Péquignot Julien Comment faire une enquête sémio-pragmatique ? Les publics des
Péquignot Julien Comment faire une enquête sémio-pragmatique ? Les publics des web-séries et leurs discours « spontanés » Pour citer l'article Péquignot Julien, « Comment faire une enquête sémio-pragmatique ? Les publics des web-séries et leurs discours « spontanés » », dans revue ¿ Interrogations ?, N°24. Public, non-public : questions de méthodologie, juin 2017 [en ligne], http://www.revue-interrogations.org/De-Peirce-a-Odin-tenants-et (Consulté le 2 décembre 2020). ISSN 1778-3747 Tous les textes et documents disponibles sur ce site sont, sauf mention contraire, protégés par la Licence Creative Commons Attribution - Pas d’Utilisation Commerciale - Pas de Modification 3.0 France. revue ¿ Interrogations ? N°24. Public, non-public : questions de méthodologie juin 2017 Résumé La sémio-pragmatique de Roger Odin offre un cadre de réflexion sur les publics, mais sans la méthode d’application afférente. Des fondements pragmatiques de cette théorie aux problèmes pratiques rencontrés, la contribution propose, au moyen d’un exemple de réception d’une web-série sur Internet, une méthodologie permettant d’effectuer une enquête sémio-pragmatique sur les publics. Mots clés : Publics, enquête, sémio-pragmatique, web-série, Noob. Abstract How to do a semio-pragmatical research ? Web series’ audiences and their “spontaneous” talks. Roger Odin’s semio-pragmatic offers a framework for research on audiences, but without the related pattern of application. From pragmatists groundings of this theory to practical problems, the paper proposes, through an example of an Internet web serie’s reception, a methodology allowing a semio-pragmatical research on audiences. Keywords : Audiences, research, semio-pragmatic, web serie, Noob. Le modèle sémio-pragmatique de Roger Odin propose une modélisation heuristique des productions de sens et d’affects possibles lors du contact d’un spectateur avec un objet audiovisuel. Mobiliser ce modèle dans le cadre d’une enquête sur un terrain spécifique – ici le public de la web-série Noob – nécessite la mise en œuvre d’une méthodologie pour faire fonctionner cette théorie avec un travail empirique. C’est l’ambition de cette contribution. Afin de comprendre comment le modèle sémio-pragmatique peut fonctionner dans le cadre d’une enquête sur les publics, il sera nécessaire, dans un premier temps, d’en examiner les fondements théoriques, au moyen de la théorie pragmatique peircéenne du signe. Cette mise au point amènera à dégager les problèmes auxquels le modèle sémio-pragmatique est confronté dans ce type de recherche. La résolution de ces problèmes sera examinée dans un second temps. Enfin, dans un troisième temps, l’exemple concret de commentaires d’internautes spectateurs de Noob viendra illustrer le propos, mais apportera aussi des éléments de résultats, lesquels permettront d’envisager les protocoles d’enquêtes ultérieures nécessaires à leur validation. De Peirce à Odin : tenants et aboutissants de la posture pragmatique « Considérer quels sont les effets pratiques que nous pensons pouvoir être produits par l’objet de notre conception. La conception de tous ces effets est la conception de l’objet » [1] (Tiercelin, 1993 : 29). Lorsque l’on travaille sur des objets symboliques, la maxime pragmatique ou pragmaticiste (Tiercelin, Thibaut, 2002) de Charles Sanders Peirce semble impliquer, comme une « nécessité vraie » (parmi d’autres), de travailler sur les publics. Il convient tout d’abord d’éclaircir une apparente tautologie. Parler d’objet symbolique, c’est, bien entendu, entendre symbolique ‘pour quelqu’un’ et ajoutons, pour imiter Charles Sanders Peirce, sous quelque rapport que ce soit [2]. Cela implique également de considérer que cet objet puisse aussi ne pas être symbolique (toujours pour quelqu’un). Morceaux de papier, surfaces enduites, lumières mouvantes, ondes sonores, peuvent tout à fait être simplement cela pour telle personne, mais être, devenir, des livres, des tableaux, des images animées, de la musique pour une autre, c’est-à-dire des objets perçus comme donnant accès à un sens déjà produit ; des objets donc construits comme symboliques, porteurs de sens. Dans une perspective pragmatique, « il n’y a aucune chose qui est en soi, au sens où elle ne serait pas relative à l’esprit, bien qu’il ne fasse aucun doute que les choses qui sont relatives à l’esprit, sont, en dehors de cette relation [3] » (Tiercelin, 1993 : 107). Ce à quoi Charles Sanders Peirce parvient par le raisonnement logique s’est trouvé maintes fois vérifié par l’enquête. Pour ne prendre que l’exemple, célèbre, de Sol Worth, ne serait-ce que son travail avec les Navajo (Worth, Adair, 1972), lui permet de conclure qu’« “un film n’a pas de sens en lui-même [ 4]” et qu’il n’acquiert de sens que dans sa relation à un Sujet percevant » (Odin, 2000b : 53). C’est d’un tel postulat pragmatique que je pars ici, qui implique que dans la recherche sur les objets symboliques (ici audiovisuels, la web-série Noob), le(s) public(s) n’est pas une ‘question’, mais une nécessité vraie, une obligation – qui pose, elle, des questions. À ce stade, ‘public(s)’ signifie « Sujet(s) percevant » ; la précision sera faite par la suite, en fonction du modèle et de la méthode. Si, grossièrement, nous intéresse le sens de revue ¿ Interrogations ? N°24. Public, non-public : questions de méthodologie juin 2017 Noob, c’est bien sa signification qu’il nous faut étudier : les effets sémiotiques produits par la relation de Noob à un Sujet percevant donné. Or, il se trouve qu’existe une modélisation heuristique des effets sémiotiques produits lors de la relation à un objet audiovisuel : la sémio-pragmatique élaborée par Roger Odin [5]. Transposés chez ce dernier, « effets sémiotiques » deviendraient alors « production de sens » (Odin, 1990). La théorie sémio-pragmatique propose de remplacer les notions de réception et d’interprétation par celle de lecture : du contact avec l’objet symbolique intentionnel ne résulte ni une réception du sens, ni une interprétation du sens, mais une ‘production de sens’ déterminée avant tout par des paramètres exogènes au texte. En d’autres termes, il faut toujours prendre en considération le texte non pas en tant qu’existant comme tel avant d’être lu (donc construit), mais en tant qu’il contient des paramètres déjà lus et déjà construits dans d’autres textes et donc débouchant en une expérience vécue par le public – le lecteur chez Odin – d’être en présence d’un sens déposé dans le texte par son producteur. On voit combien cette perspective peut s’articuler aisément avec celle de Charles Sanders Peirce : dans les deux cas, c’est la relation qui est en définitive le « véritable » objet de la recherche. De même le contexte y est explicatif (à rapprocher de l’expérience collatérale chez Charles Sanders Peirce [6]), non pas en tant que simple paramètre, mais en tant que condition génétique de la relation. Plus précisément, cette relation est toujours envisagée in fine comme se faisant du sujet à lui-même, la médiation par l’objet n’étant pas du fait de l’objet mais bien du sujet – sujet-lecteur chez Roger Odin, homme-signe chez Charles Sanders Peirce (Deledalle, 1978 : 246, sqq.) –, sujet pensant, sujet/pensée, qui se parle à lui-même [7]. Charles Sanders Peirce considère, en philosophe réaliste, que « la réalité appartient à ce qui est présent à nous dans la connaissance vraie quelle qu’elle soit » [8] (Deledalle, 1979 : 15) et donc se fonde sur la phanéroscopie, l’étude de « tout ce qui, à quelque point de vue et en quelque sens que ce soit, est présent à l’esprit » [9] (ibid. : 54). Or, « tout ce qui nous est présent est une manifestation phénoménale de nous-même » [10] (Tiercelin, Thibaud, 2002 : 51), mais « ceci n’empêche pas que ce soit un phénomène de quelque chose qui se passe sans nous, tout comme un arc-en-ciel est à la fois une manifestation du soleil et de la pluie » [11] (ibid. : 51). Chercher à renseigner la médiation produite par le Sujet percevant lors de sa relation avec l’objet conduit donc à renseigner la manifestation du Sujet percevant – non de l’objet encore une fois –, sujet construit par des faisceaux de déterminations (Odin, 2000a : 11) – l’accumulation d’expérience collatérale résultant de la sémiose infinie (Tiercelin, 1993 : 65 ; Granger, 1968 : 114, sq. [12]). Si le modèle sémio-pragmatique apparaît donc – somme toute logiquement – pouvoir s’inscrire dans le pragmatisme peircéen, cette inscription produit des contraintes particulières, des questions de définition et de méthode précises : 1/qu’est-ce qu’un Sujet percevant ? 2/Quel objet perçoit-il, c’est-à-dire construit-il comme texte (Odin), signe ou ensemble complexe de signes (Peirce) ? 3/Comment déterminer la relation (auto-médiate) du Sujet percevant à l’objet ? 4/Quelles en sont les manifestations ? 5/Comment appréhender ses manifestations ? La sémio-pragmatique et le(s) public(s) Les deux premières questions n’en font en fait qu’une : un Sujet percevant ne l’est toujours qu’en tant que percevant quelque chose (y compris par la pensée, ajouterait Charles Sanders Peirce [13]). Soit un Sujet percevant de Noob : quel est cet objet ? Le paradoxe ici semble être que pour déterminer l’objet, c’est-à-dire déterminer sa construction par le Sujet, il n’y ait pas d’autre possibilité que d’attribuer a priori un ensemble de caractéristiques à l’objet : considérer l’objet /Noob/, par exemple comme /objet audiovisuel/, /série/, /web-série/, /fiction/ et ce avec toutes les implications afférentes. Autrement, comment supposer une relation et donc un Sujet percevant pour tenter d’en renseigner les manifestations ? Le paradoxe se résorbe si l’on considère uploads/Philosophie/ omment-faire-une-enquete-semio-pragmatique-les-publics-des-web-series-et-leurs-discours-spontanes.pdf
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- Publié le Aoû 23, 2021
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