Année 1994. Mémoire de maîtrise: La philosophie des valeurs chez Raymond Ruyer.

Année 1994. Mémoire de maîtrise: La philosophie des valeurs chez Raymond Ruyer. (rédigé en la compagnie du professeur émérite Louis Vax. et soutenu devant le professeur Jean Borella) Faculté des lettres de Nancy 2 3 La philosohie des valeurs chez Raymond Ruyer. De nos jours, la philosophie des valeurs est un sujet qui semble passé de mode. La pensée de Ruyer, quant à elle, est négligée par le milieu universitaire. Quelles sont donc les motivations qui m'ont poussé à traiter ce sujet? J'ai décidé de travailler sur Ruyer en assistant au colloque qui a eu lieu à la faculté des lettres de Nancy en février 1993. J'avais déjà eu écho de l'oeuvre de cet auteur en assistant aux cours de M. Borella qui, se référant à son ancien collègue, le citait comme l'un des plus grands métaphysiciens français du vingtième siècle. Entre deux exposés du colloque, je me rappelle avoir entendu M. Vax dire que Ruyer aimait philosopher au premier et non pas au deuxième (lecture que l'on fait d'un auteur), ou troisième degré (lecture de commentaires sur un auteur). Ce qui est rare de nos jours. Ensuite, ce qui m'a intéressé, c'est que cette philosophie au premier degré se fonde sur les théories scientifiques contemporaines. Ruyer est avant tout un philosophe des sciences. C'est ainsi que dans la conclusion de la Gnose de Princeton, il affirme: "Les thèses gnostiques sont fort solides scientifiquement, puisqu'elles ne font que convertir les acquisitions les plus sûres de la science, et qu'elles ne les contredisent pas, sauf sur quelques points contreversés entre les savants eux-mêmes."1 Par exemple, on peut dire qu'il défend le finalisme en s'appuyant sur la théorie des quantas. Cette dernière qui s'oppose à la physique classique lui permet de critiquer les thèses mécanistes et déterministes (voir la conclusion de son cours sur la Philosophie de la valeur). La première impression que m'a donc donnée la philosophie ruyérienne, c'est de se vouloir une pensée ouverte sur le monde, et non pas une pensée renfermée sur elle-même et ses pauvres inquiétudes existentielles. Mais cette pensée ne se limite pas à l'étude du seul domaine scientifique; elle s'étend à tous les domaines et peut être considérée comme une philosophie générale. Il suffit de jeter un oeil sur la liste des titres (tous plus attrayants les uns que les autres), pour en être persuadé. Partant justement de cette liste pour commencer mon travail de recherche, je fus vite déçu de ne trouver dans les rayons des librairies aucun des livres que je cherchais: seuls quatre livres sont encore édités. Heureusement, j'ai pu consulter la plupart des ouvrages (légués par M.Vax) aux archives Poincaré. Je signalerai, à titre indicatif, que l'excellente bibliothèque de l'institut de philosophie de Saarbrücken (où j'ai fait cette année mes études) possède les quatre ouvrages les plus importants du philosophe nancéien; l'institut 'Raymond Ruyer' de la faculté des lettres de Nancy n'en possèdant, lui, plus que trois. Ayant mentionné ces quelques détails techniques, je veux maintenant parler des motivations profondes qui m'ont poussé à traiter ce sujet particulier qu'est la philosophie des 1Ruyer, la Gnose de Princeton; p.293. 4 valeurs. Il me faut avouer tout d'abord que je n'ai pas eu moi-même l'idée de ce sujet; c'est M. Vax qui me l'a suggéré. Deux livres seulement concernent ce sujet directement: il s'agit du Monde des valeurs et de la Philosophie des valeurs. Mais on peut affirmer que la 'valeur' est un concept clé de la philosophie ruyérienne; on donnera deux exemples: les théories finalistes qui sont développées dans son livre Néo-finalisme, reposent sur le cogito axiologique de Lequier. Les Nourritures psychiques sont, 35 années plus tard, la reprise de l'idée que, la connaissance des valeurs se fait sous forme d'une nutrition (voire la conclusion du Monde des valeurs). Il est peut-être difficile pour le lecteur non averti de percevoir la pertinence d'un sujet comme celui-ci. Il faut savoir cependant qu'à l'époque à laquelle notre auteur écrit le Monde des valeurs, la philosophie des valeurs est en pleine effervescence. Aussi, il sera important de souligner la place marginale de Ruyer au sein du débat qui a lieu. 1/On commencera par définir le terme 'valeur': Dans son Vocabulaire critique, André Lalande distingure un sens abstrait et un sens concret de ce terme ainsi, on dira d'une chose d''une manière abstraite, qu'elle a une certaine valeur, ou, d'une manière concrète, que cette chose est une valeur. Cette première distinction établie, Lalande recense huit sens de ce terme; la plupart différant suivant le contenu. On se bornera à en citer deux: A/ "Subjectivement, la valeur est le caractère des choses consistant en ce qu'elles sont plus ou moins estimées ou désirées par un sujet ou, plus ordinairement, par un groupe de sujets déterminés." B/ "Objectivement et à titre catégorique, une valeur est le caractère des choses consistant en ce qu'elles méritent plus ou moins d'estime." Cette opposition entre objectif et subjectif est la source comme on le verra d'un grand débat métaphysique. Le mot 'valeur' s'applique à tous les domaines de la philosophie; et, comme le signale le professeur nancéien, dans l'introduction de son cours: "On ne sait pas, en ouvrant un livre sur la valeur, si l'on aura: 1, un traité de théologie (Lossky); 2, un traité de psychologie sur les tendances et les intérêts (R.B. Perry); 3, un traité de sociologie (Bouglé); 4, un traité d'économie politique (Fr. Perroux); 5, un traité de logique (Lalande); 6, un traité de morale (Scheler); 7, un traité de philosophie générale (R.Polin); 8, un traité de physique générale (Köhler)."2 A vrai dire, pour bien traiter ce sujet, il serait nécessaire de consulter tous ces auteurs. Malheureusement, je n'ai eu ni le temps, ni les moyens (certains de ces livres étant introuvables) de consulter toutes ces théories. 2/De même, on ne présentera qu'un court résumé de l'historique de la philosophie des valeurs que l'on empruntera à Jean paul Resweber3. Ce dernier fait naître la philosophie des 2Raymond Ruyer, la Philosophie de la valeur.; p.6. 3Resweber, Que sais-je: la Philosophie des valeurs. Ed. PUF. 5 valeurs, en tant que courant à part entière, dans la première moitié du vingtième siècle. Il constate que deux groupes s'opposent: les philosophes de la déconstruction (Niestzsche, Freud, Marx) et les philosophes de la restaurations (Scheler, Mounier, E.Dupréel, L.Lavelle et R.Le Senne). Mais les philosophes n'ont pas attendu le vingtième siècle pour parler de valeurs. Platon, lorsqu'il parle du Beau, du Bon et du Bien parle 'd'idéaux'; ces trois idéaux correspondent à ce que l'on appelle aujourd'hui valeur. A la suite de Platon, apparaît la 'vertu' des stoïciens; puis l'ordre social des augustiniens qui établit une hiérarchisation des valeurs, reprise par Pascal qui distingue entre l'ordre des corps, des esprits et de la charité. Resweber, qui se veut phénoménologue, affirme qu'une véritable philosophie de la valeur suppose une philosophie du sujet. Pour lui, "c'est la pensée de Kant qui définit les prolégomènes de la philosophie des valeurs", car après Kant, c'est vraiment le sujet qui donne un sens à ce qu'il fait et qui par conséquent établit son propre système de valeurs: "Ce n'est donc pas Dieu qui fonde les valeurs, ce sont les valeurs qui sont susceptibles de renvoyer à Dieu." Après Kant on assiste à un débat philosophique sur le statut des valeurs qui oppose les néo-kantiens aux philosophes qui dénoncent le 'travestissement idéologique de l'idée de valeur'. Il faut noter le rôle tout particulier qu'a joué Nietzsche en tant qu'instigateur du débat sur les valeurs (son renversement des valeurs platoniciennes et sa critique de l'utilitarisme). Notre phénoménologue remarque que sous l'influence des néo-kantiens du dix-neuvième siècle, trois courants de pensées se sont instaurés en France, fondés sur l'opposition kantienne entre la "raison théorique aboutissant à des suppositions d'existence et la raison pratique présupposant les valeurs"; le premier courant serait axé sur la notion platonicienne de participation (Lavelle), le second (Mounier et le Senne) parle d'engagement et de devoir-être, le troisième, dont l'un des principaux instigateurs est Max Scheler, considère l'intersubjectivité comme fondement des valeurs4. Après cette courte présentation, il est temps de passer à l'étude de Ruyer. Suivant la proposition que m'a faite le professeur Vax, je commencerai par faire une analyse du Monde des valeurs. 4Ibid.; p.13. 6 Commentaire du Monde des valeurs Monde des valeurs et monde des idées. (commentaire du titre de l'ouvrage) Il est impossible de ne pas rapprocher le Monde des valeurs du monde des idées de Platon. Il est évident que ce titre est une sorte d'hommage au philosophe des idées. Si peu que l'on connaisse les oeuvres du philosophe nancéien, on se rend compte que celui-ci a toujours eu le sens des titres 'accrocheurs', voire provocateurs (cette tendance se manifestera surtout à la fin de sa vie); on mentionnera à titre d'exemple: Néo-finalisme, Eloge de la société de consommation (écrit en 1969), les Nuisances idéologiques, les Nourritures psychiques et la Gnose de Princeton. Ce dernier étant le mieux trouvé, vu l'engouement qu'eut le public pour ce livre au titre intrigant, à l'aide duquel d'ailleurs, uploads/Philosophie/ memoire-axiologie-ruyer.pdf

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