tions, elle, est aussi historique et même psychophysiologique car elle porte sur la question de la Tour de Babel qui pose les problèmes d’une langue originelle et celui de l’innéité du lan- gage. Par deux fois cette question est mentionnée dans la Bi- ble, dans l’Ancien Testament au texte relatif à la Tour de Ba- bel et dans la Nouveau Testament au texte de la Pentecôte. Enfin, le débat qui a cours maintenant est celui de savoir si, en dehors de l’existence de prophète, la révélation qui est l’élé- ment essentiel qui statue sur l’universalité de la religion, et qui se trouve en bonne place dans les croyances des Agni, ne suffit pas pour affirmer que le ‘’bossonisme’’ tel l’envisagé un auteur comme J. M. Adiaffi est une religion puisque tout l’enseigne- ment d’un prophète se résume à la révélation du prophète ? Cette révélation situe le peuple sur la nature de Dieu, les relations entre Dieu et l’homme, le destin de l’homme sur la terre et après la mort. Elle est fondée sur l’enseignement de quelques principes de morale pour permettre aux hommes de vivre harmonieusement sur la terre, ce lieu que toutes les re- ligions considèrent comme un terrain d’expérimentation, un terrain de pré. REVUE SCIENTIFIQUE DU CERPHIS, N°007 - 2009 29 PERCEPTION METALINGUISTIQUE DE LA TRANSCENDANCE DE DIEU OU UNE PHI- LOSOPHIE DE LA VIE CHEZ LES AGNI DE CÔTE D’IVOIRE : UNE ÉTUDE ETHNOLINGUISTIQUE DES APPELLATIONS DE DIEU EN LANGUE AGNI ANO Boa Bernard Maître de Conférences à la Section de Philosophie École Normale Supérieure d’Abidjan (Côte d’Ivoire) INTRODUCTION La philosophie se définit généralement comme étant l’a- mour de la sagesse. Si la sagesse est un idéal humain, elle ne doit pas être l’apanage d’un sel peuple, d’une seule race car toute l’humanité est création du même Dieu. Il est donc don- né à chaque communauté d’y aspirer et dans ce domaine, il ne faut pas s’attendre à ce que tout soit d’une parfaite unifor- mité car, comme le dit Blaise Pascal, « toute vérité en de ça des Pyrénées est erreur au-delà. » Ainsi, dans leur volonté de donner un sens à la vie, tous les peuples se sont donnés des croyances et une philosophie. Les Akan en général et les Agni de Côte d’Ivoire en particulier ne font une exception à cette règle. Ils ont créé un univers de croyances qui les a conduits à créer des religions et des doctrines, et à mettre en place des codes d’application des valeurs sociales et morales. C’est dans ce domaine qu’ils trouvent l’explication à leur cosmogo- nie qui englobe le mythe de leurs origines, leurs relations avec le divin et partant leurs pratiques religieuses. C’est dans ce contexte que l’on peut trouver une explication aux fonde- ments de leurs doctrines et de leurs règles de conduite ainsi qu’à leurs totems. Tous ces phénomènes s’inscrivent dans leur univers de croyances et l’approche de telles réalités doit se fonder sur une étude englobant aussi bien leur environnement social que portant sur les composantes de la société elle-même. Ainsi, il convient d’entreprendre successivement l’étude du ANO B. B. : Perception métalinguistique............. P. 29-40 30 cadre ethno géographique et ethnolinguistique, dans une perspective contrastive et diachronique en relation avec les valeurs et croyances des peuples qui ont en partage des affi- nités avec les Agni de Côte d’Ivoire. Pour nous, même si l’une des raisons de l’expansion euro- péenne, depuis le Roi Dom Henrique le Navigateur fut « a mis- são civilisadora », (la mission civilisatrice), les Africains pos- sédaient au moment de l’arrivée des Blancs tous les éléments qui constituent aujourd’hui ce qu’ils appellent leur civilisa- tion, à avoir des langues, des religions, des arts et notam- ment la philosophie. A travers cette étude, nous voulons faire percevoir que ; - même si les cultures africaines sont généralement sans écriture, elles comportent sur l’essentiel, des valeurs qui sont en vigueur dans les cultures à écriture. - les Agni de Côte d’Ivoire ont, comme les autres peuples, ce qui est appelé philosophie et que cela n’est pas une vue de l’esprit mais une réalité qui transparaît dans la langue. Nous défendons en outre la thèse que les Agni sont essen- tiellement monothéistes et que les différentes appellations de Dieu ne doivent pas conduire à penser et écrire, comme l’ont fait dans le passé certains ethnologues européens, que les Noirs d’Afrique sont polythéistes. I.- CADRE ETHNO GEOGRAPHIQUE Le cadre défini pour cette étude est essentiellement reli- gieux mais il convient de déterminer l’aire géographique qui constitue le cadre de vie des personnes intéressées, les Agni qui occupent cinq grandes régions dans les zones forestières de la Côte d’Ivoire. Du sud au nord, se trouvent les Agni sanwi, autour de la ville d’Aboisso ; la région du centre est occupée par les Agni indénien autour d’Abengourou ; au nord d’Abengourou se trouvent les Agni duablin et bona qui font frontière avec les Abrons et les koulango, et ils occupent le département d’A- gnibilékro et la sous préfecture de Koun Fao ; le centre abrite REVUE SCIENTIFIQUE DU CERPHIS, N°007 - 2009 39 Par ailleurs, si Dieu est partout, c’est qu’il est toujours pré- sent. Ainsi l’homme Agni l’invoquera dans toutes ses activités, aussi bien dans la joie que dans l’épreuve. Cette présence divi- ne se manifeste dans tout ce que Dieu met à la disposition de l’homme pour son bonheur, l’eau, les arbres, la forêt, les mon- tagnes, les astres, les animaux qui vont aussi servir de passe- relles pour avoir accès à lui. Pour Dieu, ces créatures ne sont pas négligeables car si elles n’avaient pas d’importance Dieu ne leur aurait pas accordé plus de temps de vie qu’à l’homme qui se prend pour le centre du monde. Une telle philosophie remet l’homme à sa juste dimension, alors que Dieu, lui, est considéré par l’homme Agni comme étant trans-dimensionnel et transcendant le temps et l’espace (alolowa). C’est par rapport à une telle philosophie que l’homme, jus- tifie sa situation dans le monde. Il doit se servir de la nature qui l’environne sans la détruire et la laisser pour le bonheur des générations futures. C’est ainsi qu’est prise en compte, dans son comportement de chaque jour, le respect de la bio- diversité et la protection de la nature. CONCLUSION En guise de conclusion, nous pouvons faire remarquer qu’aussi anodin que pouvait paraître un phénomène ethnolo- gique comme celui de l’appellation de Dieu chez les Agni, cet- te étude nous a mis aux travers de nombreuses interroga- tions qui nous ont conduit à des considérations qui susci- tent, elles aussi que d’autres sciences soient interrogées. Ces considérations, évidemment aboutissent à des interro- gations de type linguistique, ethnologique, historique et mê- me politique. En effet l’on est en droit de se demander si, dans l’antiquité, avant, pendant et après la naissance de Jé- sus, personne qui a apporté incontestablement le plus grand bouleversement au monde aussi bien au plan qualitatif que quantitatif, il a existé des relations entre les peuples Akan et ceux d’Asie Mineure, notamment ceux décrits dans la Bible à une période très lointaine que personne n’est à soupçonner. Si ces relations ont été réelles, cela voudrait bien dire que des échanges de plusieurs ordres ont pu s’établir aussi entre ANO B. B. : Perception métalinguistique............. P. 29-40 38 chez d’autres communautés du Golfe de Bénin où l’on peut compter parmi les peuples akan. Aujourd’hui, il est difficile à un non- spécialiste d’établir une relation de parenté linguistique entre les « Yoruba » et les « Akan » de Côte d’Ivoire ; toutefois l’on note aisément parmi les divinités des populations Yoruba, la place importante qu’elles accordent au Dieu ODUDUA qui rappelle sur de nombreux plans le dieu Agni Allolowa. Au Ghana, les peuples Ashanti, Fanti, Nzema et d’autres encore attribuent à Nya- mien, Allolowa et à Edakaman les mêmes propriétés que les Agni de Côte d’Ivoire. III.- UNE PHILOSOPHIE QUI S’IMPOSE Comme conséquence à ce constat l’homme Agni pense que Dieu est Tout Puissant, qu’il voit tout, donc sait tout, qu’il est merveilleux et que dans sa magnificence il permet à l’homme de le découvrir progressivement. Si Dieu est en haut, dans sa perception l’univers se pré- sente sous la forme d’un triangle. Ainsi les hommes ne le perçoivent pas de la même façon, car chacun n’ayant qu’une parcelle de sa réalité. C’est dans une telle approche qu’il convient de comprendre la permissivité de la société des Agni à travers sa large ouverture et son acceptation de toutes pro- positions et discours l’amenant à une meilleure connaissance de Dieu. Il faut entendre par propositions les philosophies et les religions venues d’ailleurs. C’est aussi une explication plausible à la prolifération de toutes ces religions qui ont cours en pays uploads/Philosophie/ livre7-2009-2-ano.pdf

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