Rav Elie LELLOUCHE LE DEUIL D’ESPOIR DE YA’ACOV Article et contenu réalisés par

Rav Elie LELLOUCHE LE DEUIL D’ESPOIR DE YA’ACOV Article et contenu réalisés par TORAT HAIM VECHALOM - 35, rue Emile Lepeu 75011 PARIS - 01.44.93.51.50 Association reconnue d’utilité générale habilitée à recevoir les DONS et les LEGS. Directeur : Rav Elie LELLOUCHE d"cb Le deuil qu’observa Ya’acov, après avoir appris la disparition de son fils Yossef, n’a pas obéit aux principes Hala’khiques du deuil tel que le Choul’han ‘ Arou’kh les expose, et ce à deux titres. La Torah nous relate que, reconnaissant la tunique de son fils maculée de sang, Ya’acov Avinou déclara: «´Haya Ra’a A’khalatou Tarof Toraf Yossef»; «Une bête sauvage l’a dévoré, Yossef a été déchiqueté» (Béréchit 37,33). Ce faisant, poursuit le texte sacré, le troisième des Avot déchira ses vêtements puis se mit un cilice sur les reins, prenant, ainsi, le deuil pour son fils durant de longues années; vingt-deux ans selon nos Sages. Réaction surprenante ! Quelque soit la douleur du père des Chévatim, comment celui-ci s’est-il autorisé à prendre le deuil alors que la mort de son fils n’était pas réellement avérée. En effet, selon la Hala’kha, le deuil ne peut être observé en un pareil cas. Plus encore, de quel droit Ya’acov a-t-il pu porter, tant d’années, le deuil de son fils ? Là aussi de nouveau, la Hala’kha stipule qu’il est interdit de s’affliger au-delà de ce que la loi prévoit. Un deuil prolongé au-delà du temps prescrit par nos maîtres est assimilé par ceux-ci, à une forme de remise en cause des décisions divines. Certes, Rachi, commentant le verset: «Tous ses fils et toutes ses filles se levèrent afin de le consoler mais il refusa toute consolation» (Béréchit 37,35), fournit une explication justifiant la réaction de Yaacov relativement à ce refus d’accepter toute consolation. Mais, sa réponse n’aplanit pas, pour autant, les questions liées au deuil interminable que s’imposa l’élu des Avot. Ainsi, citant le Midrach (Béréchit Rabba 78,16), le premier de nos commentateurs rapporte qu’un homme ne peut accepter de consolation quant à la perte supposée d’un proche, alors même que ce dernier est, en réalité, encore en vie. En effet, poursuit Rachi, le souvenir d’un proche disparu ne s’estompe, au fil du temps, que dans la mesure où celui-ci est réellement mort. Car la distance mentale qui s’opère entre les vivants et leurs proches décédés n’est rien d’autre que la conséquence d’un décret émanant de la miséricorde divine. Or ce décret ne s’applique pas aux vivants que l’on croit morts. Si cette explication rend compte de la dimension inconsolable que revêtait, pour Yaacov, la perte de son fils, elle ne justifie pas, pour autant, l’attitude de l’élu des Avot en termes de Hala’kha. En résumé, que recherchait le père de Yossef à travers ce deuil? Le deuil, en général, n’a pas pour la Torah valeur de rupture. Si nos Sages affirment qu’un décret divin entérine l’oubli, par les vivants, de leurs proches disparus, cet oubli n’est qu’un oubli du cœur. «Ché’al HaMeth Nigzéra Guézéra ChéYchtakéa’h Min HaLev»; «c’est aux morts que s’applique le décret divin ôtant leur souvenir du cœur», précisent nos maîtres. Or le cœur fait référence à la dimension existentielle des relations humaines. Le défunt est oublié du cœur mais son souvenir ne quitte pas l’âme. Cette nuance n’est pas anodine. Elle permet de poser un autre regard sur le deuil. Celui-ci ne consiste pas, pour le judaïsme, en un travail de séparation. Il relève, exclusivement, d’un processus de reconsidération d’une relation, processus permettant à l’endeuillé de s’ouvrir à une perception différente, d’essence spirituelle, du lien qui le rattache à ses proches. Aussi, à l’instar de cette dimension portée par le deuil, Ya’acov Avinou, par son propre deuil, s’est employé à hisser le lien, avec son fils disparu, à un niveau dépassant les contingences matérielles. La mort de Yossef n’était pas une réalité établie. C’est pourquoi le deuil de son père répondait, paradoxalement, à un défi de vie. Comme le développe le Nétivot Chalom, il était impérieux pour Ya’acov de maintenir le lien spirituel qui le rattachait à son fils. Car c’est ce lien, qui allait donner au futur vice-roi d’Égypte la force de maintenir sa foi et ses valeurs, au sein de la civilisation corrompue qu’était le pays des Pharaons. C’est en ce sens qu’il faut comprendre l’apparition, dont fut témoin Yossef, de l’image son père, lorsqu’il fut confronté