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Presses Universitaires de France is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Revue de Métaphysique et de Morale. http://www.jstor.org Pages d' « Introduction à la Prose du Monde » Author(s): Maurice Merleau-Ponty Source: Revue de Métaphysique et de Morale, 72e Année, No. 2 (Avril-Juin 1967), pp. 139-153 Published by: Presses Universitaires de France Stable URL: http://www.jstor.org/stable/40900993 Accessed: 15-12-2015 14:17 UTC Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at http://www.jstor.org/page/ info/about/policies/terms.jsp JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact support@jstor.org. This content downloaded from 136.186.1.81 on Tue, 15 Dec 2015 14:17:05 UTC All use subject to JSTOR Terms and Conditions Pages d1 « Introduction à la Prose du Monde » Le manuscrit de Maurice Merleau-Ponty dont sont extraites ces premières pages ne porte pas de titre. Des notes autorisent à penser qu'il devait consti- tuer la première partie d'un ouvrage, nommé Prose du Monde ou Intro- duction à la Prose du Monde. A cet ouvrage fait allusion notamment le texte que le philosophe remit en 1952 à M. Gueroult, lors de sa candidature au Collège de France et qui a été publié dans la Revue de Métaphysique et de Morale (n° 4, 1962). Prose du Monde est un manuscrit non seulement inachevé, mais aban- donné, dont la rédaction est sensiblement antérieure à celle du Visible et l'invisible. Nous n'avons aucun moyen de savoir si V auteur avait V intention de poursuivre cet ancien travail et, dans l'affirmative, s'il ne lui aurait pas apporté d'importantes corrections ou modifications. Claude Lefort. Voilà longtemps qu'on parle sur la terre et les trois quarts de ce qu'on dit passent inaperçus. Une rose, il pleut, le temps est beau, l'homme est mortel. Ce sont là pour nous les cas purs de l'expression. Il nous semble qu'elle est à son comble quand elle signale sans équivoque des événe- ments, des états de choses, des idées ou des rapports, parce que, ici, elle ne laisse plus rien à désirer, elle ne contient rien qu'elle ne montre et nous fait glisser à l'objet qu'elle désigne. Le dialogue, le récit, le jeu de mots, la confidence, la promesse, la prière, l'éloquence, la littérature, enfin ce langage à la deuxième puissance où l'on ne parle de choses ni d'idées que pour atteindre quelqu'un, où les mots répondent à des mots, et qui s'emporte en lui-même, se construit au-dessus de la nature un royaume bourdonnant et fiévreux, nous le traitons comme simple variété des formes canoniques qui énoncent quelque chose. Exprimer, ce n'est 139 This content downloaded from 136.186.1.81 on Tue, 15 Dec 2015 14:17:05 UTC All use subject to JSTOR Terms and Conditions Maurice Merleau-Ponty alors rien de plus que remplacer une perception ou une idée par un signal convenu qui l'annonce, l'évoque ou l'abrège. Bien sûr, il n'y a pas que les phrases toutes faites et une langue est capable de signaler ce qui n'a jamais été vu. Mais comment le pourrait-elle si le nouveau n'était fait d'éléments anciens, déjà exprimés, s'il n'était entièrement définissable par le vocabulaire et les rapports de syntaxe de la langue en usage ? La langue dispose d'un certain nombre de signes fondamentaux, arbi- trairement liés à des significations-clé ; elle est capable de recomposer boute signification nouvelle à partir de celles-là, donc de les dire dans le même langage, et finalement l'expression exprime parce qu'elle reconduit boutes nos expériences au système de correspondances initiales entre tel signe et telle signification dont nous avons pris possession en apprenant la langue, et qui est, lui, absolument clair, parce qu'aucune pensée ne braîne dans les mots, aucun mot dans la pure pensée de quelque chose. Nous vénérons tous secrètement cet idéal d'un langage qui, en dernière analyse, nous délivrerait de lui-même en nous livrant aux choses. Une langue, c'est pour nous cet appareil fabuleux qui permet d'exprimer un nombre indéfini de pensées ou de choses avec un nombre fini de signes, parce qu'ils ont été choisis de manière à recomposer exactement tout ce qu'on peut vouloir dire de neuf et à lui communiquer l'évidence des pre- mières désignations de choses. Puisque l'opération réussit, puisqu'on parle et qu'on écrit, c'est que la langue, comme l'entendement de Dieu, contient le germe de toutes les significations possibles, c'est que toutes nos pensées