Philosopher à l’école primaire Jocelyne Beguery Professeur à l’IUFM de Versaill

Philosopher à l’école primaire Jocelyne Beguery Professeur à l’IUFM de Versailles Préface d’André Comte-Sponville Une collection dirigée par André Ouzoulias Éditions RETZ www.editions-retz.com 9bis, rue Abel Hobelacque 75013 Paris CRDP de l’académie de Versailles www.crdp-ac-versailles.fr 2, rue Pierre-Bourdan 78160 Marly-le-Roy ISBN : 978-2-7256-3139-4 ? co m m e n t f a i r e Le problème et les clés 2 Remerciements Mes remerciements chaleureux et amicaux vont en priorité aux maîtres de l’école primaire qui ont expérimenté avec talent, sérieux et passion les discussions à visée philosophique dans leur classe : Mesdames Nelly Baccala, Françoise Melscoët, Nathalie Laharanne, Catherine Poughon, Lucie Woolf, Laurence Sidersky, Messieurs Bruno Lesage et Gilles Robles. Et à Madame Hélène Ouanas qui, alors directrice du site IUFM de Saint-Germain-en-Laye, a encouragé les actions de formation menées pendant plusieurs années sur le thème « Parler pour apprendre, parler pour penser ». Aux enfants à venir… ? 3 Préface. ...................................................................................... 5 Introduction............................................................................... 7 Le problème et les clés. ..............................................................17 École et philosophie. ........................................................................................23 Mener une discussion à visée pédagogique… À quelles conditions ?. ........................32 La DVP a sa spécificité. .....................................................................................40 Des exemples..................................................................................................52 Les pratiques et leur mise en œuvre............................................87 Les modalités de mise en place d’une expérience fondatrice, celle du cogito.............89 Procédures pédagogiques et didactiques............................................................ 107 Concourir à la transmission. ............................................................................. 153 Les conditions de la réussite. ....................................................191 Induire problématisation, argumentation et conceptualisation.............................. 192 Surmonter certaines difficultés. ........................................................................ 205 Formation des enseignants et méthodologie(s) de la DVP..................................... 220 Pour aller plus loin. ..................................................................243 Une conception de la philosophie. .................................................................... 245 Une conception de l’enfance............................................................................ 256 Une conception des rapports de la philosophie et de l’enfance.............................. 264 En conclusion. ..........................................................................275 Glossaire.................................................................................279 Bibliographies. .........................................................................282 Sommaire Le problème et les clés 4 N.B. : Les astérisques renvoient au glossaire, p. 279. Les références présentes dans les notes renvoient à la Bibliographie des ouvrages cités, p. 282 ? 5 Il n’est jamais trop tôt ni trop tard pour philosopher, expliquait Épicure, car il n’est jamais ni trop tôt ni trop tard pour être heureux1. Est-ce si sûr, pourtant ? Qu’il ne soit jamais trop tôt ou trop tard pour être heureux, on peut l’admettre. Mais pour philosopher ? Si la philo- sophie, selon la définition qu’en donnait le même auteur, se fait par « des discours et des raisonnements »2, elle ne saurait commencer vraiment avant l’acquisition du langage et le développement, qui va avec, de la raison. Ni se poursuivre, hélas, quand raison et langage se délitent. Ce n’est plus mon sujet : ce livre porte sur les enfants, non sur la vieillesse pathologique ; sur l’émergence de la réflexivité, non sur son enlisement. Il n’en est que plus important. Parce qu’il nous confronte à ce que Jocelyne Beguery appelle « une tâche impossible », laquelle ne cesse pas pour cela – si on la mène « dans la conscience continue de cette impossibilité » – d’être utile et attrayante. Philosopher dans une crèche ? Ce peut être le fait, d’ailleurs souhaitable, des adultes qui y travaillent. Mais des enfants, non. Ils n’ont ni les mots ni les concepts qu’il faudrait pour cela. Qu’en est-il alors à l’école primaire ? Les enfants parlent, réfléchissent, raison- nent… Pourquoi ne pourraient-ils faire de la philosophie ? Les professionnels connaissent la réponse, qui donne tort à Épicure ou relativise la portée de sa définition : parce que la phi- losophie n’est pas seulement cette pratique discursive et rationnelle (laquelle peut exister à l’état spontané ou naïf) qu’évoquait le philosophe hellénistique ; elle est aussi un travail, une étude, une discipline, qui passent nécessairement par la lecture – le plus souvent aus- tère et difficile – des grands philosophes du passé. Jocelyne Beguery a raison de le souligner d’entrée de jeu : dans les classes de l’école primaire, « il ne peut évidemment être question d’un enseignement de la philosophie », au sens technique du terme. Nos lycéens, en termi- nale, ont déjà bien du mal à suivre la pensée – nécessairement et légitimement abstraite 1. Lettre à Ménécée,122. 