A propos de la logique spiralaire À propos de l'usage de la métaphore de la spi

A propos de la logique spiralaire À propos de l'usage de la métaphore de la spirale en didactique et pédagogie C'est Jérôme Bruner qui introduit en 1960 l'idée de pédagogie spiralaire dans The process of education. Les curricula devraient, selon lui, être établis de façon spiralaire, en sorte que les élèves construisent de façon régulière sur ce qu'ils ont déjà appris. Ce concept rencontre vite un très large écho chez les didacticiens et pédagogues qui trouvent dans la métaphore de la spirale, une façon juste d'exprimer ce qu'ils pressentent, à savoir qu'apprendre est un processus continu qui suppose une reprise constante de ce qui est déjà acquis et une complexification progressive. L'image d'une progression linéaire est impropre à exprimer que, pour apprendre, les retours sur le déjà vu sont nécessaires pour en prendre une meilleure vue et aller plus loin. Cette notion de pédagogie spiralaire est reprise et développée en France, entre autres, en 1992 par Jean-Pierre Astolfi dans L'École pour apprendre, ouvrage qui a le mérite d'analyser les conditions auxquelles une progression peut réellement être dite spiralaire (voir principalement les pages 144 - 154 de l'ouvrage). Celui-ci dénonce les dérives communes auxquelles elle donne lieu et il faut ici lui laisser la parole: "le spiralaire ressemble bien souvent comme un frère à du circulaire, c'est-à-dire qu'au lieu de progresser vers le concept, on tourne facilement autour sans progression véritable. Quand on examine de près les pratiques qui s'en réclament, il faut avouer qu'on n'est pas toujours en mesure de caractériser, au terme d'une activité parfois prolongée, quelle est la nature du progrès intellectuel qui a été obtenu. On dit dans ce cas, comme pour se justifier, qu'on ne peut en demander trop à des élèves de cet âge ... il faut bien se satisfaire, entend-on aussi, d'une première approche de la notion. "Approche" le mot-clé est lâché. La question, précisément, c'est d'être certain qu'on approche véritablement de quelque chose.". La condition pour qu'une progression soit véritablement spiralaire, et que soit évitée la fâcheuse dérive du spiralaire en circulaire, est que "à chaque tour de spire dans l'apprentissage corresponde bien le franchissement d'un obstacle identifié". Il revient donc au maître "d'identifier des obstacles franchissables" qui serviront de repères pour évaluer les étapes franchies. Pour une progression spiralaire de l'apprentissage du philosopher Sylvie Queval, maître de conférences honoraire en philosophie de l'éducation, Université de Lille 3 http://www.educ-revues.fr/DIOTIME/AffichageDocument.aspx?iddoc=39409 Si une logique spiralaire paraît plus réaliste au vu de la réalité de la classe, la question de la progression se pose aussi quand il s’agit d’aborder le même contenu à différents moments à des degrés d’approfondissement croissant : comment déterminer les seuils dans les niveaux de formulation qui vont faire de la reprise un développement et non une répétition ? Mais ces décisions sont aussi spécifiques et particulièrement délicates en français, notamment pour la maitrise de la langue. Les conduites langagières qu’on vise à enrichir sont ancrées dans des pratiques extrascolaires précoces, qui ne sont pas acquises seulement à l’intérieur de l’espace scolaire et selon sa logique. Si on considère l’oral, l’écriture, le développement du vocabulaire, ce que les enfants acquièrent en dehors de l’école interfère sans cesse avec l’ordre des programmations scolaires. Le découpage a priori d’objets d’enseignement selon une logique strictement interne à l’organisation scolaire des savoirs est donc moins possible que dans d’autres configurations disciplinaires. D’autre part les conduites langagières travaillées mettent en jeu des compétences complexes, sensibles aux contextes et aux variables des situations, dont le développement est difficile à modéliser. De fait, passées les acquisitions de la petite enfance, on dispose de peu de données sur les acquis, étapes et seuils du développement lexical par exemple, qui pourraient fonder les objectifs raisonnés d’un enseignement progressif et non occasionnel du vocabulaire. Sur beaucoup de points relatifs aux usages linguistiques des élèves, les travaux qui pourraient orienter les objectifs sont peu nombreux. C’est pourquoi les situations et les objectifs sont souvent repris d’une année à l’autre, du début à la fin de l’année, sans qu’on puisse expliciter en quoi les attentes évoluent et les tâches se complexifient. La difficulté de définir une progression dans les pratiques du langage se retrouve à propos de la réflexion sur la langue. Comme le rappellent Brissaud et Grossmann, « on ne dispose pas à ce jour d’une image panoramique de ce que serait l’évolution de la compétence grammaticale de 6 à 16 ans »14. Cette absence d’arrière-plan théorique sur la dimension développementale des acquisitions est particulièrement marquée dans les dernières instructions pour le primaire en France, mais le problème se pose de façon plus générale. […] Les travaux psycholinguistiques éclairent la notion de progression en montrant aussi qu’on ne peut penser l’acquisition en termes de présence ou d’absence d’une forme, mais en termes d’élargissement, de diversification des contextes d’emploi, et en termes de changements de fonctions. Au moment où une unité ou une structure apparait dans les énoncés de l’enfant, son acquisition est loin d’être terminée, comme l’ont dit Piaget ou Vygotski : les étiquettes verbales ne recouvrent pas chez lui les mêmes significations que chez l’adulte41. Bresson a montré à propos des déterminants qu’une forme linguistique assume des valeurs fonctionnelles différentes aux divers moments du développement ; Fayol a étudié aussi ces changements fonctionnels pour les signes de ponctuation ou les organisateurs textuels. L’analyse des acquisitions ne peut donc se contenter de recenser des marques de surface, mais doit étudier les constructions dans leurs conditions de production et leur dimension discursive : pour les relations temporelles, l’ordre d’évocation des événements dans l’énoncé (soumis ou non à l’ordre de succession des faits) est aussi important selon Ferreiro que la présence d’une subordonnée temporelle. Ces travaux convergent sur l’idée d’un développement et d’une diversification progressifs, dans la durée, des significations, des constructions, des fonctions et des contextes d’emploi. Cela exclut l’idée d’une progression linéaire en termes d’ajouts successifs et irait dans le sens d’une reprise régulière, graduée des mêmes tournures, notamment pour le vocabulaire, en revenant sur des mots courants et polysémiques, des verbes qui font partie du bagage de l’enfant mais seulement avec certaines constructions, à certains temps. En cela les travaux psycholinguistiques peuvent aider à sérier les niveaux de maitrise en relation avec des contextes, à préciser les indicateurs plus pertinents, à clarifier certaines des variables des tâches ou des supports susceptibles de déterminer des seuils dans l’acquisition. […] Le principe de progression est plutôt de susciter le développement de plusieurs types de critères dans une réflexion sur des régularités accessibles, sans s’enfermer dans des cas prototypiques qui à terme limiteront la réflexion. Cela pose le problème des approximations correspondant aux paliers cognitifs des élèves et des vérités provisoires, comme on le voit dans ce numéro dans l’article de Roubaud et Moussu (Pour une modélisation de l’enseignement de la grammaire au CE1 : l’exemple du verbe). Vu l’abstraction des procédures formelles pour des élèves jeunes, on admettra de s’appuyer sur ces critères sémantiques pour initier la réflexion métalinguistique et les premières distinctions de classes grammaticales (celle de verbe par exemple), à condition de ne pas figer une définition erronée (le verbe indiquant ce qu’on fait, le sujet comme celui qui fait l’action). Cela suppose d’asseoir rapidement le recours à d’autres critères (variation temporelle, des désinences) pour ne pas les enfermer dans une procédure mécanique : « un seul critère ne peut aider à identifier un verbe : pour construire une notion grammaticale, il faut que l’élève accède à un faisceau d’indices sémantiques, morphologiques et syntaxiques, entrainant ainsi une évolution de ses représentations ». La progression dans l’élaboration notionnelle se fait donc à partir d’approximations rectifiées. D’autre part, même si le progrès dans la réflexion métalinguistique suppose de ne plus faire interférer ordre du monde et traitement grammatical, la progression ne peut se fonder sur la disqualification de la dimension sémantique, considérée seulement comme facilitation à dépasser : il s’agit plutôt, comme le montre Calame- Gippet, de réfléchir « sur la façon dont peut évoluer chez les élèves la capacité à construire le sémantique comme critère linguistique », comme « une abstraction catégorielle » et non plus un référentiel concret. La notion de progression au cœur des tensions de l’activité d’enseignement Élisabeth Nonnon http://reperes.revues.org/276 Dans cette perspective, nous avons tenté d’élaborer un modèle qui articule deux types de progression : spiralaire et linéaire. La progression spiralaire envisage l’apprentissage des notions grammaticales dans le temps à partir d’activités ritualisées en trois phases (manipulation, structuration et observation/délibération) ; elle laisse la place aux formulations provisoires, aux approximations prenant en compte les paliers cognitifs des élèves. La progression linéaire porte sur un agencement logique et cohérent des contenus qui dépasse la simple liste des programmes et des manuels scolaires ; elle facilite l’acquisition des savoirs. Nous avons mis à l’épreuve ce modèle dans une classe de CE1 pour construire le concept de verbe. Nous avons constaté que celui-ci concourt d’une part à aider les enseignants à envisager une autre pratique de l’enseignement-apprentissage de la grammaire et d’autre part, à aider les élèves à donner du sens aux uploads/Philosophie/ logique-spiralaire.pdf

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