Download Date | 3/12/16 11:04 AM Translationes, Volume 7, 2015 DOI: 10.1515/tra

Download Date | 3/12/16 11:04 AM Translationes, Volume 7, 2015 DOI: 10.1515/tran-2016-0010 Jean-René Ladmiral, Sourcier ou cibliste, Paris : Les Belles Lettres, coll. « Traductologiques », 2014, 303 pages, ISBN : 978-2-251-70003-8 Aujourd’hui, plus de deux mille ans après que Cicéron ait fait part de son credo traductif – à savoir de sa manière de traduire les discours de Démosthène et d’Eschine non pas comme un pur et simple « traducteur » (ut interpres), mais comme un « écrivain » (ut orator), en rejetant donc le « mot à mot » (= non verbum pro verbo) –, cette dichotomie est reformulée dans le cadre de différents courants et écoles de traduction, par des chercheurs et traducteurs de tous les horizons traductifs. De ce fait, elle se retrouve amplement révisée et subdivisée, revisitée et théorisée (p. 5, 227). L’intérêt qu’a suscité la problématique du clivage sourciers- ciblistes, « distinction typologique » (p. XI), la dimension polémique des débats sur cette dichotomie, le souhait d’éclaircir des prises de positions antérieures, de les raffermir et de les actualiser permettent à Jean-René Ladmiral d’en établir les traces historiques et d’indiquer la ligne directrice de ce recueil d’articles qui donne à l’auteur, premièrement, et aux lecteurs, secondairement, « plus de chance à une réflexion approfondie » (p. XV). Dans les dix chapitres qui composent ce livre, l’auteur représente sa conception de la traduction et des manières de traduire (Sourciers et ciblistes, p. 3-27 ; Sourciers et ciblistes revisités, p. 29-67 ; Esquisses conceptuelles, p. 71-96 ; L’étranger dans la langue, p. 97-134 ; Étude de cas : à propos des traductions de Freud, p. 135-154 ; Remarques épistémologiques, p. 157- 173 ; Dialectique du littéralisme, p. 175-223 ; Vers une métaphysique de la traduction, p. 226-256 ; Pour une théologie de la traduction, p. 257-280). Les références bibliographiques, censées clore l’ouvrage et parachever son architecture, deviennent elles- mêmes des liens hypertextuels et un objet d’étude potentiel, constituant un point de départ pour des recherches futures. J.-R. Ladmiral se rapporte aussi bien au structuralisme et à son application en traduction qu’aux effets que les théories transformationnelles eussent pu avoir en traduction, passant d’un noyau de référence, le lecteur, à un autre, le producteur (ici, le traducteur). Il revisite l’acception jakobsonienne : toute langue peut tout dire avec plus ou moins de mots car on ne traduit pas des mots, on les emprunte si besoin est ; on ne traduit pas non plus des choses, on les importe ; on traduit des idées, des effets de discours, des significations, des effets, des sens : « Ce qui fait, probablement, l’essentiel d’un texte (qu’on le traduise ou non), ce sont les effets de discours qu’il orchestre, et non les realia qui constituent ce que les linguistes appellent son référent. » (p. 13-14). Par la remise en Download Date | 3/12/16 11:04 AM 169 Unauthenticated 170 Unauthenticated Download Date | 3/12/16 11:04 AM Translationes 7 (2015) discussion des interdépendances conceptuelles, le traductologue poursuit le dépassement d’incommodantes divisions parcellaires – les minoritaires sympathisant le littéralisme-sourcier et les majoritaires adeptes de la traduction libre –, et des données sectorielles fines, ainsi que le fait que la théorie de la traduction renvoie plutôt à la théorie de la connaissance qu’à la théorie de la communication (p. 14). Entre Sourciers et ciblistes (chapitre 1, structurellement dichotomique), « l’opposition, n’est pas entre une fidélité plus ou moins grande, mais entre deux modes de fidélité et, plus précisément, entre deux modes de gestion de la discrépance qui existe entre les langues telles qu’elles se réalisent dans des paroles d’auteurs irréductiblement individués. » (p. 18). Ces modes- là dériveraient de la passivité que montre la langue-cible face à la violence sourcière, de « la consentance cibliste » (p. 24-25) qui s’inscrit dans ce qu’il appelle « ’’la logique du viol’’ linguistique »1 (2014, 129). Le leitmotiv, antérieurement annoncé, est revisité dans le chapitre 2, Sourciers et ciblistes revisités, p. 29-67). C’est à partir d’éléments de théorie linguistique, de traductologie et d’épistémologie, autant d’éléments dont la rhétorique exige du récepteur une lecture obligatoirement inter- et hyper-textuelle, que s’élabore l’hypothèse de compréhension du phénomène. L’ouvrage revendique donc un lecteur avisé des textes traductologiques fondamentaux, un lecteur qui identifie les liens qui se tissent entre les chapitres du présent ouvrage et d’autres textes traductologiques de l’auteur même, ou d’autres théoriciens. À l’intérieur du livre, les divers constituants s’organisent selon un binarisme fondé, en principe, sur la dichotomie du titre et qui ressort des attitudes traductives et traductologiques. Conçu