– 1/32 – Exposé préparé, à l'intention des enseignants du 1er degré de Paris, d
– 1/32 – Exposé préparé, à l'intention des enseignants du 1er degré de Paris, dans le cadre de la journée académique consacrée à la scolarisation des élèves handicapés auditifs (22 novembre 2008, amphithéâtre du lycée Voltaire - Paris 11e). Je me présente : Patrick GOULET-DENIS, le coordonnateur de l’UPI1 pour déficients auditifs du collège Jean-Baptiste Poquelin, rue Molière - Paris 1er. Enseignant spécialisé du 2nd degré mais ancien instituteur je me considère toujours comme un instituteur. Cela fait 24 ans que j'exerce auprès des élèves déficients auditifs, au sein du collège Poquelin. Le collège Jean-Baptiste Poquelin Le collège Poquelin accueille des élèves déficients auditifs depuis les années 1970 et ce, en étroite collaboration avec le C.A.P.P.-D.A.2. La scolarisation de ces élèves s'effectue selon l'option oraliste, c'est-à-dire sans L.S.F.3 ni L.P.C.4. L'oralisme ne fut pas un choix du collège mais une décision des instances académiques de l'époque. Des années 70 jusqu'en 2002, le collège Poquelin accueillait les élèves déficients auditifs dans des classes spécialisées, une par niveau : pré-6e, 6e, 5e etc. Ils ne côtoyaient alors les élèves entendants qu'aux récréations et au réfectoire. Il s'agissait d'enfants déficients auditifs de naissance ou de la période précédant l'acquisition du langage (période pré-linguale). Le plus grand nombre était atteint d'une déficience auditive sévère. Sans nécessairement maitriser convenablement la L.S.F., ces enfants éprouvaient néanmoins le besoin de faire des gestes entre eux. À partir de 2002, après la transformation des classes spécialisées en UPI, on nous confia, en grande majorité, des enfants atteints d'une déficience auditive moyenne avec une bonne récupération prothétique. Cependant, tout déficient auditif appareillé n'en reste pas moins un déficient auditif (c'est d'ailleurs le refrain que j'entonne régulièrement à mes collègues…). Il est à noter que ces enfants n'éprouvent pas le besoin de faire des gestes. La scolarisation au sein de notre UPI se présente de la façon suivante : tous nos élèves déficients auditifs sont intégrés dans les classes du collège mais ils bénéficient : – d'un soutien pédagogique que j'assure dans toutes les disciplines (excepté en anglais et en musique dont le soutien est assuré par les enseignants de la matière) ; – d'un soutien orthophonique assuré au collège même par les orthophonistes dépendant du C.A.P.P.-D.A. ; – d'un suivi médical, psychologique et social assuré par le C.A.P.P.-D.A. Davantage d'informations et de détails se trouvent sur le site du collège Poquelin : http://clg-jb-poquelin.scola.ac-paris.fr 1 UPI : Unité Pédagogique d'Intégration 2 C.A.P.P.-D.A. : Centre d’Aide Psycho-Pédagogique pour Déficients Auditifs 37, boulevard Saint-Marcel - 75013 PARIS. Établissement public de la Ville de Paris : Direction de l’Action Sociale de l’Enfance et de la Santé (DASES) 3 L.S.F. : Langue des Signes Française (langue à part entière) 4 L.P.C. : Langage Parlé Complété (aide à la lecture labiale) Adaptation des examens pour les élèves déficients auditifs dans l'option oraliste – 2/32 – La déficience auditive et les déficients auditifs dans l'option oraliste Je me permets ce rappel car la connaissance de la déficience auditive de naissance ou pré-linguale est indispensable à la compréhension des difficultés des élèves déficients auditifs, à la compréhension des adaptations pédagogiques à réaliser ainsi qu'à la compréhension des adaptations pédagogiques déjà réalisées. Afin que tout malentendu soit écarté, je précise que je m'en tiendrai, dans ce rappel, à des considérations d'ordre général, convaincu néanmoins – par 24 années d'expérience – que chaque élève déficient auditif est un cas bien particulier, variante du cas général. Cependant, pour faciliter la compréhension du sujet, je serai amené à fournir des exemples précis particulièrement caractéristiques. Tout d'abord, évacuons toute ambiguïté : la déficience auditive de naissance ou pré-linguale ne peut être mise en parallèle ni assimilée à des troubles spécifiques du langage (T.S.L.). Si un chinois s'adresse à moi et me contraint à lui répondre en chinois, cela m'est tout à fait impossible, néanmoins je ne présente aucun trouble spécifique du langage… Même si nous constatons que la déficience auditive de naissance ou pré-linguale a des conséquences sur l'appréhension du langage chez l'enfant, même si pour le profane, elle peut apparaitre comme un trouble spécifique du langage, soyons clair et catégorique là-dessus : trouble spécifique du langage et déficience auditive non strictement rien à voir l'un avec l'autre (cf. circulaire n° 2002-024 du 31 janvier 2002 dont extraits reproduits ci-dessous). Mise en œuvre d’un plan d’action pour les enfants atteints d’un trouble spécifique du langage oral ou écrit Circulaire n° 2002-024 du 31 janvier 2002 […] Définition des troubles spécifiques du langage oral et écrit Les troubles spécifiques du langage oral et écrit (dysphasies, dyslexies) qui font l’objet de cette circulaire sont à situer dans l’ensemble plus vaste des troubles spécifiques des apprentissages qui comportent aussi les dyscalculies (troubles des fonctions logico-mathématiques), les dyspraxies (troubles de l’acquisition de la coordination) et les troubles attentionnels avec ou sans hyperactivité. […] Leur originalité tient à ce que ceux-ci ne peuvent être mis en rapport direct avec des anomalies neurologiques ou des anomalies anatomiques de l’organe phonatoire, pas plus qu’avec une déficience auditive grave, un retard mental ou un trouble sévère du comportement et de la communication. Ces troubles sont considérés comme primaires, c’est-à-dire que leur origine est supposée développementale, indépendante de l’environnement socio-culturel d’une part, et d’une déficience avérée ou d’un trouble psychique d’autre part. Est-ce à dire – si l'on se réfère à l'exemple exposé plus haut – que l'élève déficient auditif de naissance dans l'option oraliste serait considéré comme un élève non francophone ? On peut être effectivement tenté par un tel rapprochement, cependant, il se révèle erroné. L'élève non francophone est un enfant entendant, même s'il ne s'agit pas en l'occurrence du français, il possède néanmoins une langue par laquelle le monde lui a été et lui est – 3/32 – communiqué, expliqué et qu'il peut ainsi appréhender. J'entends par monde l'acception la plus large du terme, à savoir tout ce qui nous entoure quotidiennement comme de façon exceptionnelle, au niveau concret comme au niveau abstrait, les droits, les devoirs, les interdits, les règles de vie en société, la politesse, les coutumes etc. (désormais dans tout ce qui suit, c'est dans ce sens que j'utiliserai le mot monde). Par la pratique de sa langue dite maternelle et à travers elle, l'élève non francophone a accédé à une certaine connaissance du monde, cette langue et cette connaissance constituent un fondement solide sur lequel il est possible d’accrocher une autre langue (et même une autre vision du monde, s'il est originaire d'un pays lointain). Comparé à un élève entendant, l'élève déficient auditif de naissance dans l'option oraliste possède souvent peu de langage sinon un langage guère élaboré et lacunaire. Ses difficultés à percevoir correctement les informations sonores induisent avec le monde une communication défectueuse et par conséquent une méconnaissance voire une ignorance de ce monde. Ceci explique ses difficultés à la compréhension de tout message oral comme écrit. Afin de permettre de saisir ce qu'est un enfant déficient auditif de naissance dans l'option oraliste, j'ai coutume d'établir une comparaison avec l'enfant sauvage. Attention ! Je ne dis pas qu'un enfant déficient auditif de naissance dans l'option oraliste est un enfant sauvage, j'use simplement de cette image pour mettre en évidence le déficit conséquent de connaissances sur le monde, du déficient auditif, déficit de connaissances qui est la source principale et l'origine de toutes ses difficultés. Pour illustrer mon propos, j'ai choisi d'abord un dessin humoristique de Pat MALLET5 (déficient auditif lui-même), extrait du Guide pour les enseignants qui accueillent un élève présentant une déficience auditive (de Nicole TAGGER et illustré par Pat MALLET)6. 5 Pat MALLET est le dessinateur des petits bonhommes verts (cf. dessin au bas de la dernière page de ce document). 6 Ce guide est téléchargeable gratuitement à cette adresse : http://eduscol.education.fr/D0186/guide_eleves_deficients_auditifs.pdf – 4/32 – Quel enseignant, travaillant auprès d'élèves déficients auditifs de naissance dans l'option oraliste, n'a-t-il jamais été confronté à une situation semblable ?... Dans cet exemple, l'adolescent de 14 ans se comporte comme un enfant de 4 ou 5 ans : tutoiement de l'adulte (qui est ici son professeur), questions indiscrètes et intimes. Attention ! Je ne dis pas que cet adolescent déficient auditif possède le cerveau et l'entendement d'un enfant de 4 ou 5 ans : les enfants déficients auditifs de naissance ne sont pas des imbéciles ! En revanche, en l'occurrence et pour cet échange précis avec son professeur, j'affirme que cet adolescent déficient auditif possède une méconnaissance du monde (ici de règles de vie dans notre société) d'un enfant entendant de 4 ou 5 ans. Issus de mon expérience personnelle, voici quelques exemples parmi tant d'autres, mettant en évidence ces carences énormes dans la connaissance du monde d’élèves intelligents, vifs et malins mais déficients auditifs de naissance dans l'option oraliste. Un élève de 5e croyait que je me rasais le crâne. Je l'ai détrompé en lui précisant que j'étais chauve et que mes cheveux tombaient d'eux-mêmes… « Monsieur, je ne vous crois pas ! » m’a-t-il répondu. S’en suivit une explication des mots chauve, calvitie et du caractère génétique du phénomène. Cet élève tombait uploads/Philosophie/ p-goulet-denis-22-11-2008.pdf
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- Publié le Aoû 02, 2022
- Catégorie Philosophy / Philo...
- Langue French
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