MYTHOLOGIES AFRICAINES ET POUVOIR DES ORIGINES Résumé Des formes de rationalité
MYTHOLOGIES AFRICAINES ET POUVOIR DES ORIGINES Résumé Des formes de rationalité recouvrent la reconstruction temporelle, essence de la mythologie. Le procédé d’assignation d’une pureté à l’origine qu’affectionne la mythologie obéit à des significations complexes dues à la richesse de l’idée même d’origine. La raison cherche l'origine parce que l'origine élaborée par les mythes est quelquefois considérée comme un commencement explicatif et justificatif ; c'est à la fois un principe et un fondement. Ce que la raison cherche dans l'origine, c'est la raison d'être qui justifie ce dont elle cherche l'origine. Mots clés : Commencement, mythologie, origine, raison, herméneutique INTRODUCTION Les mythes sont en général considérés comme des manières de dire quelque chose sur l’origine, selon des procédés fabuleux, merveilleux. Certaines fois, ils sont vus comme l’enfance des manières de dire le monde, une sorte d’enfance de la raison ; d’autres fois, ils sont perçus comme parole allégorique cachant des vérités profondes que seuls des initiés sont capables d’interpréter. Dans les deux cas, l’origine est ce vers quoi se tourne la mythologie. Quel est ce pouvoir que l’origine exerce sur les cultures ? Avec la mythologie nous comprenons qu’aucune société, qu’aucun être humain n’échappe à cette loi de recherche de l’originel. L’ontologie de cette quête originaire ne s’exprime-t-elle pas dans l’idée que, en remontant le temps historique de la dispersion et de l’usure, l’homme espère trouver la pureté primitive normative? Cette idée transcendantale n’est-elle pas le propre de l’homme et le commencement d’une traversée de l’existence pensée comme chute dans le temporel ou comme rupture de liens originels ? N’est-ce pas à partir de la mise en conformité du discours mythique avec des réalités objectives que l’idéologique fait son apparition dans la recherche de sens ? Voyons, à partir d’une généalogie du discours mythique, comment l’origine devient à la fois mythique et rationnelle ; comment cet acheminement vers l’origine est un processus d’élaboration d’une conscience de soi dans un univers de signification ouvert. I) LE REJET ORIGINEL DES MYTHES Les mythes n’ont pas toujours été considérés dans leur caractère positif actuel. Plusieurs conceptions ont été élaborées à leur propos. Celles-ci ont varié en fonction de critères gnoséologiques ou anthropologiques. Ils furent d’abord pensés comme « une tentative d’explication des réalités par des ‘’sauvages qui ne distinguent pas clairement le réel de l’imaginaire.1 » Ensuite, on y discerna « le résultat d’une sorte de maladie infantile du langage qui ferait des objets inanimés les sujets de verbes destinés à définir les actes des vivants. 2» En sommes, ces conceptions les regardèrent avec condescendance comme relevant d’une enfance du savoir, premières tentatives d’exercer la raison, l’imagination ou la mémoire. Ils furent également l’objet de rejet à cause du principe de la double vérité. La thèse de la double vérité débouche sur l’idée d’une forme élémentaire de la vérité pour le peuple parce le peuple n’est pas capable d’accepter la vérité rationnelle en sa simplicité et d’une vérité pour les élites capable d’accéder à la véritable culture. Dans cette approche, les prêtres, membres de la classe sacerdotale qui transmettent les mythes et accomplissent les rites, apparaissent comme des profiteurs fourbes. Ils profiteraient d’un système de gouvernement des esprits qui réduisent le peuple en esclaves spirituels. Les prêtres, les poètes et autres offrent en pâture à la curiosité de peuples incultes le contenu manifeste d’un trésor caché. Dans cette perspective, des cultes multiples sont imaginés par la classe sacerdotale qui donne une personnification divine aux éléments de l’univers. Le soleil, les planètes, la terre, l’air, l’eau, etc., deviennent des divinités fabuleuses détournant de l’essentiel. L’imposture cléricale actionne la fonction fabulatrice inhérente à l’esprit humain. On peut dire que la mythologie résulte dans ce cas d’une mystification volontaire entretenue par le clergé avec des contes et légendes, un folklore propre à amuser les esprits simples se délectant des aventures de Vénus et de Mars, etc. La mythologie est pensée comme une préhistoire de la raison, la raison en enfance « …un dévergondage de l’espèce humaine dans l’état d’enfance, séduite par la déraison3 ». Les contes et les légendes sont comme des histoires racontées aux enfants pour les distraire. Les fables, les mythes relèvent dès lors d’un mode général d’intelligibilité primitive proportionnelle à l’ignorance : ce sont des retombées et dégénérescences de la vérité primitive. L’entendement se laissant parasiter par l’imaginaire se fourvoie dans le merveilleux. Le mythe est un manquement à la vérité. La mythologie est le fruit d’une raison embryonnaire et dévoyée fonctionnant le plus souvent à l’analogie. Seule la raison