sur « l’antinomie entre deux modes de fidélité possibles », « deux exigences, nécessaires et contradictoires » (p. 23, 54), l’ouvrage tout entier est traversé par de nombreux diptyques : lettre – esprit ; signifiant et langue-source – sens et langue-cible (p. 76) ; sourcier – cibliste ; traduction – adaptation ; équivalence dynamique – équivalence formelle ; fidélité à la langue- source et à l’auteur – fidélité à la langue-cible et au lecteur ; théorie – pratique ; identité – altérité ; assimilation – dissimilation, traduction littéraire – traduction technique, traduction littéraire – traduction professionnelle, dont l’abondante présence légitime le questionnement du traductologue sur le malentendu qui est à l’origine de la réception de l’opposition sourcier – cibliste. Ceux-ci « ne sont que des outils cognitifs pour appréhender 1 Logique illustrée par les propos de Rudolf Pannwitz sur la traduction, que citent de nombreux théoriciens : « Nos versions, même les meilleures, partent d'un faux principe, elles veulent germaniser le sanscrit, le grec, l'anglais, au lieu de sanscritiser, 170 Unauthenticated Download Date | 3/12/16 11:04 AM d'helléniser, d'angliciser l'allemand [...]. L'erreur fondamentale est de conserver l'état contingent de sa propre langue au lieu de la soumettre à la motion violente de la langue étrangère. » (Rudolf Pannwitz cité par Berman 1984, 36). 171 Unauthenticated Download Date | 3/12/16 11:04 AM Translationes 7 (2015) la réalité » (p. 40), leur opposition se concrétisant « sous la forme d’un continuum » (p. 52). L’auteur oriente en conséquence son lecteur vers des considérations métathéoriques, censées rendre plus explicites les concepts qu’on utilise en traductologie (p. 31, 37, 39, 54). « Minimaliste en matière de théorie », J.-R. Ladmiral conçoit « la théorie comme un ’’espace de réflexivité’’ au sein de laquelle la pratique traduisante pourra être conceptualisée dans la diversité. » (p. 49), un espace qui se révèle propice à la polémique avec les partisans de la traduction sourcière (parmi ses « objecteurs » favoris : Berman et Meschonnic), à la réponse aux critiques faites au clivage sourcier – cibliste (voir le chapitre 2, Sourciers et ciblistes revisités). Avançant dans la lecture, on observe que l’expression du théorème de la dichotomie, conformément auquel en traduction « on doit toujours faire le choix et prendre des décisions » (p. 78), se développe et dépasse lesdits clivages dyadiques pour un ensemble triadique (signe, sens, effet2) qui esquisse ainsi « un triangle traductologique » (voir Ladmiral 2010). L’auteur prépare de la sorte le terrain pour les perspectives théoriques (le chapitre 4) où il distingue les disciplines de savoir des disciplines de réflexion, dans un contexte où l’esthétique de la réception, l’herméneutique et l’interprétation sémantique se conjuguent pour créer le cadre favorable à faire revenir le concept d’effet, concept qui est ensuite catégorisé (poétique, littéraire, de sens – sémantique, comique, etc.).3 Enchaînant avec l’idée de La communication interculturelle (Ladmiral et Lipiansky [1989] 2015), « ma langue m’habite », et en contraste avec Cioran, selon lequel « on n’habite pas un pays, on habite une langue » (1987, 21), Ladmiral avoue qu’une telle « consentance cibliste » – en tant que stratégie de traduction collective – prend à ses yeux « la valeur d’une contrainte de type ’’oulipien’’ », qui force le traducteur à produire des énoncés antagoniques aux énoncés spontanés (p. 131). D’où le manque de naturel, une expression conventionnelle et artificielle. Sans « s’enfermer dans la logique d’un ’’autisme idiolinguistique’’ », Ladmiral reconnaît que le structuralisme a raison de considérer la langue un système et « donc que les sons d’une langue sont bien les sons d’une langue » (p. 52), et non pas d’une autre. Il convient avec Mounin que « la traduction n’est pas un ’’un contact des langues’’ [cf. Mounin 1963, 3 sqq.], ni une ’’interaction’’ entre les langues. Elle est à peine ’’une mise en rapport de deux langues’’, car ce 2 Depuis que « la traduction s’est affranchie de la ’’rémanence têtue’’ du texte- source et qu’elle n’est plus aliénée par le fétichisme du signifiant […], il revient d’aller à l’essentiel, c’est-à-dire aux effets que produit le texte-source et qu’il s’agit de ’’rendre’’ dans un texte-cible. » (p. 94). 3 L’idée est renforcée plus loin : « on ne traduira pas un signifiant, mais 172 Unauthenticated Download Date | 3/12/16 11:04 AM un effet : un effet de sens, un effet stylistique ou un effet rhétorique, un effet littéraire, voire un effet poétique, éventuellement un effet comique… » (p. 201). Translationes 7 (2015) qui est mis en rapport, c’est bel et uploads/Philosophie/ pdf-jean-rene-ladmiral-sourcier-ou-cibliste-paris-les-belles-lettres-coll-traductologiques-2014-303-pages-compress-convertito.pdf

  • 10
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager