1.3 Positivisme et Constructivisme Le Moigne (1995 ; 1999 ; 2001 ; 2002 ; 2003)

1.3 Positivisme et Constructivisme Le Moigne (1995 ; 1999 ; 2001 ; 2002 ; 2003) utilise constamment l'opposition entre positivisme et constructivisme pour souligner et justifier sa défense d'une posture constructiviste. Position qui est soutenue par une importante remarque : ‘"Un constructivisme qui, pour “punir” le positivisme, se voudrait aussi totalitaire que lui, serait également pervers. Le paradigme constructiviste est heureusement d'une si foisonnante diversité que le risque d'un impérialisme culturel est à priori plus faible : de « l'épistémologie génétique » de J. Piaget au « constructivisme radical » de E. von Glasersfeld, par « l'épistémologie empirique ou ingénieriale » d ´H. A. Simon et « l'épistémologie de la complexité » d´E. Morin, le spectre des constructivismes est large, bien plus que celui des « positivismes et des réalismes associés, fussent-ils post, ou néo »"(Le Moigne, 2002, p.309) ’ Malgré l’utilisation récurrente de cette opposition par Le Moigne (1995 ; 1999 ; 2001 ; 2002 ; 2003), Girod-Séville et Perret (2003) afirment que le chercheur peut adopter trois positions différentes de recherche, en Science de Gestion : positiviste, interprétativiste et constructiviste. Chacune d'elles présente des caractéristiques distinctes, qui conduisent les efforts de la recherche dans un sens ou dans l’autre. La posture positiviste (qui a ses bases chez Comte, 2002 et Descartes, 2006) est, sans doute, la plus usuelle parmi les recherches académiques. Même dans une science sociale appliquée comme la Science de Gestion, la posture positiviste est prédominante, et ceci a une importante conséquence sur la connaissance qui est produite dans ce domaine. Adopter une posture positiviste implique de considérer que l'objet ou le phénomène qui est analysé existe indépendamment de la personne qui l'analyse. Sujet et objet sont considérés indépendants et, à partir de cette notion, l'effort va dans le sens d’isoler l'objet, afin, de cette façon, d'appréhender la réalité. Il y a une vision déterministe, c'est-à-dire que l'on cherche à définir de manière objective les relations de cause-effet entre les variables. Le chemin de la connaissance scientifique se fait à travers une explication de la réalité, à travers des critères de validité, confirmabilité et réfutabilité des hypothèses de recherche (des relations de cause-effet). La connaissance produite est objective et ne dépend pas du contexte (Girod-Séville et Perret, 2003). La posture interprétativiste a comme objectif, non l'explication de la réalité, mais sa compréhension (Girod-Séville et Perret, 2003). Dans cette posture, la réalité ne sera jamais indépendante de l'esprit, ou de la connaissance de la personne qui l'analyse. Sujet et objet sont interdépendants. Ainsi, la connaissance produite est toujours subjective et particulière à un contexte. Pour les interprétativistes, le processus de création de la connaissance passe par la compréhension du sens que les acteurs engagés donnent à la réalité. Ils cherchent à comprendre la réalité à travers les interprétations faites par les acteurs. De cette façon, les interprétativistes différencient compréhension d'explication, au contraire des positivistes, qui les considèrent toutes deux de forme égale. Les critères de validité pour les interprétativistes sont le caractère idéographique de la recherche (comprendre le caractère singulier des événements analysés, en réalisant une description détaillée du phénomène analysé, y compris leurs aspects historiques et contextuels) et l'empathie que le chercheur développe (c'est-à-dire que, pour une compréhension de la réalité sociale qu’il observe, il a besoin de s'approprier la langue et la terminologie propre des acteurs impliqués). La posture constructiviste, quant à elle, ainsi que la posture interprétativiste, part du principe que le sujet et l’objet sont interdépendants, c'est-à-dire que le sujet qui analyse influence sur l'objet qui est analysé. En ce sens, pour les constructivistes, la réalité est construite. De même que pour les