sont destinées à être dites par elle, c'est que toute signification qui paraît dans l'expérience des hommes porte en son cœur sa formule, comme, pour les enfants de Piaget, le soleil porte en son centre son nom. Notre langue retrouve au fond des choses une parole qui les a faites. Ces convictions n'appartiennent pas qu'au sens commun. Elles régnent sur les sciences exactes (mais non pas, comme nous verrons, sur la lin- guistique). On va répétant que la science est une langue bien faite. C'est dire aussi que la langue est commencement de science, et que l'algo- rithme est la forme adulte du langage. Or, il attache à des signes choisis, des significations définies à dessein et sans bavures. Il fixe un certain nombre de rapports transparents ; il institue, pour les représenter, des symboles qui par eux-mêmes ne disent rien, qui donc ne diront jamais plus que ce qu'on a convenu de leur faire dire. S'étant ainsi soustrait aux glissements de sens qui font l'erreur, il est, en principe, assuré de pou- voir, à chaque moment, justifier entièrement ses énoncés, par recours aux définitions initiales. Quand il s'agira d'exprimer dans le même algo- rithme des rapports pour lesquels il n'était pas fait ou, comme on dit, des problèmes « d'une autre forme », peut-être sera-t-il nécessaire d'intro- duire de nouvelles définitions et de nouveaux symboles. Mais si l'algo- rithme remplit son office, s'il veut être un langage rigoureux et contrôler 140 This content downloaded from 136.186.1.81 on Tue, 15 Dec 2015 14:17:05 UTC All use subject to JSTOR Terms and Conditions Prose du Monde à ehaque moment ses opérations, il ne faut pas que rien dïmplicite ait été introduit, il faut enfin que les rapports nouveaux et anciens forment ensemble une seule famille, qu'on les voie dériver d'un seul système de rapports possibles, de sorte qu'il n'y ait jamais excès de ce qu'on veut dire sur ce qu'on dit ou de ce qu'on dit sur ce qu'on veut dire, que le signe reste simple abréviation d'une pensée qui pourrait à chaque moment s'expliquer et se justifier en entier. La seule vertu, - mais décisive, - de l'expression est alors de remplacer les allusions confuses que chacune de nos pensées fait à toutes les autres par des actes de signification dont nous soyons vraiment responsables parce que l'exacte portée nous en est connue, de récupérer pour nous la vie de notre pensée, et la valeur expressive de l'algorithme est toute entière suspendue au rapport sans équivoque des significations dérivées avec les significations primitives, et de celles-ci avec des signes par eux-mêmes insignifiants, où la pensée ne trouve que ce qu'elle y a mis. L'algorithme, le projet d'une langue universelle, c'est la révolte contre le langage donné. On ne veut pas dépendre de ses confusions, on veut le refaire à la mesure de la vérité, le redéfinir selon la pensée de Dieu, recom- mencer à zéro l'histoire de la parole, ou plutôt arracher la parole à l'his- toire. La parole de Dieu, ce langage avant le langage que nous suppo- sons toujours, on ne la trouve plus dans les langues existantes, ni mêlée à l'histoire et au monde. C'est le verbe intérieur qui est juge de ce verbe extérieur. En ce sens, on est à l'opposé des croyances magiques qui mettent le mot soleil dans le soleil. Cependant, créé par Dieu avec le monde, véhiculé par lui et reçu par nous comme un messie, ou préparé dans l'entendement de Dieu par le système des possibles qui enveloppe éminemment notre monde confus et retrouvé par la réflexion de l'homme qui ordonne au nom de cette instance intérieure le chaos des langues historiques, le langage en tout cas ressemble aux choses et aux idées qu'il exprime, il est la doublure de l'être, et l'on ne conçoit pas de choses ou d'idées qui viennent au monde sans mots. Qu'il soit mythique ou intel- ligible, il y a un lieu où tout ce qui est ou qui sera, se prépare en même temps à être dit. C'est là chez l'écrivain une croyance d'état. Il faut toujours relire ces étonnantes phrases de La Bruyère que cite Jean Paulhan : « Entre toutes les différentes expressions qui peuvent rendre une seule de nos pensées, il n'y en a qu'une qui soit la bonne. On ne la rencontre pas toujours en parlant ou en écrivant : il est vrai néanmoins qu'elle existe. * » Qu'en sait-il ? Il sait seulement que celui qui uploads/Philosophie/ maurice-merleau-ponty-pages-d-x27-introduction-a-la-prose-du-monde.pdf

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