Guy Delaporte Physiques d’Aristote Commentaire de Thomas d’Aquin Tome1 Commenta

Guy Delaporte Physiques d’Aristote Commentaire de Thomas d’Aquin Tome1 Commentaires philosophiques PHYSIQUES D’ARISTOTE Commentaire de Thomas d’Aquin Traduction de Guy-François Delaporte DU MÊME AUTEUR Aux éditions L’Harmattan : - Lecture du commentaire de Thomas d’Aquin sur le Traité de l’Âme d’Aristote – 1999 - Lecture du commentaire de Thomas d’Aquin sur le Traité de la Démonstration d’Aristote – 2005 Autre éditeur : - Saint Thomas pour l’an 2000 – Éd. Résiac – Montsûrs 1997 Sur internet : - Grand Portail Thomas d’Aquin www.thomas-d-aquin.com © L’Harmattan 2008 Guy-François Delaporte PHYSIQUES D’ARISTOTE Commentaire de Thomas d’Aquin Tome I – Livres I à IV L’HARMATTAN GUIDE DE LECTURE « Sapientis est ordinare ! » (Commentaire des Métaphysiques, Introduction)1. Le propre du sage est d’ordonner. Chez Aristote et Thomas d’Aquin, l’ordre est la première clef de compréhension en toutes choses. Pour méditer en profondeur sur le traité des Physiques, il faut pouvoir d’abord en dégager l’organisation. Par les Météorologiques, nous savons de la bouche même d’Aristote, la place des Physiques dans l’ensemble de son projet scientifique : la première chronologiquement (sans que cela lui confère a priori quelque dignité prééminente). Mais qu’en est-il de la structure intrinsèque des huit livres qui constituent ce que nous appelons Leçons sur la Nature ou encore Physiques ? I- LA PROBLÉMATIQUE I- Exégèse d’Aristote Les exégètes d’Aristote, anciens et contemporains La réponse n’est, semble-t-il, pas si aisée à formuler. Certains anciens y ont vu plusieurs livres indépendants, tardivement accolés par Andronicos de Rhodes. D’autres, comme Porphyre, ont divisé l’ouvrage en deux parties égales : les quatre premiers livres puis les quatre derniers. D’autres encore, avec Simplicius, ont voulu marquer une séparation à la fin du livre V et associer les livres VI, VII et VIII. A beaucoup, le statut du livre I et celui du livre VII semblent singuliers. Il est vrai qu’Aristote conclut le I en proposant en quelque sorte de tout reprendre à zéro, et que la doctrine du VII est assez décousue (d’autant qu’il en existe deux versions) et ressemble souvent à un brouillon du VIII. Un certain consensus se dégage néanmoins pour associer les livres I et II sur le thème des “principes” ou de la “nature”, ainsi que les VII et VIII sur le sujet du “premier moteur”. On reconnaît aussi volontiers que plusieurs parmi les quatre livres intermédiaires pourraient se réunir sous la bannière du “mouvement”. Nous retrouvons aujourd’hui, exactement inchangée, la variété de ces points de vue, parmi les récents exégètes d’Aristote (pour ce que nous en connaissons). Carteron, traducteur d’Aristote en français aux éditions Les Belles Lettres, regroupe les livres I et II, III et IV, V et VI ainsi que VII et VIII. Il semble aussi admettre une césure plus essentielle entre les quatre premiers et les quatre derniers livres. Pour lui 1 Dans ce guide de lecture, les références des citations sont données de la façon suivante : lorsque l’ouvrage n’est pas mentionné, il s’agit des Physiques, sinon, le titre est précisé. Lorsque sont donnés la leçon et le n°, il s’agit du commentaire de Thomas d’Aquin. Lorsque c’est le chapitre et/ou la numérotation Bekker, il s’agit de l’œuvre d’Aristote. COMMENTAIRE DES HUIT LIVRES DES PHYSIQUES D’ARISTOTE 8 encore, le livre VII serait postérieur au livre VIII et tendrait avec les livres V et VI à préparer le VIII. David Ross, traducteur anglophone des Physiques et spécialiste reconnu d’Aristote, distingue les livres I et II, dont l’objet porterait sur la nature, des livres III à VIII qui auraient trait au mouvement. Notamment, les livres III à VI traitent du mouvement, du continu, de l’infini, du lieu, du vide et du temps, VIII du premier moteur. Ross ne parle pas du VII, du moins pas dans son Aristote. Ailleurs, il évoque également une coupure entre les quatre premiers et les quatre derniers livres. Jacques Brunschwig, éminent aristotélicien, divise également la physique en deux : les Livres I à IV traitent, selon lui, des principes, les livres V à VIII du mouvement. Lui aussi, cependant, reconnaît un lien entre les livres I et II et entre VII et VIII. Tout dernièrement, Pierre Pellegrin, nouveau spécialiste d’Aristote et son traducteur aux Editions Garnier de poche, revendique l’analyse de Simplicius. Il associe les livres I à V sous le titre de “définition du mouvement”, en reconnaissant à l’intérieur une certaine distinction entre I et II d’une part et III à V d’autre part. Il joint ensuite VI à VIII, en considérant dans le livre VI le véritable début de la cinématique d’Aristote. Notons toutefois ce point d’importance : quasiment tout le monde – anciens et modernes – s’accorde à reconnaître une très forte cohérence de composition des Physiques, supérieure à bien d’autres ouvrages d’Aristote, et notamment aux Métaphysiques. La réponse de Thomas d’Aquin et notre propre thèse Ce n’est pas Aristote qui nous intéresse ici au premier chef. L’objet de l’étude est bien la pensée de Thomas d’Aquin. Il se trouve (mais ce n’est pas sans raison) qu’elle s’exprime à propos d’un ouvrage du Philosophe2 ; pourtant, c’est bien l’œuvre et l’intelligence du maître moyenâgeux qui est notre centre de considération. Nous n’entrerons donc pas dans les discussions sans doute nécessaires sur la fidélité du disciple envers le maître. C’est à “l’Aristote de Thomas d’Aquin” que nous nous arrêterons, car c’est lui qui exprime la pensée philosophique de l’Aquinate, et c’est à cette pensée, et non à celle d’Aristote lui- même, que nous voulons nous consacrer, parce qu’elle a (selon l’intention même de l’auteur), quelque chose à nous dire de la vérité contemplée. Notre propos n’est ni philologique, ni technique, ni historique, il se veut philosophique. « L’étude de la philosophie ne consiste pas à savoir ce qu’ont pensé les hommes, mais bien à découvrir la vérité des choses » (Commentaire du Traité du Ciel, L I, l 22, n° 228). Saint Thomas, relève, dans les Physiques, une première césure entre les deux premiers livres et les six suivants, puis une coupure presque aussi essentielle entre les livres III à VI d’un côté, et les VII et VIII de l’autre. De façon surprenante, cette 2 Surnom traditionnel d’Aristote. GUIDE DE LECTURE 9 vision semble (délibérément ?3) négligée de la plupart des aristotéliciens actuels. Carteron la rappelle toutefois, pour la qualifier d’excessive rigueur. Elle s’insère pourtant parfaitement dans le fil des observations des commentateurs que nous avons relevées il y a un instant. Pour nous, nous voudrions nous appuyer sur cette articulation pour avancer notre thèse, qui est la suivante : l’ordre qui préside au déroulement des huit livres des Physiques est encore plus construit qu’on ne le conçoit habituellement. Tout l’ouvrage est étroitement structuré autour d’un syllogisme démonstratif “du fait de”4, c'est-à-dire remontant de l’effet à la cause. Ce syllogisme se formule ainsi : Tout être sujet de mouvement est mû par un être immobile. Or tout être naturel est un être sujet de mouvement. Donc tout être naturel est mû par un être immobile. Une telle démarche est pleinement illustrative du principe épistémologique qu’Aristote livre au début de sa métaphysique : « La connaissance des causes d’un genre de réalités est la fin vers laquelle tend la considération de la science » (Commentaire des Métaphysiques, L I, l 1). Aux livres I et II, Aristote traite de l’être naturel et de la nature, il aborde ensuite le mouvement aux livres III à VI, puis achève sur la nécessité et la nature de l’être immobile pour rendre compte du mouvement, aux livres VII et VIII, ayant ainsi visité les trois termes de notre syllogisme. Qu’on n’attende donc pas de nous une explication des grandes questions soulevées par le traité : la finalité dans la nature, la métaphysique du temps, l’infini en acte, etc. Tel n’est pas notre but. Nous avons seulement l’intention de dégager les mécanismes essentiels qui conduisent à cette argumentation, qui est certainement la clé d’explication de tout l’ouvrage. D’entrée de jeu, cependant, une objection s’élève. Le déroulement des huit livres ne respecte pas du tout l’agencement de cette argumentation, puisqu’elle commencerait par le sujet de la mineure (l’être naturel), pour poursuivre sur le 3 Pierre-Marie Morel réussit l’exploit de publier un ouvrage sur Aristote (Aristote, Garnier Flammarion poche, 2003) sans mentionner une seule fois le nom de Thomas d’Aquin ! Ni dans le corps du texte, ni dans le chapitre consacré aux commentateurs d’Aristote, ni dans l’abondante bibliographie annexée. Nous ne pouvons penser qu’il s’agisse, chez un spécialiste, maître de conférence de la Sorbonne, de la conséquence d’une ignorance crasse. 4 Voir notre ouvrage : Lecture du commentaire de Thomas d’Aquin sur le Traité de la Démonstration d’Aristote. L’Harmattan, 2005. COMMENTAIRE DES HUIT LIVRES DES PHYSIQUES D’ARISTOTE 10 moyen terme (l’être sujet de mouvement) et terminer avec le prédicat de la majeure (l’être immobile), contre toute rectitude logique. Donnons maintenant la réponse, pour la développer ensuite : l’ordre des Leçons sur la Nature est pédagogique et non doctrinal (d’où cette appellation de “leçons”). II- Physique et métaphysique Par où commencer ? Nous connaissons l’insistance d’Aristote et de Thomas d’Aquin uploads/Philosophie/ comment-physiques.pdf

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