Sigmund Freud L’inquiétante étrangeté Traduction de Marie Bonaparte et E. Marty
Sigmund Freud L’inquiétante étrangeté Traduction de Marie Bonaparte et E. Marty Introduction et commentaires par François Stirn (1ère édition : janvier 1987) « Profil Textes Philosophiques » Collection dirigée par Laurence Hansen-Løve P h i l o S o p h i e © o c t o b r e 2 0 0 8 Table des matières Remarques préliminaires : Le titre ........................................... 4 Avant-propos ............................................................................ 6 1. Le texte porte sur « l’objet même de la psychanalyse » : ........ 6 2. Le texte ouvre une réflexion sur la nature de la littérature. .... 7 3. Le texte offre des clefs pour comprendre la « modernité ». ... 7 Questions de méthode : Commentaire de la première partie, pp. 43-46 ................................................................................... 9 A. Une recherche esthétique........................................................ 9 B. Une investigation difficile ..................................................... 10 C. Une enquête méthodique ...................................................... 12 Enquête lexicologique : Commentaire de la première partie, pp. 46-54 ................................................................................. 14 Exemples : Commentaire de la deuxième partie, pp. 54-77 .. 16 A. Œdipe et le « trouble-fête » ...................................................17 1. Exemple ................................................................................. 17 2. Interprétation théorique ....................................................... 21 B. Narcisse et les doubles .......................................................... 23 1. Exemple ................................................................................ 23 2. Interprétation théorique ....................................................... 23 C. Ulysse et la mort .................................................................... 27 1. Exemples ............................................................................... 27 2. Interprétation théorique ....................................................... 28 Littérature et réalité : Commentaire de la troisième partie, pp. 77-87.................................................................................. 31 3 A. Le problème .......................................................................... 31 B. Conditions de l’impression vécue ......................................... 32 C. Le plaisir du texte .................................................................. 34 1. L’épargne............................................................................... 34 2. L’épreuve de réalité .............................................................. 34 3. Les conventions .................................................................... 34 Psychanalyse et philosophie ................................................... 36 A. La référence soudaine ........................................................... 36 B. La citation voilée ................................................................... 37 C. L’implication furtive .............................................................. 38 Conclusion.............................................................................. 40 1. Entre deux moments de l’histoire .......................................... 40 2. Entre deux groupes sociaux................................................... 40 3. Entre deux cultures ............................................................... 41 L’inquiétante étrangeté (Das Unheimliche) ........................... 43 I .................................................................................................. 43 II ................................................................................................ 54 III ............................................................................................... 76 À propos de cette édition électronique ................................... 87 4 Remarques préliminaires : Le titre Le titre allemand, das Unheimliche, est un adjectif subs- tantivé, formé à partir de deux termes : le préfixe Un, exprimant la privation, et l’adjectif heimlich (familier), tiré de la racine heim que l’on retrouve dans de nombreux mots (daheim : à la maison, équivalent de l’anglais at home ; verheimlichen : passer sous silence ; die Heimat : le pays natal, la terre-mère, etc.). La traduction, L’inquiétante étrangeté, proposée d’abord par Marie Bonaparte, reprise en 1985 par Bertrand Féron (éd. Gallimard), a toujours suscité de nombreuses réserves. Les tra- ducteurs eux-mêmes admettent qu’elle « présente plusieurs dé- fauts » (B. Féron) ; mais ils plaident non-coupables : le terme est « en réalité intraduisible en français » (Marie Bonaparte). Quels sont ces défauts ? D’abord le titre français ne rend compte ni de la familiarité, signifiée par heimlich, ni de la néga- tion, marquée par Un, indice selon Freud, « du refoulement » (IE1, p. 69). Ensuite, il est plus une interprétation qu’une tra- duction. Enfin, il est, en quelque sorte, redondance, répétition, chacun des termes évoquant le même sentiment d’angoisse. Aussi, d’autres traductions ont-elles été proposées : le non- familier, « l’étrange familier » (François Roustang), « l’inquiétante familiarité » (Dadoun). Nous suggérerions vo- lontiers : les démons familiers. 1 L’abréviation IE désignera L’Inquiétante Étrangeté, extrait de l’Essai de Psychanalyse appliquée de Freud, trad. Marie Bonaparte et E. Marty, aux Éditions Gallimard. 