2. Transmis par Sextus Empiricus, Adversus Mathematicos, XI,169, Us. 219, cité par Marcel Conche dans son édition des Lettres et maximes d’Épicure, rééd. Puf, 1987, p.41 : « La philosophie est une activité qui, par des discours et des raisonnements, nous procure la vie heureuse. » Préface 6 – de Platon ou d’Aristote, de Descartes ou de Kant, de Nietzsche ou de Sartre… Manque d’attention ? Manque de maturité ? Manque de culture générale ? Mauvaise maîtrise de la lan- gue ? Sans doute un peu de tout cela. C’est pourquoi je ne me suis jamais battu, au contraire de certains de mes collègues, pour qu’on commence l’enseignement de la ­ philosophie plus tôt, par exemple dès la classe de seconde – non que j’y sois opposé, mais parce que je n’y crois guère. Il me paraîtrait autrement utile de continuer cet enseignement plus tard, et pour cela d’instaurer des cours de philosophie dans toutes les formations du supérieur. Je ne conçois pas qu’on forme un futur médecin, un futur ingénieur ou un futur commissaire de police sans leur donner les outils conceptuels qui leur permettront de penser – de façon critique et informée – les contraintes et les exigences du métier auquel ils se préparent. C’est vrai a fortiori pour de futurs enseignants, et cela nous ramène au bel ouvrage qu’il me revient de préfacer. De quoi s’agit-il ? Non d’enseigner la philosophie aux élèves du primaire, mais de leur apprendre à penser – ce qui est une partie, peut-être la plus précieuse, de toute éduca- tion digne de ce nom. Or, apprendre à penser fait bien partie aussi, depuis Socrate jusqu’à aujourd’hui, des tâches de la philosophie. C’est en quoi il est nécessaire que les enseignants, quel que soit le niveau où ils exercent, disposent au moins d’une certaine culture philoso- phique. Et c’est pourquoi il peut s’avérer utile, si l’activité est bien conduite, d’amener leurs jeunes élèves, comme dit l’auteur, « sur le terrain de la philosophie ». En leur faisant des cours sur la pensée de tel ou tel ? Assurément non. En privilégiant une doctrine ? Encore moins (la laïcité l’interdit). Mais en organisant des « discussions à visée philosophique », ce qui doit aider les enfants à penser par eux-mêmes, donc aussi, c’est la seule voie, avec et contre d’autres. Non « parler pour parler », ce qui n’est que bavardage, mais « parler pour apprendre, parler pour penser », donc aussi écouter, réfléchir, dialoguer. Quelle disposition plus philosophique ? Reste à la susciter, dans les classes, à l’organiser, à l’exploiter, à l’éva- luer… Cela ne peut pas se faire, de la part du maître, n’importe comment ; il y faut une réflexion préalable, une méthode, une compétence, et tel est l’apport principal de ce livre : donner à chacun les moyens, s’il le souhaite, de se lancer valablement dans ce type d’acti- vité intellectuelle et langagière dont la philosophie est à la fois l’origine nécessaire (chez le maître) et le débouché souhaitable (chez l’élève). C’est ouvrir les enfants à l’idée de vérité au moins possible, donc à l’universel, donc à « la liberté de penser », comme dit Jocelyne Beguery, qui est la condition de toutes les autres. André Comte-Sponville Énoncer le paradoxe Un livre encore... Comment en effet ajouter à la logorrhée communicationnelle, à l’inflation du message, la redondance informative et le commentaire sans fin concernant cette invite faite aujourd’hui de toutes parts à l’école à provoquer le débat ? Susciter toujours plus de parole et d’échanges chez nos petits afin de les faire grandir, telle serait l’injonction. L’injonction est nouvelle et naît dans un contexte de crise, face aux difficultés actuelles de la transmission, ses impasses pour certains, ou ses avatars postmodernes pour d’autres. Alors parler une fois encore, l’oser mais pour apprendre aussi bien à... se taire ; parler pour apprendre à penser. Le taiseux, figure intempestive peut-être du philosophe. On pourrait trouver l’entreprise d’une grande prétention ou naïveté. Je voudrais plutôt dire mon scrupule, quoique mon ambition. Celle d’assumer le décalage par rapport à un certain consensus ambiant. Il ne s’agit pas de proposer une nouvelle fois une méthode courte afin de préparer hâtivement à la réalisation de débats dans les classes de l’école primaire, d’alimenter le flot des dites « Nouvelles pratiques philosophiques ». Celles- ci pourvoient suffisamment de sites internet, de publications, de publicités et de colloques, jusqu’au niveau international, puisque l’Unesco maintenant les accueille. Le présent ouvrage n’a pas pour objet de se faire prosélyte à tout prix des discussions à visée philosophique à l’école primaire, mais d’aider ceux qui en pressentent tout l’intérêt à accéder à la formation requise, afin d’en connaître les exigences et les difficultés et d’en éviter les dérives. Certains dénoncent l’imposture d’une pratique de la philosophie avec des enfants. Il est vrai que, sous l’appellation « philosophie avec les enfants », il existe des pra- tiques qui ne relèvent pas du projet de l’école et peuvent même contribuer à le mettre à mal. Éviter les dérives uploads/Philosophie/ philosopher-a-l-x27-ecole-primaire.pdf

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