Solène Milaret Épicure et la liberté : En quoi l'épicurisme est il fondamentale

Solène Milaret Épicure et la liberté : En quoi l'épicurisme est il fondamentalement une philosophie de la liberté ? Mémoire de Master 1« Sciences humaines et sociales » Mention : Philosophie Spécialité : Histoire de la philosophie et philosophies du langage sous la direction de M. Michel FATTAL Année universitaire 2011-2012 Solène Milaret Épicure et la liberté : En quoi l'épicurisme est il fondamentalement une philosophie de la liberté ? Mémoire de Master 1 « Sciences humaines et sociales » Mention : Philosophie Spécialité :Histoire de la philosophie et philosophies du langage Sous la direction de M. Michel FATTAL Année universitaire 2011-2012 Remerciements Je tiens à remercier toutes les personnes qui m'ont encouragé dans mes études, qui ont soutenu mes choix, que cela soit dans le domaine universitaire ou dans ma vie personnelle. Je dédie cette étude à Mme Monique Jouyaux, pour la fierté et la confiance qu'elle m'a donné. « Le fruit le plus important de la suffisance à soi est la liberté » Sentence Vaticane 77. Introduction Si il est des philosophes qui ont été particulièrement critiqués, Épicure peut assurément en faire partie. Souvent moqué d'homme à femmes, d'ignorant en matière de science et d'hédoniste grossier, le fondateur de l'école du Jardin souffre encore aujourd'hui d'une mauvaise réputation. Mais qui était il ? Selon les témoignages1, il serait né sur l’île de Samos en – 341 avant J-C, et serait mort en – 270. Il aurait rejoint Athènes à dix huit ans pour y faire son service militaire , puis , à l'age de 35 ans, y serait retourné pour fonder son école. Bien qu’Épicure se prétendait autodidacte, son père, Néoclès, aurait enseigné la grammaire, aussi voici ce que nous rapporte Diogéne Laërce : « Hermippe déclare qu'il fut d'abord maître de grammaire, et qu'il s'adonna à la philosophie pour avoir lu les livres de Démocrite » 2 . Néanmoins, la tradition nous dit également qu'à la fin de son service militaire, il aurait suivi les enseignements de Nausiphane, et aurait fondé, à Mytilène, une première école de philosophie. Suite à l'hostilité à laquelle il doit faire face, il retourne alors à Athènes pour y fonder définitivement l'école du Jardin, comme on appelle encore aujourd'hui l'école de l'épicurisme. Avant même sa philosophie, c'est la figure même d’Épicure que l'on critique. Il est vrai qu'il s'est posé comme un véritable maître à penser de son école, exigeant dans son testament même que ses successeurs célèbrent la jour de sa naissance. C'est d'ailleurs la présentation que nous en fait Jean Salem3. Il nous explique notamment que les disciples d’Épicure lui accordaient un statut presque divin. Il nous rapporte cet extrait de Cicéron : « Le maître, ils l'adorent comme un Dieu, car, disent ils, ils sont affranchis grâce à lui de tyrans insupportables : un effroi (terror) qui s'étend à l'éternité, une peur (métus), qui occupe les jours et les nuits »4. Ainsi, auprès de ses disciples, Épicure fait figure de véritable sauveur. Il vient les délivrer de l'enfer dans lequel ils étaient enfermés. Dans la suite de son ouvrage, Salem établit d'ailleurs un lien entre la position d’Épicure et la représentation du médecin. En plus du renvoi évident au tétrapharmakon (quadruple remède) proposé par Épicure lui même ; c'est conformément à une certaine tradition du sage antique qu'un tel parallèle est possible. Démocrite et Platon ont par exemple contribué 1 DIOGENE LAERCE , Vie, doctrines et sentences des philosophes illustres, trad. Fr. R. Genaille, Paris, GF, 1997, Livre X 2 Id. 3 SALEM, Jean, Tel un Dieu parmi les hommes. L’éthique d’Épicure (1989), Paris, Vrin, 1994 4 CICERON, Tusculanes , Livre I, XXI, 48 4 à la définition des troubles de l'âme comme maladie qu'il convient de soigner par la philosophie. C'est d'ailleurs dans « le Timée » , selon Salem, que Platon définit la maladie de l’âme comme une démence, divisée en deux sortes : la manie et l'ignorance. On ne peut d'ailleurs pas s’empêcher de remarquer qu'en grec, le mot « pathos » signifie à la fois « maladie », « passion » et « affection pathologique ». Cicéron ajoutera la chose suivante : « la philosophie est une médecine de l'âme, elle en est même le sédatif »5. Aussi, le parallèle entre Épicure et le médecin n'est pas en soi choquant, puisqu'il répond à une tradition bien installée. Mais le problème que le philosophe du Jardin posait à ses contemporains et à ses commentateurs, ne peut pas se résoudre à la figure qu'il représentait, il relève aussi de la nature de ses « remèdes ». Salem