1 De la naturalité du Bien et de l’objectivité des jugements moraux. Le natural

1 De la naturalité du Bien et de l’objectivité des jugements moraux. Le naturalisme moral comme fondation méta-éthique d’une vie florissante. (Par Hellebron / Johnathan R. Razorback, 7 avril 2020. Modifié le 19 juin 2020) La méta-éthique est la partie première1 et fondamentale de la philosophie morale. Elle vise à analyser « les concepts fondamentaux de l'éthique, leurs présupposés épistémologiques et leur signification. Elle va de pair avec l'éthique normative, dont elle est censée définir les fondements2. » La recherche méta-éthique est orientée par des questions générales telles que : « Existe-il des propriétés morales, et de quelles natures ? Qu’impliquent l’existence ou l’inexistence de faits moraux sur la nature des jugements moraux ? ». Si nous voulons un jour pouvoir justifier nos croyances morales et politiques, il faut avant toute chose, comme l’écrit Anna. C. Zielinska « établir si nos jugements moraux se réfèrent à quelque chose qui nous est extérieur et s'ils formulent ainsi des descriptions qui peuvent être vraies ou fausses, ou bien s'ils ne sont que des exclamations qui visent à communiquer au monde nos attitudes émotionnelles et n'ont en conséquence pas de force normative socialement contraignante.3 » Le but du présent essai est de présenter successivement deux positions méta- éthiques générales : le non-cognitivisme et le cognitivisme moral, et de justifier pourquoi la seconde seulement est vraie. 1 Les autres parties de la philosophie morale, dérivées des positionnements méta-éthiques, sont l’éthique normative -qui vise à identifier les règles et principes qui forment le contenu de la morale- et l’éthique appliquée -qui précise comment ces principes doivent s’appliquer dans des situations concrètes. 2 https://fr.wikipedia.org/wiki/Méta-éthique 3 Anna. C. Zielinska, Introduction à Métaéthique. Connaissance morale, scepticismes et réalismes, Vrin, 2013, 326 pages, p.10. Dans la suite de cet essai, je pars du principe que le lecteur dispose déjà d’une connaissance de base sur ce qu’est la méta-éthique, par exemple en ayant lu : Quentin Ruyant, Ethique et méta-éthique, 9 septembre 2019: http://philosophiedessciences.blogspot.com/2019/09/ethique-et- meta-ethique.html 2 I: Non-cognitivisme, relativisme et scepticisme moral. [Un chapitre dans lequel les SUBTILS SOPHISTES de la PERFIDE ALBION répandent les germes maladifs du l’ERREUR et du DÉSARROI parmi de jeunes esprits innocents, et dans lequel DAVID HUME échafaude une GUILLOTINE] 1) : Définitions. Le non-cognitivisme est la position méta-éthique qui consiste à soutenir que « les jugements moraux n'expriment pas des connaissances.4 ». Il en existe plusieurs versions (l’émotivisme, l’expressivisme, le prescriptivisme), en fonction de ce que sont censés être les jugements moraux s’ils ne sont pas des jugements factuels. Selon l’Émotivisme, les jugements moraux n’expriment que des attitudes émotionnelles. Par exemple, un énoncé telle que : « La torture est immorale. » signifierait simplement que la personne qui l’exprime ressent une hostilité ou un malaise vis-à-vis de la torture. Pour l’expressivisme, les jugements moraux expriment seulement de l’approbation ou de la désapprobation. Ainsi, dire que : « Il peut être juste de tuer quelqu’un s’il en résulte un plus grand nombre de vies sauvées. » n’énonce absolument rien sur le monde en lui-même, mais signifie seulement que je peux approuver certains types de meurtres. Enfin, pour le prescriptivisme, les énoncés moraux expriment un commandement. Par exemple, dire : « La charité est une vertu. » signifie uniquement : « Tu dois être une personne charitable ! ». 4 Anna. C. Zielinska, Introduction à Métaéthique. Connaissance morale, scepticismes et réalismes, Vrin, 2013, 326 pages, p.22-23. 3 Ainsi, pour le non-cognitiviste, les jugements moraux n’ont pas de valeur de vérité (ils n’expriment pas des connaissances, ils ne peuvent pas être vrais ou faux, n’étant pas relatifs à des faits indépendants de nos opinions), ce qui les apparenteraient aux jugements esthétiques si le relativisme esthétique était vrai5. Dans les 3 formes de non-cognitivismes qui précèdent, si leur thèse centrale est exacte, nos jugements moraux ne disent jamais rien à propos du monde, mais seulement quelque chose à propos de nos émotions ou intentions (ce que nous ressentons, ce que nous voulons communiquer, ou ce que nous voulons obtenir d’autrui). Or, nos émotions et intentions ne sont pas susceptibles d’être vraies ou fausses. Donc, les jugements moraux n’expriment pas de connaissance. Le non-cognitivisme est co-impliqué avec le relativisme moral (on parle aussi, en anglais, de « moral anti-realism »). Le relativisme moral est la position qui consiste à dire qu’il n’existe pas de valeurs morales objectives ; les valeurs morales ne sont pas relatives à des traits de la réalité susceptible de les rendre vraies ou fausses. (Il y a co-implication entre les deux positions car, s’il n’y a pas de valeurs morales objectives, les jugements moraux ne peuvent pas exprimer de connaissance vis-à-vis de faits moraux ; inversement, si les