5 Mais le terme n’est-il pas, comme l’avait compris Marie Bonaparte, sans équivalent en français ? Freud, lui-même, ayant consulté de nombreux dictionnaires, constatait que « dans beaucoup de langues, un mot désignant cette nuance particu- lière de l’effrayant fait défaut » (IE, p. 39). Remarquons ainsi qu’un récit d’Hoffmann, Der unheimliche Gast a été intitulé en français soit Le spectre fiancé soit Ce sinistre visiteur. Chaque langue est une certaine manière, caractéristique d’une culture, de « découper » le réel. Faut-il, pour autant, soupçonner, comme Hélène Cixous, dans le titre français, une « façon de dé- fense », voire de refoulement d’un « type d’effroi » trop mena- çant, et l’associer à « la pensée française », éprise, depuis au moins Descartes, d’une conscience transparente à elle-même, et alors, toujours quelque peu réfractaire au genre fantastique, et au romantisme allemand ? Finalement nous conservons la traduction ancienne, d’une part parce qu’elle est consacrée par l’usage, d’autre part parce qu’elle n’est pas sans une certaine beauté insolite, enfin parce que son impropriété même évoque la difficulté de toute psycha- nalyse à passer d’une langue à une autre, des libres propos te- nus sur le divan, au discours, si proche et si lointain, si familier et si étrange, de l’Inconscient. 6 Avant-propos L’inquiétante étrangeté est une angoisse très particulière : c’est la frayeur qui « se rattache aux choses connues depuis longtemps et de tout temps familières ». Le problème en appa- rence limité auquel s’attache Freud est le suivant : pourquoi le quotidien devient-il soudain si insolite ? Pourtant, beaucoup de commentateurs aujourd’hui tien- nent à accorder à cet article, exhumé de tiroirs, réécrit en 1919, une importance équivalente à celle des grands ouvrages du fon- dateur de la psychanalyse. Un tel engouement est-il justifié ? D’une certaine façon, notre courte étude essaiera de ré- pondre à cette question. Risquons quelques remarques préa- lables : 1. Le texte porte sur « l’objet même de la psychanalyse » : « ce qui n’appartient pas à la maison et pourtant y de- meure »2. En effet, une des hypothèses centrales de la théorie freudienne est la suivante : l’adulte ne se défait jamais tout à fait de l’enfant qu’il fut, et revit, sous des formes déguisées, ses premiers émois, désormais enfouis dans l’Inconscient, et néan- moins vivaces. Les lieux fréquentés, les personnes côtoyées évo- quent toujours, de quelque manière, les divinités tutélaires (pa- rents) et les espaces sacrés (maison familiale) du prétendu 2 J. -B. Pontalis, note préliminaire à Freud, L’inquiétante étrange- té, Paris, Gallimard, 1985. 7 « vert paradis ». Vivre, c’est aussi revivre ce qui fut : voilà pour- quoi les réalités les plus nouvelles peuvent procurer une im- pression de familiarité curieusement angoissante. 2. Le texte ouvre une réflexion sur la nature de la littérature. Les récits fantastiques produisent le sentiment de l’inquiétante étrangeté. Ou bien les êtres les plus terrifiants (l’arracheur d’yeux d’Hoffmann) réveillent des peurs très com- munes (la crainte de perdre la vue) ; ou bien des situations ba- nales se chargent peu à peu d’intense anxiété. Maupassant fut un maître en la matière : une scène d’intérieur, une soirée entre amis, une partie de chasse, et pourtant déjà l’auteur la décrit comme s’il s’en sentait exclu. « Le feu brûlait dans la cheminée ; le gros chien ronflait sous la clarté de la lampe, l’horloge battait comme un cœur ses coups réguliers dans la gaine de bois so- nore » (L’Auberge). Cette intimité elle-même semble avoir quelque chose de mystérieux pour le narrateur qui l’observe de l’extérieur, éternel intrus. Il ne peut s’intégrer à la chaude de- meure, à la fois familière et étrange. On dira que le fantastique n’est qu’un « genre » parmi d’autres. Certes, mais toute œuvre de fiction (littéraire, artis- tique) ne rend-elle pas la banalité étonnante ? Pensons à l’effet produit par des coupures de journaux ou des pièces de ma- chines dans les collages et montages surréalistes. 3. Le texte offre des clefs pour comprendre la « modernité ». Ce qui se répète caractérise la vie quotidienne. Mais les temps modernes ont fait vaciller les points de repère tradition- nels et les oppositions autrefois tranchées se brouillent : entre le 8 masculin et le féminin, le sérieux et le frivole, le désir et la mar- chandise, l’ennui et le rêve, le cocasse et le tragique. « On ne s’y retrouve plus » dit l’homme de la rue qui, par ailleurs, se plaint des rengaines interminables de son existence (métro-boulot-dodo, ou excitation-dépression-excitation). L’insolite et l’habituel, voire le machinal, s’y confondent. 9 Questions de méthode : Commentaire de la première partie, pp. 43-46 Freud commence par déterminer le domaine de son en- quête, préciser les difficultés de celle-ci, indiquer la démarche à suivre pour les affronter. A. Une recherche esthétique Le terme d’Esthétique, tiré au milieu du XVIIIe siècle par Baumgarten, d’un mot grec, aisthêsis, qui signifie sensation, désigne soit une science du Beau, soit une science des impres- sions produites par celui-ci. C’est dans ce deuxième sens que le prend Freud : la psychanalyse, en effet, « étudie les conditions dans lesquelles on ressent le beau, mais elle n’a pu apporter au- cun éclaircissement sur la nature et l’origine de la beauté3 ». Les émotions suscitées par l’œuvre de fiction : tel est le domaine de l’Esthétique psychanalytique. Freud les pose d’emblée comme des mouvements affectifs « inhibés quant au but » (IE, p. 36). Il avait d’abord utilisé ce qualificatif à propos des sentiments de tendresse, d’amitié, de solidarité : ceux-ci seraient provoqués par les pulsions sexuelles trouvant une « sa- tisfaction dans uploads/Philosophie/ freud-l-x27-inquietante-etrangete-long-commentaire-puis-texte-traduit.pdf
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- Publié le Apv 08, 2022
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