les cahiers du cread N° 116 9 METHODE QUANTITATIVE VS METHODE QUALITATIVE ? : C
les cahiers du cread N° 116 9 METHODE QUANTITATIVE VS METHODE QUALITATIVE ? : CONTRIBUTION A UN DEBAT Kamel BOUCHERF* Résumé : Notre étude a pour objet l’analyse de la relation entre méthode quantitative et méthode qualitative. Elle interroge les fondements théoriques de chaque méthode dans le but d’atteindre les socles épistémologiques de chacune d’elles. Dans cette perspective, nous pr présentons un essai d’élucidation des soubassements sur lesquels sont érigés les présupposés d’une démarche de production des connaissances autour d’un objet défini dans les sciences sociales. Nous posons aussi la question de savoir si, parce que les deux méthodes représentent deux démarches différentes de production de discours scientifique sur la réalité, elles sont forcement dans un rapport concurrentiel voire conflictuel ou au contraire, la spécificité de chaque mode d’approche de la réalité sociale et la complexité de cette dernière exige d’elles qu’elles soient plutôt dans un ordre de complémentaires dans le sens oŭ la faiblesse de l’une se retrouve dans la force de l’autre et réciproquement. Mots Clés : Paradigme, Epistémologie, Méthode, Méthode quantitative, Méthode qualitative, Méthode mixte, Triangulation. Codes JEL : B41, C18, C42 Introduction : Dans la mesure où chaque phénomène social peut-être analysé conformément à la méthode d’analyse quantitative ou qualitative (Becker.H.S in De Singly.F 1992.23), il est utile de savoir quelle est la portée, sur le plan cognitif, des observations que nous effectuons, afin de tenter de savoir si parler du rapport de la méthode qualitative à la méthode quantitative signifie, nécessairement, mettre face-à-face deux horizons ou deux perspectives méthodologiques ou deux rationalités les cahiers du cread N° 116 10 méthodologiques (Groulx-Lionel.1997.3) différentes, car approches méthodologiques différentes signifie, implicitement, production de deux discours spécifiques révélateurs de deux manières particulières de représentation de la réalité. C’est à partir de là que prend naissance ou peut prendre racine la tendance à l’opposition entre ces deux méthodes d’analyse, que Marpsat.M qualifiait d’opposition rituelle (1999.1), et qui par conséquent évacue ou du moins laisserait peu de place à l’hypothèse de leur complémentarité. Cette question a donné lieu à de larges débats marquant des clivages importants parmi les spécialistes des questions méthodologiques relatives au domaine des sciences sociales de manière générale et de la discipline sociologique en particulier. (Blanchet.A & Gotman.A.1992, Marpsat.1999, Alain léger.1993). A cet effet, d’une part, la méthode qualitative après avoir été longtemps marginalisée et réduite à un carcan à tendance littéraire et contre-productive (Aubin.I. 2008.142) est entrain de retrouver, de nos jours, ses lettres de noblesse et ses dépeceurs. D’autre part c’est à travers la mise en évidence des limites de la méthode quantitative que l’approche qualitative connait un essor. L’apport de cette dernière est bien exprimé dans ce contexte par Leger. A qui confirme que sa fonction consistait « …à ajouter la chair frémissante du vécu autour du squelette froid de la statistique » (1999.5). De plus, les adeptes de l’analyse quantitative, pour qui la soumission des phénomènes sociaux à l’analyse statistique et à la mesure, sont à même d’assurer la rigueur requise dans le procédé d’administration de la preuve, et ce en conformité au paradigme positiviste conçu sur la base de la manière dont est acquise la connaissance scientifique dans le domaine des sciences naturelles. Comme pour montrer la prééminence de la méthode quantitative (Fekede.Tuli. 2010), ses défenseurs, n’hésitent pas à aligner leur "force", eux aussi, sur la faiblesse, selon lecture du critère de scientificité, de la méthode qualitative, qui en prenant en ligne de compte un nombre restreint de cas limite grandement l’envergure de validation du processus de construction de la connaissance scientifique en plus du fait de prendre comme objet les intersubjectivités des individus et des groupes. les cahiers du cread N° 116 11 C’est ainsi que tenter d’élucider ce qui peut différencier les deux méthodes, revient à les conceptualiser. Il est évident que l’interrogation s’articule autour d’un dénominateur commun : le concept de méthode, qui réfère à la démarche rationnelle et logique d’administration de la preuve sur la base de procédés connus et reconnus dans la production de la connaissance scientifique. Ceci dit, en posant le problème en ces termes entre méthode quantitative et méthode qualitative, nous visons à comprendre si nous traitons de deux visions différentes du monde social ou simplement de deux techniques spécifiques ? S’interroger sur la méthode représente souvent chez des chercheurs de différents horizons (Groulx.Lionel.H, Aubin. I : médecine, Aktouf.O : sciences sociales,…) un aboutissement incontournable quand il s’agit de faire admettre (par la preuve) les résultats de leurs investigations. Pour notre part, notre questionnement initial nous convie à emprunter les termes de la méthode comparative. Cette dernière est opérée au moyen d’une grille de lecture que procure la posture théorique comme soubassement au processus analytique dans son ensemble. A la source, une différence de paradigme de référence : L’approche de la réalité sociale au moyen d’instruments méthodologiques d’administration de la preuve ne peut se faire en dehors de postulats théoriques basiques, sur la base desquels est érigée la représentation de l’entité sociale, du comportement des individus et du fait social en général. Ainsi Angers déclare que « Sur un plan très général et abstrait, la méthode rejoint une position philosophique sur la conception du monde qui nous entoure » (1997. 58). Nous comprenons alors pourquoi les différentes méthodes de recherche, en l’occurrence la méthode quantitative et la méthode qualitative produisent des discours différents sur "la même réalité". A priori, l’explication peut provenir du fait que chaque méthode procède à la sélection d’un type d’observation qui lui est bien propre. Or, il devient nettement plus pertinent de tenter de savoir sur quelle base se fonde la logique de sélection des observations faites. les cahiers du cread N° 116 12 Chaque méthode d’analyse possède son encastrement épistémologique qui lui procure pertinence et validité dans le domaine de la production de la connaissance scientifique. A cet effet, notre approche théorique s’inspire largement de la conception de Kuhn.T du paradigme scientifique (1983. 44.77), qui réunit les principes philosophiques, les règles et les méthodes qui unissent les membres d’une communauté scientifique. Conséquemment, c’est essentiellement la centralité du pole épistémologique qui est mise en exergue au moyen d’une conceptualisation de la méthode. Une question essentielle qui intrigue encore les chercheurs dans les domaines de l’épistémologie et de la méthodologie des sciences sociales. A cet effet, Groulx.L.H (1997) et Fekedé.T (2010) font référence aux travaux de Guba.E et Lincoln.Y qui, en1989 aux Etats-Unis furent parmi les premiers chercheurs, selon la tradition Kuhnienne, à poser l’hypothèse de l’irréductible séparation entre la méthode quantitative et la méthode qualitative, en estimant que chacune d’elles se réfère à un paradigme diamétralement opposé à l’autre et ce conformément à trois niveaux de lecture complémentaires : le niveau ontologique, le niveau épistémologique et le niveau méthodologique. La qualité de l’argumentation mérite qu’on s’y attarde un peu. a. Le niveau ontologique ou la relation individu / société : En sociologie l’étude des phénomènes est largement dépendante de la conception de la nature de l’être lui-même et dans son rapport à la société. La question tend à diviser les social scientists adeptes du déterminisme qui estiment que la réalité sociale est indépendante de la volonté des individus et les constructivistes, qui estiment que la réalité est le résultat de processus sociaux complexes dont il s’agit de saisir le sens. Pour l’attitude positiviste, à la base de la méthode quantitative, le principe ontologique se vérifie par le fait que le monde social a une existence indépendante des hommes. Il obéit par conséquent à des lois dont il revient à la recherche d’en faire la découverte. les cahiers du cread N° 116 13 La systématisation de ce qui peut être qualifié de connaissance scientifique est bâtie sur le principe majeur de reproductibilité des faits. Contrairement à cette conception qui tient ses origines des sciences naturelles, pour les interprétivistes, la réalité est socialement construite et de ce fait les acteurs y jouent un rôle essentiel. Ils sont les constructeurs de la connaissance. La mise en évidence du rôle des acteurs dans la production de la connaissance apparait clairement dans l’approche qu’empruntent les disciplines à caractère qualitatif en l’occurrence la phénoménologie, l’inter actionnalisme symbolique, l’ethnométhodologie, l’individualisme méthodologique…L’objectif dans ces travaux de description des réalités sociales est d’accéder à la compréhension des systèmes de valeurs, de croyance et de culture qui forment la base des comportements, des formes d’action et de pensée des hommes en société. Tant que l’action de recherche s’articule autour de l’intelligibilité des significations et des sens que donnent les acteurs à leurs actes, ces derniers ne peuvent être réduits à des attributs quantifiables et mesurables. Le niveau épistémologique ou le critère de scientificité : Pour les quantitativistes, les comportements humains peuvent être analysés conformément à la découverte des lois. Une posture épistémologique empruntée au domaine de la pratique de la recherche dans les sciences naturelles. Dans le cours de cette conception, les faits sociaux existent en-dehors de la volonté des individus. Les faits sociaux doivent être analysés comme des choses, car ils jouissent d’une existence objective. C’est là l’essentiel de la posture uploads/Philosophie/ methode-quantitative-vs-methode-qualitative-contribution-a-un-debat 1 .pdf
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- Publié le Aoû 07, 2021
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