jugements moraux n’expriment pas de connaissance, c’est que le relativisme moral est vrai.) Sur le plan de l’éthique normative, le relativisme moral semble à son tour impliquer (ou être du moins fortement susceptible d’impliquer) le nihilisme moral, c’est-à-dire l’idée que le bien et le mal n’existe pas, qu’aucune valeur n’est meilleure qu’une autre. Un nihiliste moral peut avoir des préférences morales (il n’est pas évident qu’il soit seulement possible de ne pas en avoir) -par exemple celle de son milieu social ou de sa culture nationale-, mais il sera convaincu qu’elles sont arbitraires et rationnellement injustifiables. Le relativisme moral est une position relativement populaire parmi les philosophes de l’époque contemporaine. De nombreux penseurs estiment qu’il n’existe pas de valeurs morales objectives. On peut citer parmi eux Nietzsche6, Max Weber, Michel Foucault7, mais aussi un néo-kantien comme Raymond Aron8, ou encore le philosophe britannique Isaiah Berlin. Bien qu’on ait pu 5 Cf : https://hydre-les-cahiers.blogspot.com/2017/06/subjectivisme-esthetique-versus.html 6 L’influence de Nietzsche a été énorme, notamment sur la « Révolution conservatrice » allemande, par l’intermédiaire notamment de la philosophie de l’histoire d’Oswald Spengler. 7 Et plus généralement ce qu’on appelle la « philosophie post-moderne ». 4 contester que Karl Marx lui-même ait été un relativiste moral9, il semble aussi clair que le marxisme10 soit également forme de relativisme moral, les catégories morales étant réduites à une superstructure idéologique propre à une configuration social-historique particulière. Le scepticisme moral est une position distincte du non-cognitivisme, mais dont les conséquences pratiques sont susceptibles d’être identiques. Le scepticisme (à ne pas confondre avec le doute, qui n’est pas une position fixe mais une attitude de pensée ouverte à la recherche) moral constitue à dire que la connaissance morale est inaccessible à l’esprit humain. Au niveau méta-éthique, cela signifie qu’on ne peut pas déterminer si le non-cognitivisme (ou le cognitivisme moral) est vrai. Sur le plan de l’éthique normative, cela implique qu’on ne peut pas identifier quels sont les principes qui devraient orienter la conduite humaine. Les arguments qui attaquent le réalisme moral (la thèse selon laquelle il existe des valeurs morales objectives) et le cognitivisme moral (la thèse selon laquelle les jugements moraux expriment des connaissances) sont toutefois susceptibles de nourrir le relativisme moral aussi bien que le scepticisme moral. 2) : Quelques arguments relativistes et sceptiques. A : L’argument de la relativité. 8 « Entre une société communautaire, qui se donne elle-même pour valeur absolue, et une société libérale, qui vise à élargir la sphère de l'autonomie individuelle, il n'y a pas de commune mesure. La succession de l'une à l'autre ne saurait être appréciée, sinon par référence à une norme qui devrait être supérieure aux diversités historiques. Mais une telle norme est toujours la projection hypostasiée de ce qu'une collectivité particulière est ou voudrait être. » (Raymond Aron, Introduction à la philosophie de l'histoire. Essai sur les limites de l'objectivité historique, Gallimard, 1986 (1938 pour la première édition), 521 pages, p.183). 9 Encore que le philosophe marxiste Yvon Quiniou écrit bien que : « [Marx] ne croit pas ou paraît ne pas croire en l’existence de valeurs objectives susceptibles d’obliger tous les hommes. » (« Raisons et déraisons de l'engagement communiste », Nouvelles FondationS, 2006/3 (n° 3-4), p. 42-47. DOI : 10.3917/nf.003.0042. URL : https://www.cairn.info/revue-nouvelles-fondations-2006-3-page-42.htm ). 10 On le voit, le relativisme moral ne recoupe absolument pas un clivage politique droite/gauche. François Huguenin montre par exemple que les penseurs contre-révolutionnaires (Joseph de Maistre, Louis de Bonald) ou nationalistes (comme Charles Maurras) niaient aussi l’existence d’une loi ou d’un droit naturel (cf : http://oratio-obscura.blogspot.com/2019/04/francois-huguenin-histoire.html ). 5 En fait, j’estime qu’il ne s’agit pas réellement d’un argument, mais plutôt d’une difficulté pour la position du réaliste moral, ainsi que d’une explication de l’incrédulité que provoque généralement à première vue cette position. En effet, la majorité des gens sont dubitatifs vis-à-vis de l’existence de valeurs morales objectives, parce qu’ils ont connaissance et font régulièrement l’expérience de la relativité sociale, géographique et historique des croyances morales. Ils fréquentent ou ont connaissance de personnes qui ne partagent pas leurs propres croyances morales, ils savent que les valeurs dominantes de leur société n’étaient pas toujours admises dans les époques passées, et que les valeurs varient également en fonction des sociétés et des cultures. Cette expérience est encore renforcée par les découvertes scientifiques (sociologiques, historiques ou psychologiques), ou par des méthodes philosophiques comme la généalogie nietzschéenne, qui reconstituent la manière dont uploads/Philosophie/ naturalite-bien.pdf

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