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See discussions, stats, and author profiles for this publication at: https://www.researchgate.net/publication/319591899 L’opposition entre réalisme et idéalisme ?: Genèse et structure d’un contresens Article in Revue de Métaphysique et de Morale · September 2017 DOI: 10.3917/rmm.173.0393 CITATION 1 READS 5,740 1 author: Some of the authors of this publication are also working on these related projects: 1) Study about history of “idealism” (from Leibniz to Husserl) and history of its misinterpretations (Diderot, German Popular Philosophy, Moore and so Realism today. View project Nouveaux réalismes View project Isabelle Thomas-Fogiel University of Ottawa 57 PUBLICATIONS 23 CITATIONS SEE PROFILE All content following this page was uploaded by Isabelle Thomas-Fogiel on 13 January 2019. The user has requested enhancement of the downloaded file. 1 Article paru dans la Revue de métaphysique et de morale, N°3, en septembre 2017 L’opposition entre réalisme et idéalisme ? Genèse et structure d’un contresens. Abstract : Dans la philosophie la plus contemporaine, essentiellement dominée par la revendication de « réalisme », « l’idéaliste » apparaît, en de multiples occurrences, comme celui qui, niant la réalité du monde extérieur, se confondrait, dès lors, avec un subjectivisme débridé, qui immanquablement déboucherait sur un relativisme généralisé. Or, aucun philosophe idéaliste n’a jamais soutenu ce type de position. Ce qui ne laisse pas d’étonner. Comment une doctrine, que nul n’a jamais soutenue dans l’histoire de la philosophie, peut- elle faire l’objet d’une telle unanimité dénonciatrice (des Encyclopédistes à certains types de marxisme, de la « Réfutation de l’idéalisme » par Moore au réalisme le plus contemporain) ? A quelles conditions cette figure de l’idéaliste en négateur de monde extérieur a-t-elle pu naître (bien avant que Kant ne revendique le terme), et sur quel terreau philosophique a-t-elle pu prospérer ? C’est l’origine de cette ombre portée sur la signification de l’idéalisme ainsi que sur sa prétendue opposition à son supposé contraire absolu (le réalisme), que je voudrais prendre ici comme objet d’analyse. Suivre l’évolution sémantique du terme « idéalisme » de sa naissance en 1702 aux années 1780 (genèse), me permettra de revenir aux actes conceptuels (structure) qui ont présidé à la création de ce cliché, que l’on pourra, au terme de ces analyses, considérer pour ce qu’il est, à savoir l’un des contresens les plus spectaculaires, mais aussi les plus intéressant, de l’histoire de la philosophie. In most contemporary philosophy, essentially dominated by realism, the idealist often appears as one who denies the reality of the external world, and is therefore thought of as a subjectivist and/or a relativist. But no idealist philosopher has ever supported such a position. How can a doctrine which no one has ever supported in the history of philosophy be subject to such denunciatory unanimity (from the Encyclopedists to different varieties of Marxism, from the "Refutation of Idealism" by Moore to the most contemporary realism)? Under what conditions could this image of the idealist as denier of the outside world have been born and on what philosophical ground has it been able to prosper? This is the origin of the shadow cast on both the meaning of idealism and its alleged opposition to its supposed absolute antithesis, realism, which I would like to consider here as an object of analysis. To follow the semantic evolution of the term idealism from its birth in 1702 to the 1780s (genesis) will allow me to return to the conceptual acts (structure) that presided over the creation of this cliché. At the end of this analysis we can consider this cliché for what it is, namely one the most spectacular but also the most fascinating misinterpretations in the history of philosophy. Les philosophes, qui aujourd’hui revendiquent explicitement le terme « idéaliste », sont rares voire inexistants. L’adjectif semble ne plus devoir désigner que des philosophes du passé : en premier lieu l’imposante galaxie que fut l’idéalisme allemand, puis au début du vingtième siècle : Bradley, Royce ou Husserl. Mais si l’idéalisme ne semble plus guère 2 revendiqué, cela ne signifie pas qu’il ait disparu des actuels livres de philosophie puisque, depuis une trentaine d’années, il est abondamment utilisé par la pléthore de philosophes qui se réclament du « réalisme ». Ce réalisme contemporain (qui représente la « constellation conceptuelle »1 de notre début de vingt unième siècle) utilise le terme « idéalisme » comme le prototype de l’écueil à éviter ou de l’ennemi à combattre. Bref, une grande partie de la philosophie de ces trente dernières années a remis sur le devant de la scène, la querelle de l’idéalisme et du réalisme, mais de manière évidemment réactive puisque l’idéalisme n’a plus de représentant déclaré et ne sert plus au réalisme qu’à se poser en s’opposant. De ces occurrences purement négatives du terme « idéalisme », émerge une signification première, à savoir que l’idéaliste serait celui qui, niant la réalité du monde physique extérieur, se confondrait, dès lors, avec un subjectivisme débridé, qui immanquablement déboucherait sur un relativisme généralisé. Evoquons, pour montrer la prégnance de cette image, deux exemples récents parmi tant d’autres : Tiercelin, tout d’abord, qui, dans son petit traité de métaphysique réaliste de 2011, n’hésite pas à écrire contre Hegel : « un coup de poing viendra à bout de tous les arguments idéalistes niant la réalité du monde extérieur »2, montrant, par-là, que l’idéalisme est, à ses yeux, une sorte de subjectivisme ou de solipsisme radical, pour lequel les représentations ponctuelles de l’individu sont seules tangibles, et pour lequel, dès lors, l’environnement extérieur n’existe pas. Bimbenet, ensuite, qui, dans son livre de 2015, identifie l’idéalisme au subjectivisme et au relativisme le plus élémentaire, soit au stade de la conscience de l’animal qui, incapable d’objectiver le monde comme réalité hors de lui, en fait une simple extension dont il est le centre3. Or, comme le soulignait déjà Hegel, aucun philosophe idéaliste n’a jamais soutenu ce type de position4. Ce qui ne laisse pas d’étonner. Comment une doctrine, que nul n’a jamais soutenue dans l’histoire de la philosophie, peut- elle faire l’objet d’une telle unanimité dénonciatrice ? A quelles conditions cette figure de l’idéaliste en négateur de monde extérieur a-t-elle pu naître et prospérer, au point que la recension de ses multiples occurrences dans la littérature la plus contemporaine occuperait un livre entier ? 1 Sur ce point, voir notre livre Le lieu de l’universel, impasses du réalisme dans la philosophie contemporaine Seuil, 2015. 2 Ithaque, Paris, p.226 3 « On voit mieux alors en quoi s’impose ici (i.e dans le cas de l’animal) un idéalisme. On entendra par-là très précisément un subjectivisme, un phénoménisme ou un relativisme.», L’invention du réalisme, Cerf, 2015, p. 19. 4 « L’idéalisme, dit-on souvent, consiste à affirmer que l’individu engendre par lui-même toutes ses représentations, même les plus immédiates, qu’il pose tout à partir de lui-même. C’est là toutefois une représentation non-historique et fausse. Si l’idéalisme est tel que ce grossier mode de représentation le définit, il n’y a en fait jamais eu aucun idéaliste parmi les philosophes » Leçons sur l’histoire de la philosophie, Hegel Werke, Surhkamp Taschenbuch Wissenschaft, Frankfurt am Main, tome 19, p.11. 3 C’est cette ombre portée depuis plus de deux siècles sur la signification de l’idéalisme que je voudrais prendre ici comme objet d’analyse. En effet, si on reconnaît qu’aucun idéaliste revendiqué n’a jamais soutenu l’inexistence d’un monde extérieur5, quels sont, dès lors, les ressorts de cette représentation tenace, qui sert aujourd’hui à asseoir ce nouveau lieu commun contemporain selon lequel le réalisme serait « l’horizon indépassable de notre temps » ? Faut- il imputer la permanence de ce cliché aux ambiguïtés des premiers philosophes qui se réclamèrent de l’idéalisme, à savoir Kant et Fichte, ou doit-on, au contraire, l’indexer sur d’autres sources que le subjectivisme et relativisme prétendus de ses pères fondateurs ? C’est cette deuxième solution que nous envisagerons ici pour la simple et bonne raison que la représentation de l’idéaliste en négateur du monde extérieur a précédé Kant et ne doit donc rien à son intervention. Nous nous proposons de revenir à l’origine historique de ce cliché, que l’on pourra, au terme de nos analyses, considérer pour ce qu’il est, à savoir un des contresens les plus spectaculaire, mais aussi les plus intéressant, de l’histoire de la philosophie. Mettre en lumière les sources de ce contresens permettra de cerner ses exactes conditions philosophiques, c’est-à-dire d’en repérer le terreau et de décomposer les actes conceptuels qui ont présidé à son émergence puis à sa perpétuation. Pour ce faire, nous retracerons tout d’abord les heurs et malheurs du concept d’idéalisme de sa naissance, en 1702, jusque dans l’Allemagne pré-kantienne des années 1760. Nous aborderons ensuite une partie du moment kantien (1755/1783) en comparant la manière dont Kant définit l’idéalisme non transcendantal (idéalisme en général) avec la manière dont cet idéalisme est compris par les partisans du sens commun de son époque (les éclectiques de la Popularphilosophie), qui sont ceux qui parvinrent à ancrer durablement le contresens dans l’imaginaire philosophique. Cette enquête sur l’évolution sémantique d’un terme n’a pas pour but de démontrer que le réalisme contemporain est à l’idéalisme uploads/Philosophie/ realisme-et-idalisme.pdf
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- Publié le Jan 20, 2022
- Catégorie Philosophy / Philo...
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