À QUOI SERVENT LES « LOIS DE LA NATURE » ? AVEC QUELLES CONSÉQUENCES ? Marquer

À QUOI SERVENT LES « LOIS DE LA NATURE » ? AVEC QUELLES CONSÉQUENCES ? Marquer les chairs au fer rouge… En finir avec l’idée de Nature, renouer avec l’éthique et la politique éditions tahin party « Ni ordre, ni équilibre naturel, ni nature des choses. Ni harmonie, ni finalité. Ni totalité, ni puissance. La nature n’existe pas. Rien dans la science contemporaine ne soutient cette ancienne vision du monde. Cependant, cette cosmogonie se perpétue à travers les siècles, et infuse toujours la pensée contemporaine. L’idée de la nature joue un rôle idéologique central dans nos civilisations. Elle permet de séparer « l’humanité » du reste de l’univers. Elle sous-tend une relation mystique avec la Totalité et la Puissance. Elle justifie des normes, des prescriptions et des interdictions. Elle soutient les idéologies humaniste et spéciste. Elle court-circuite nos exigences de justice en invoquant à la place le « naturel » ou « contre-nature ». Rejeter l’idée de la nature permet de renouer à la fois avec l’éthique et avec une politique fondée sur le raisonnable. » colored people women animals children Ce qui est naturel est bien, répète-t-on1. La Nature est un ordre, harmonieux, où toute chose est à sa place, qu’il ne faut pas déranger. Elle inspire un sentiment religieux de respect, au sens d’adoration et de crainte (comme de soumission devant tout ce qui nous paraît puissant et dangereux). En toute chose il faudrait « suivre la nature », faute de quoi on risquerait d’être « contre-nature ». Pourtant, si la nature désigne tout ce qui existe, l’ensemble du réel, alors on ne peut en aucune façon déranger la nature : rien ne peut être contre-nature. Si en revanche la nature désigne une partie seulement de ce qui existe, alors il n’y a de sens à parler de « contre-nature » que si l’on suppose que cette nature est le siège d’une finalité, c’est- à-dire, qu’elle poursuit une fin, un objectif qui lui est propre. Or, rien ne soutient ce point de vue. La science tout du moins, depuis Darwin, est muette sur ce point2. Croire que « la Nature » se donne des buts relève de la foi (foi en l’ordre naturel ou foi en Dieu). En outre, l’existence d’une entité « Nature » munie d’une finalité ne règlerait pas en soi le problème éthique : il ne découle pas automatiquement de l’existence de la Nature (ou de celle de Dieu) qu’il faille se soumettre à sa volonté. En soi, cultiver un sentiment de « res­ pect » de ce qui apparaît comme une puissance, et de soumission à un ordre (même déguisée en « volonté d’harmo­ nie »), ne paraît pas de bon augure... Et pourtant, l’idée de nature reste omnipré­ sente dans les discours normatifs. En pra­ tique, l’attitude est plus ambiguë : tantôt les humains dénoncent avec indignation 1.  Cet article contient des passages empruntés – avec l’accord de l’auteure – à la préface d’Estiva Reus à l’essai La nature de John Stuart Mill (La Découverte, 2003). Cet essai de Mill, dont la première édition remonte à 1874, offre une remarquable analyse critique des doctrines qui « font de la Nature un critère du juste et de l’injuste, du bien et du mal, ou qui d’une manière ou à un degré quelconque approuvent ou jugent méritoires les actions qui suivent, imitent ou obéissent à la nature ». (p. 55) Plus généralement, les analyses développées ci-après doivent beau­ coup aux réflexions en cours au sein du mouvement pour l’égalité animale. 2.  Voir l’ouvrage collectif Espèces et éthique. Darwin, une (r)évolution à venir, éd. tahin party, 2001. Les versions de la biologie, de l’écologie ou de la théorie de l’évolution que l’on apprend à l’école, dont on lit des comptes rendus de vulgarisation dans les magazines (y compris scien­ tifiques), dont on entend parler à la radio ou à la télévision, sont très généralement truffées de mentions naturalistes, finalistes et holistes. 2 11 Peter Singer, La Libération animale, éd. Grasset, 1993 (21e). Peter Singer, Questions d’éthique pratique, éd. Bayard, 1998 (24,60e). Peter Singer, L’égalité animale expliquée aux humains, éd. tahin party, 2002 (2,30 e). Collectif, Luc Ferry ou le rétablissement de l’ordre, ou l’humanisme contre l’égalité, éd. tahin party, 2002 (3 e). Collectif, Darwin, une (r)évolution à venir, éd. tahin party, 2002 (8 e). Les Cahiers antispécistes, revue pour l’égalité animale (plus de 40 numéros parus) dont les textes sont accessibles sur : http://cahiers-antispecistes.org Brochures et textes téléchargeables : http://infokiosques.net/antispecisme Jeffrey Moussaieff Masson & Susan McCarthy, Quand les éléphants pleurent : la vie émotionnelle des animaux, éd. Albin Michel, 1997 (6,50 e). Y. Bonnardel, T. Lepeltier, P. Sigler (dir.), La Révolution antispéciste, PUF, 2018. Les livres des éditions tahin party sont disponibles gratuitement sur internet : http://tahin-party.org  Antoine Comiti, Le spécisme et les pratiques spécistes, http://antoine.comiti.free.fr/specisme/index.htm Groupe Facebook « Contre l’idée de Nature » https://www.facebook.com/groups/542299149541934/ Petite bibliographie complémentaire •  RÉSEAU ANTISPÉCISTE : 20, rue Cavenne – 69007 LYON – FRANCE courriel : reseau.antispeciste@poivron.org site : reseau-antispeciste.org •  ASSOCIATION PEA - Pour l’Égalité Animale - 1200 Genève (Suisse) courriel : info@asso-pea.ch •  JOURNÉE MONDIALE POUR LA FIN DU SPÉCISME site : https://end-of-speciesism.org/fr •  Inscription sur la liste internet de CRITIQUE DE L’IDÉE DE NATURE : site : poivron.org/mailman/listinfo/contre-nature Contacts Yves Bonnardel, d’après un texte de Estiva Reus.  Texte paru dans la revue Les Temps Modernes de mars-juin 2005. Cette brochure est téléchargeable en plusieurs langues sur le site des éditions tahin party: http://tahin-party.org les propositions creuses ou fausses ne de­ viennent pas vraies à force de répétition. Elles constituent un danger parce qu’elles offrent une ligne de conduite illusoire ou erronée face à des problèmes bien réels. In­ voquer la nature en lieu et place de principes clairs de jugement compte parmi les infirmi­ tés majeures qui handicapent de nombreux mouvements contemporains qui souhaitent améliorer le monde. Invoquer un critère de naturalité en lieu et place d’un critère de justice permet d’asseoir toutes les injustices. L’éthique est la recherche du bien. La seule éthique digne de ce nom est celle qui s’applique à tous les êtres à qui on peut faire du bien ou du mal, c’est-à-dire à tous les êtres conscients (sen­ sibles). Cela découle du principe de justice ou d’équité : l’égalité, par définition, refuse toute discrimination arbitraire. Beaucoup préfèrent aujourd’hui se plon­ ger dans la nostalgie d’un « âge d’or » ou de « modes de vie traditionnels harmonieux » qui n’ont jamais existé, plutôt que de se battre ici et maintenant pour l’avénement enfin de mondes qui se soucient des autres mondes, de tous les autres. La politique, si elle se veut fondée sur l’éthique, n’a rien non plus à gagner à vouloir arcbouter ses valeurs sur le sentiment de la nature. Heureusement, il n’y a aucune fatalité naturaliste : il n’est dans la « nature » de per­ sonne de préférer une frileuse révérence à l’Ordre plutôt qu’un débat ouvert et contra­ dictoire sur ce qu’il est juste ou non de faire. ce qu’ils jugent contre-nature, tantôt ils célèbrent les conquêtes qui ont permis à l’humanité d’échapper aux rigueurs de sa condition primitive. Personne ne souhaite vraiment que nous imitions la nature en tout point, mais personne ne renonce pour autant volontiers à l’idée que la Nature doit nous servir d’exemple ou de modèle. Les considérations sur ce qui est contre-nature et ce qui est naturel (censé être équiva­ lent à : normal, sain, bon...) viennent trop souvent court-circuiter la réflexion sur ce qu’il est bon ou mauvais de faire, sur ce qui est souhaitable et pourquoi, en fonction de quels critères. L’idée de nature « pollue » les débats moraux et politiques... 3.  En revanche, la pratique routinière de l’insémination artificielle sur les mêmes vaches n’a ni scandalisé l’opinion publique, ni agité les comités d’éthique. Quant à ce que subissent les vaches elles-mêmes, qui s’en soucie ? 15. « Un mot pour désigner la chose la plus importante du monde, peut-être la seule qui importe : le fait que certains êtres ont des percep­ tions, des émotions, et que par conséquent la plupart d’entre eux (tous ?) ont des désirs, des buts, une volonté qui leur sont propres. » Cf. Estiva Reus, « Sentience ! », Les Cahiers antispécistes n°26, avril 2005. Notons que certains animaux ne sont pas sentients, tels les éponges, les méduses ou les moules et les huîtres. 16.  Cf. Claude Guillon, À la vie à la mort. Maîtrise de la douleur et droit à la mort, Noêsis, 1997. 10 3 La révérence pour l’ordre naturel Le naturel reste fortement associé à des jugements de valeur. La publicité utilise le mot « nature » pour désigner ou évoquer n’importe quelle notion à connotation posi­ tive : campagne, santé, tradition, éternité, force, authenticité, sagesse, simplicité, paix, splendeur, abondance... Le sentiment de la nature apporte un « supplément d’âme » bienvenu au monde de la marchandise, il participe du « réenchantement du monde » capitaliste : qu’est-ce qui, à l’heure uploads/Philosophie/ pour-en-finir-avec-l-x27-idee-de-nature-et-renouer-avec-l-x27-ethique-et-la-politique.pdf

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