à l’épreuve que lui fit subir la femme de son maître égyptien Poutiphar. En effet, cette apparition résulta, directement, du refus de Ya’acov de s’installer dans la résignation, incertain, d’une part, qu’était l’élu des Avot, quant au sort de son fils relativement à son existence physique et, en même temps, soucieux, d’autre part, de le savoir préserver quant à son réalité spirituelle. Autrement dit, le refus de Yaacov de céder au désespoir; «VaYéamen Yaacov LéHitna’hem» (Bérechit 37,35), contribua de façon déterminante au refus de Yossef; «VaYéamen» (Béréchit 39,8), face aux avances de la femme de Poutiphar. Ainsi, loin de traduire une abdication tragique de Yaacov et son renoncement à conduire le projet divin, le deuil du Bé’hir HaAvot en incarna, tout au contraire, la pérennité dans l’épreuve. V AYECHEV Samedi 21 DÉCEMBRE 2019 23 KISLEV 5780 entrée chabbat : 16h37 sortie chabbat : 17h51 01 Le deuil d’espoir de Ya’acov Elie LELLOUCHE 02 Naissance du complot des frères de Yossef Raphaël ATTIAS 03 A l’épreuve de la foi Yo’hanan NATANSON 04 Torah et philosophie Yo’hanan GEIGER MA Y AN HAIM edition La Paracha Vayechev, que nous lirons ce Shabbat, nous relate les rêves que fi t Yossef et les réactions de jalousie et de haine suscitées chez ses frères. Ceux-ci se rendent à Chek’hem pour s’occuper des troupeaux de leur père Ya’akov. La Torah nous dit : « Un jour ses frères étaient allés conduire les troupeaux de leur père à Chekhem : » (Béréchit XXXVII, 12) - Rachi (1040-1105) commente ainsi « Faire paître le troupeau (ét hatson) » : Chacune des lettres du mot « ét » (préposition qui introduit le complément direct) est surmontée d’un point, comme pour marquer qu’ils n’y allaient que pour se « repaître » eux-mêmes (Béréchit Raba 84,13) - Le Pirké Avot de Rabbi Nathan (chap. XXXIV) explique ainsi le verset : « Et ses frères sont allés faire paître le troupeau de leur père », le mot « ét » est surmonté de points, ce qui nous apprend qu’ils ne sont pas allés faire paître le troupeau mais qu’ils sont allés manger et boire et se laisser entraîner Le commentaire de Rachi, se fondant sur le Midrach, ainsi que l’enseignement du Avot de Rabbi Nathan nous interpellent. Comment peut-on penser que les Chévatim, qui étaient tous des tsadikim (justes), se sont rendus à Chekhem pour se « repaître » ? - Rabbi Eliahou Mizrahi (1450- 1525) explique Rachi, à partir de l’enseignement suivant : Rabbi Chim’on ben Ele’azar dit : « Lorsqu’il y a plus de texte que de points, le commentaire doit porter sur le texte (c.à.d. qu’il faut faire comme si les lettres surmontées d’un point n’existaient pas). Lorsqu’il y a plus de points que de texte, le commentaire doit porter sur les points (c.à.d. qu’il ne faut pas tenir compte des lettres non surmontées d’un point). Dans notre verset, les deux lettres du mot « ét » étant ponctuées, on doit faire comme si ce mot n’existait pas. Il en résulte que le mot « troupeau » n’est pas le complément d’objet direct du verbe « faire paître ». Il faut donc comprendre le verset ainsi : « Ses frères sont allés se repaître et le troupeau de leur père se trouvait à Chekhem ». Il ajoute qu’il ne faut pas comprendre « lir’ot » (se repaître) comme voulant dire « manger et boire » mais plutôt comme « se concerter » sur la manière de se comporter envers leur frère Yossef. C’est d’ailleurs, ce que le verset suivant semble indiquer : L’homme dit : « Ils sont partis d’ici, car je les ai entendus dire : Allons à Dotan »… (Béréchit XXXVII, 17). Rachi explique : Allons à Dotan – Pour chercher des artifi ces dans l’arsenal des lois (dat) afi n de te faire mourir. - Le Maharal de Prague (1520- 1609), dans son ouvrage « Gour Aryé », remarque que la préposition « ét » introduit un complément d’objet direct. Comme le mot « et » est surmonté de points, on en déduit qu’ils ne faisaient pas paître le troupeau mais qu’en réalité ils étaient allés se repaître. Il ajoute ensuite que le verset vient nous apprendre que les frères de Yossef n’ont été entraînés çà fauter que par le fait d’être allés manger et boire. En eff et, quand un homme est tenté par cela, son mauvais penchant fi nit par le mener à la faute. - Rabbi Mordekhaï Yaff é (1530- 1612), dans son ouvrage « Lévouch Haora », souligne que le verset nous fait savoir qu’ils sont allés manger et boire pour dissiper leur grande peine et leur jalousie à uploads/Philosophie/ mh-vayechev-5780.pdf

  • 29
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager