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La « galaxie pragmatiste », ou le « pôle pragmatique » (Dosse, , p. -), a fait son entrée sur la scène intellectuelle française depuis les années quatre-vingt, parallèlement au refl ux des « anciens paradigmes » – structuralisme, marxisme, fonctionnalisme – face à la montée en force de Nous sommes partis du constat de la diff usion récente en France – depuis une vingtaine d’an- nées – des ouvrages fondateurs de la philosophie pragmatiste, grâce notamment aux travaux pionniers de traduction, de commentaires, de critique de Gérard Deledalle (sur Peirce, James et Dewey), et plus récemment à ceux initiés par une équipe de chercheurs rassemblés autour de Jean-Pierre Cometti. Ajoutons à cela les travaux de Jacques Bouveresse, de Sandra Laugier et de Christiane Chauviré sur Wittgenstein notamment, de Vincent Descombes, de Claudine Tiercelin et Pierre T ibaud sur Peirce, de David Lapoujade sur William James. Sans parler de l’importance actuellement accordée à certains penseurs dits « néo-pragmatistes » comme Rorty, Putnam, Brandom ou Shusterman. Mais le pragmatisme a aussi irrigué, soit explicitement, soit de façon plus larvée, certains courants sociologiques récents, comme le GSPM, à l’École des Hautes études en sciences sociales, fondé par Luc Boltanski et Laurent T évenot, les études tournées vers l’ethnométhodologie et la sémantique de l’action d’Isaac Joseph et Louis Quéré, ou encore les études novatrices de sociologie des sciences de Bruno Latour et Michel Callon. Certains historiens, dans le sillage des sociologues déjà cités, ont entrepris de tirer des ensei- gnements du pragmatisme pour fonder une histoire des pratiques (voir Lepetit, ). Enfi n, on peut relever, ces dernières années, un nombre croissant de revues ou de collections ayant consacré un numéro à ce courant philosophique et à ses implications en sciences humaines : Critique (), la Revue internationale de philosophie (), la collection « Raisons pratiques » (), L’art du comprendre (), AEGIS (). * Pour des raisons indépendantes de notre volonté et de celle de son traducteur, Danny Trom, chercheur au GSPM (Groupe de sociologie politique et morale), nous n’avons pu publier la traduction de l’article de Charles Wright Mills (), « Situated actions and vocabularies of motive ». Nous tenons à signaler que cette traduction paraîtra dans un prochain ouvrage dirigé par D. Trom, chez Economica, dans la collection « Études sociologiques ». Le comité de rédaction regrette l’absence de cette publication. ÉDITORIAL 6 la thématique de l’action et de l’acteur. Ce déferlement donne ainsi l’im- pression qu’émerge un nouveau « courant » au sein des sciences humaines et sociales². Pourtant, il s’inscrit dans une fi liation complexe et largement débattue : qui sont les auteurs canoniques du pragmatisme ? Est-il possible et/ou souhaitable de rechercher une unité de la pensée pragmatiste par-delà ses nombreuses déclinaisons historiques ? Le pragmatisme constitue-t-il un nouveau « paradigme » capable d’aborder une gamme de phénomènes plus large que les « anciens » paradigmes ? Quels rapports entretiennent « prag- matisme » et « pragmatique » ? Autant de questions qu’il nous semblait per- tinent d’aborder et d’articuler dans ce numéro. Il est devenu habituel, à l’orée d’un développement sur le pragmatisme, de défendre celui-ci contre un certain nombre de raccourcis polémiques qui circulent encore : doctrine grossière, version philosophique de « l’esprit du commerce » (Russell), construction idéologique glorifi ant l’Amérique… Autant de poncifs sur lesquels nous ne reviendrons pas, si ce n’est pour pré- ciser une chose au sujet de leur origine. Celle-ci est certainement à isoler dans une certaine façon qu’on a de considérer le pragmatisme ; façon en elle- même bien peu pragmatiste, puisqu’elle postule une unité essentielle à une pensée au contraire ouverte à la variété des usages philosophiques. La ques- tion qui se pose est alors la suivante : s’il est apparemment aussi fl ou, quelle est la positivité théorique, heuristique du pragmatisme ? Il se présente au départ comme une méthode de clarifi cation conceptuelle et de discrimina- tion des problèmes philosophiques. Cependant, on a aujourd’hui l’impres- sion d’un courant qui, pour être extrêmement plastique et changeant, n’en fonctionne pas moins comme un autre paradigme, avec ses thèmes favoris, ses passages obligés et même ses évidences partagées, au moins comme une base de travail commune. On comprendra que la question de la positivité théorique et heuristique du pragmatisme ne puisse être résolue a priori. L’approche proposée dans ce numéro vise justement à éviter cet écueil. En se rendant attentive à la recherche « en train de se faire », elle essaie de saisir les diff érences apportées par le pragmatisme dans la construction des objets, la pratique des enquêtes, la fabrication des concepts. Bref, au plus près du tra- vail concret. La méthode que nous proposons d’utiliser pour explorer cette pluralité est donc pragmatiste. L’objectif de ce numéro vise en eff et à contri- buer à la clarifi cation des usages du terme « pragmatisme » en lui appliquant la maxime pragmatiste telle que l’a énoncée son fondateur, Charles S. Peirce (), lors de la « première conférence de Harvard », en : C’est cette impression que la contribution de Romain Pudal discute de façon critique. ÉDITORIAL 7 Considérer quels sont les eff ets pratiques que nous pensons pouvoir être pro- duits par l’objet de notre conception. La conception de tous ces eff ets est la conception complète de l’objet. Pour développer le sens d’une pensée, il faut donc simplement déterminer quelles habitudes elle produit, car le sens d’une chose consiste simplement dans les habitudes qu’elle implique.³ Il s’agit donc moins de consacrer un numéro à la question des pragma tismes, pour statuer sur l’achèvement d’un hypothétique « tournant pragmatiste », que d’apporter une contribution à l’explicitation des consé quences du (des) pragmatisme(s) (Rorty, ). Un tel travail d’explicitation nous semble nécessaire quand on cherche à éviter que le vocabulaire pragmatiste (coopé- ration, expérience, créativité, interaction, transaction, conséquences, etc.) ne se fi xe en un réfl exe théorique conduisant à enchaîner des concepts sans véritablement prendre la peine d’en interroger la pertinence. Ces conséquen- ces sont abordées d’un point de vue à la fois théorique et méthodologique, sur un échantillon de disciplines aussi large que possible (philosophie, scien- ces cognitives, sociologie, géographie, sciences du langage, théorie littéraire, histoire, sciences politiques), ce qui constitue sans doute l’originalité la plus immédiatement visible de ce numéro. Nous avons donc souhaité identifi er de nouvelles habitudes de recherche, de nouveaux positionnements épisté- mologiques, de nouveaux outils théoriques, que l’on peut tous considérer comme impliqués par ces usages du pragmatisme. Pragmatisme(s)/pragmatique(s) : confusion ou « air de famille » ? Abandonnons donc l’idée du pragmatisme comme corps doctrinal unifi é. On pourrait reconduire ici la classifi cation de Robert Brandom (Brandom, , p. -) qui distingue diff érentes versions du pragmatisme (prag- matisme uploads/Philosophie/ pragmatismes-vers-une-politique-de-l-x27-action-situee.pdf
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- Publié le Jul 22, 2022
- Catégorie Philosophy / Philo...
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