éclairée par la connaissance scientifique peut assurer une démythologisation salutaire. Celle-ci rend l’homme capable d’affronter la réalité sans l’aide des secours illusoires de la fonction fabulatrice. Par sa fonction éminemment critique, surtout de critique de la religion, la raison permet une réévaluation et un déchiffrement de la mythologie. Un courant intellectuel critique surgit qui revalorise les mythes par la supposition d’un sens spirituel caché. Les mythes sont dès lors perçus comme des mystères cachant des pensées relatives à l’essence de la divinité. La vérité fondamentale des mythes a été perdue ; elle doit être retrouvée par des méthodes nouvelles d’analyse. Un trésor de la sagesse mythique est dissimulé non pas par des prêtres, mais par l’incapacité de la raison à appliquer des démarches rigoureuses. Pour ce procédé, ce n’est plus selon le régime du vrai et du faux que doit être pensé la mythologie. Il ne s’agit plus de raisonner dans les limites étroites de l’alternative entre le vrai et le faux « car les mythes ne sont pas vrais ou faux, ils signifient authentiquement un certain état de la conscience humaine4 » Une saine compréhension des représentations mythologiques rejette ce régime jugé simpliste. Ce simplisme a fait penser que les mythes sont faux, sans valeur ni intérêt parce que relevant de l’erreur, de l’illusion ou du mensonge. Il était fondé sur l’idée de la double vérité d’une élite cléricale détentrice de la vérité en face d’un peuple pauvre dupé par d’absurdes histoires. L’importance de la mythologie est reconnue. La mythologie a un sens en elle-même, pas en tant que fables, contes et légendes destinés à l’amusement des enfants. Une intelligibilité intrinsèque reconnue à l’ordre mythique, fait de la mythologie une dimension nouvelle pour l’insertion de l’homme dans l’humanité : « Ainsi les mythes peuvent répondre à chacun des types de questions suivants : Comment une société particulière est-elle venue à l’existence ? Quel est le sens de cette institution ? Pourquoi cet événement ou ce rite existent-ils ? Pourquoi certaines choses sont-elles interdites ? Qu’est-ce qui légitime une autorité particulière ? Pourquoi la condition humaine est-elle si misérable ? Pourquoi souffrons-nous ? 5» En somme, le mythe répond à ces questions en racontant comment ces choses ont commencé à l’origine ou comment ces choses se sont déroulées pour la première fois à l’origine. Le mythe se distingue des autres formes de langage et de récits, en tant que forme autre de récits, ayant son contenu et sa forme spécifiques. Il n’est plus une déviation de la raison. Il donne à chaque existant une épaisseur ontologique. Il est le soubassement ontologique des réalités humaines et cosmiques : « Retrouvé dans son contexte vécu, le mythe s’affirme donc comme la forme spontanée de l’être dans le monde. Non pas théorie ou doctrine, mais saisie des choses, des êtres et de soi, conduites et attitudes, insertion de l’homme dans la réalité.6 » Les règles de conduite se dégagent des modèles mythiques et rendent explicites certaines institutions sociales. La conscience de soi de chaque existant devient une conscience d’univers se déployant selon un régime d’intelligibilité qui consolide la présence au monde de l’existant. La réévaluation mythologique implique ainsi une herméneutique des civilisations. Dans cette herméneutique, une analytique des cultures voit dans les mythes, non pas des fabulations gratuites fondées sur l’imaginaire, mais une architectonique des intentions humaines fondamentales structurée par le niveau gnoséologique du mythe : « Les grands récits fondateurs sont censés dire comment les choses se passèrent ‘’ en ces temps-là ‘’, mais ils ont d'abord et surtout pour finalité de prescrire comment les choses devraient être. C'est-à-dire comment elles devraient continuer de se passer puisqu'il en a toujours été ainsi, depuis une origine sacrée car située en un temps au-delà du temps de nos « travaux et nos jours 7». Analysé comme récit constitué de symboles réels ou imaginaires, le mythe exprime à sa façon les relations faciles ou difficiles que l’homme entretient avec son milieu, avec la nature ou avec le monde invisible : « Le mythe concerne la vie et la mort, le langage, le vêtement, la nourriture, les relations familiales et l’économie interne du monde physique, moral et social. 8». La tâche de l’herméneutique est d’interpréter dans le paysage varié des civilisations les indications d’humanité fossilisées dans des référents souvent stéréotypés. La mythologie exprime ici l’essence symbolique vécue dans la spontanéité d’une conscience de soi. Elle est une intuition du monde dans laquelle l’homme exprime l’essentiel. Elle traite d’un type particulier d’explication qui n’est pas forcément toujours historique ou rationnel mais uploads/Philosophie/ mythologieafricaineetpouvoir.pdf
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- Publié le Jui 24, 2022
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