interprétativistes, pour les constructivistes, le monde social est fait d'interprétations, qui se construisent grâce à des interactions entre des acteurs, dans des contextes qui sont toujours particuliers. De cette manière, l'interprétation du comportement des acteurs doit toujours être liée à leurs contextes historiques. Ainsi, la connaissance construite à partir de cette posture est aussi subjective et contextuelle. Piaget (1976) est considéré comme un des grands noms du constructivisme. La relation d'interdépendance entre sujet et objet est évoquée par l'auteur au travers du processus d'assimilation, d’accommodation et d'équilibration. Selon cet auteur, pour comprendre un objet, l’individu crée des projets d'assimilation qui le font agir sur cet objet. À travers ces projets d'assimilation, la personne accommode à son esprit cette compréhension sur l'objet (objet agissant sur l’individu). Ce processus continu d'équilibration avance, au fur et à mesure que de nouvelles accommodations produisent des déséquilibres qui forcent l’individu à créer de nouveaux projets d'assimilation, pour les accommoder nouvellement. Outre cette équilibration dans la relation sujet et objet, Piaget (1976) souligne encore deux autres types d'équilibration : entre chaque compréhension accommodée ; dans une relation hiérarchique entre ces compréhensions accommodées. Bien que la posture constructiviste partage quelques idées avec la posture interprétativiste, elles se différencient, au moins, dans les deux points suivants: (1) tandis que pour les interprétativistes la compréhension de la réalité se fait dans le but de comprendre la réalité des acteurs étudiés, pour les constructivistes, le processus de compréhension du chercheur participe de la construction de la réalité de ces acteurs étudiés ; (2) pour les constructivistes, le processus de compréhension est lié à la finalité du projet de connaissance auquel le chercheur se propose, c'est-à- dire que le processus de constitution de la connaissance, nécessairement, est lié à l'intentionnalité ou à la finalité du sujet qui analyse. En ce qui concerne les critères de validité dans des recherches qui adoptent cette posture, le débat est encore grand (Girod-Séville et Perret, 2003). Quoi qu'il en soit, pour Le Moigne (2001), le chercheur ne doit pas s'assurer que la connaissance est démontrée, mais il doit s'assurer que la connaissance est construite et reproduite (par les impliqués), d'une forme qui se rende intelligible pour ses interlocuteurs. Dans le champ de la stratégie, Mir et Watson (2000) affirment que la posture constructiviste apporte la notion selon laquelle les chercheurs en stratégie sont des acteurs et non de simples processeurs réactifs. Ils ne font pas qu'observer et décrire leurs découvertes. Ils assument effectivement un rôle dans le processus, en définissant quelles structures sont plus ou moins appropriées pour être adoptées. Les auteurs suggèrent qu'une posture constructiviste dans le champ de la stratégie rende possible une excellente occasion de relier les réalités organisationnelles et les grands systèmes sociaux. C'est-à-dire que ces auteurs suggèrent que la posture constructiviste représente une importante grille méthodologique de référence pour les études en stratégie. Ces auteurs complètent cet argument, en affirmant que la posture constructiviste est particulièrement intéressante dans la recherche de sujets sur comment les stratégies sont formées, communiquées, mises en oeuvre et comprises dans des organisations complexes (Mir et Watson, 2001). En supposant l'insertion du sujet dans l'objet, la co-construction entre le chercheur et les directeurs des entreprises étudiées, ainsi que l'intentionnalité ou finalité du chercheur dans la construction de la connaissance qui est produite (connaissance actionnable pour les managers des entreprises étudiées - attracteur téléologique qui sera présenté), la posture de conception adoptée dans cette recherche est d'inspiration constructiviste, comme suggéré dans Le Moigne (2001). uploads/Philosophie/ positivis-et-contructiv.pdf

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