nous rapporte à ce propos les dires de Sénèque, selon lequel les remèdes du Jardin sont certes « agréables et doux » mais que l’efficacité du traitement en est d'autant plus corrompue. Porphyre attribue à Épicure les dires suivants : « De même, en effet, que la médecine est sans utilité si elle ne guérit pas les maladies corporelles, de même la philosophie l'est aussi quand elle ne bannit pas la passion de l'âme ». Les critiques à l'encontre d’Épicure ne sont donc pas fondamentalement basées sur le but proposé par sa philosophie, la santé de l'âme, mais sur la manière dont il cherche à l'atteindre. On lui reproche un trop grand excès dans la recherche du plaisir, un trop grand excès dans la vision que ses disciples ont de lui. Cet effet à par ailleurs été accentué par l’œuvre de Lucrèce6, qui selon certains commentateurs, fait preuve de trop de zèle. Or nous verrons que suite à une lecture attentive des livres d’Épicure, et des témoignages de ces disciples ( dont Lucrèce fait parti ), on ne peut plus taxer rationnellement l'épicurisme d’excès. Bien au contraire, le principe même de cette philosophie réside dans le contrôle de soi, et notamment dans celui de nos désirs. Un des problèmes que nous rencontrons aujourd'hui est celui de la rareté des œuvres d’Épicure. Bien que Diogéne Laerce lui attribue un grand nombre de lettres, de traités et de livres, d’Épicure lui même nous n'avons que trop peu d'ouvrages : les trois lettres : Lettre à Hérodote, Lettre à Pythoclés, Lettre à Ménécée, ainsi que les Maximes Capitales et les Sentences Vaticanes7. De ce fait même, nous ne pouvons pas ne pas prendre en compte toutes les occurrences des commentateurs, tels Diogéne Laerce, 5 CICERON, Tusculanes, Livre IV, XXIX, 62 : « contient autel omnium exondations animai humant in circonspecte posta datura » 6 LUCRECE, De rectum datura , trad. fr. J. Kany-Turpin, Paris, GF, 1998 7 Pour toutes les œuvres d’Épicure lui même nous ferrons référence dans toute cette étude à l'ouvrage «Épicure, Lettres, maximes, sentences »(1994), traduction, introduction et commentaires de Jean-François BALAUDE, Paris, Le Livre de Poche, 2008 5 Lucrèce ou encore Cicéron, qui, selon toute vraisemblances, avaient quant à eux un meilleur catalogue que le notre. Mais qu'est ce exactement que cette philosophie épicurienne tant décriée ? Pour dire les choses grossièrement, il s'agit de se libérer de nos peurs, comme celle de mourir par exemple, par le biais de la philosophie et de la connaissance, pour atteindre l'ataraxie (ce qui signifie en grec « absence de troubles »). Comme toutes les philosophies grecques antiques, il s'agit d'amener l'homme à la sagesse. Le chemin que nous propose Épicure est constitué de deux axes fondamentaux : la connaissance de ce qui nous entoure et la connaissance de ce qui est bon pour nous. Comme nous le verrons dans le premier moment de notre étude, pour le philosophe du Jardin, ce sont nos peurs qui nous empêchent d'être sage et heureux, il convient donc de nous guérir de nos peurs pour atteindre l'ataraxie. C'est la philosophie que va nous le permettre. Mais il ne s'agit pas d'une simple guérison, il est aussi question d'une libération. En effet, qu'il s'agisse de ses positions en matière de physique ou de celles qu'il tient en matière d'éthique, Épicure nous propose de nous libérer de tout ce qui nous empêche d'être heureux. Or, pour lui, ce qui nous empêche d'atteindre cette ataraxie tant désirée et si souhaitable, ce sont les peurs qu'engendrent en nous les opinions fausses. Comme nous le verrons dans les différentes parties de notre étude, il convient dés lors d’acquérir les connaissances qui vont nous mener à l'ataraxie. Ce qui engendre un statut de la connaissance très particulier, puisque cette dernière n'est pas à rechercher pour elle même, comme pouvait le faire Démocrite, mais bien pour sa fin : l'ataraxie. Puisque ce qui nous empêche d'être sages, ce sont les prétendues connaissances que nous avons à propos des sensations et des phénomènes physiques, il convient dés lors de s'attacher à celles qui nous permettent d'annihiler le trouble en nous. Contrairement à une conception moderne de la notion de liberté, il ne faut pas attacher à celle ci chez Épicure une connotation politique. Il ne s'agit pas de fonder sa liberté envers un groupe, une cité ou un État, ou encore de justifier sa position sociale. Bien au contraire, la liberté épicurienne est uploads/Philosophie/ milaret-solene-epicure-et-la-liberte-en-quoi-l-x27-epicurisme-est-il-fondamentalement-une-philosophie-de-la-liberte.pdf

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