Linx Revue des linguistes de l’université Paris X Nanterre 49 | 2003 L'actualit
Linx Revue des linguistes de l’université Paris X Nanterre 49 | 2003 L'actualité des notions d'interlangue et d'interaction exolingue Réflexion autour du concept d’interlangue pour décrire des variétés non natives avancées en français Stéphanie Galligani Édition électronique URL : http://journals.openedition.org/linx/562 DOI : 10.4000/linx.562 ISSN : 2118-9692 Éditeur Presses universitaires de Paris Nanterre Édition imprimée Date de publication : 1 décembre 2003 Pagination : 141-152 ISSN : 0246-8743 Référence électronique Stéphanie Galligani, « Réflexion autour du concept d’interlangue pour décrire des variétés non natives avancées en français », Linx [En ligne], 49 | 2003, mis en ligne le 18 mars 2011, consulté le 30 avril 2019. URL : http://journals.openedition.org/linx/562 ; DOI : 10.4000/linx.562 Département de Sciences du langage, Université Paris Ouest 141 Réflexion autour du concept d’interlangue pour décrire des variétés non natives avancées en français Stéphanie Galligani Université Paris III – Sorbonne Nouvelle et LIDILEM – Grenoble Introduction Depuis plus d’une vingtaine d’années, de nombreuses recherches empiriques sur l’acquisition spontanée d’une langue étrangère par des adultes immigrés en milieu social ont vu le jour ; beaucoup d’entre elles ont porté sur la description des processus d’acquisition et sur l’évolution des connaissances. On peut citer, entre autres, les recherches coordonnées par la Fondation Européenne de la Science (ESF) ou encore les travaux des deux équipes du GRAL1 (GRAL Paris et GRAL Université de Provence) dont l’objectif a été d’étudier la compétence linguistique et communicative en langue du pays d’accueil chez des migrants adultes monolingues, peu scolarisés et ne recevant que peu de cours de français. S’il est évident que ces divers travaux ont permis de mettre en lumière les processus d’acquisition de la langue d’accueil (désormais langue d’accueil = LA) en accordant une attention particulière à la mise en place progressive des hypothèses de construction de l’interlangue, il n’en est pas moins vrai qu’aujourd’hui très peu d’observations ont été entreprises sur les pratiques effectives en français parlé chez ces migrants de longue date. Il est d’autant plus surprenant que ce domaine de recherche ait été écarté des préoccupations des chercheurs dans la mesure où celui-ci pourrait s’inscrire dans le prolongement des premiers travaux du programme ESF sur le volet acquisitionnel. C’est dans cette perspective de recherche qu’ont été réalisés mes travaux en doctorat2 sur les pratiques langagières en français parlé par des migrants espagnols de longue date à partir d’entretiens individuels réalisés auprès de quatre sujets installés en France depuis plus d’une vingtaine d’années. Cette recherche m’a permis, entre autres, d’approfondir les divers travaux réalisés sur l’acquisition d’une langue étrangère en 1 Groupe de Recherche sur l’Acquisition des Langues. 2 Voir Costa Galligani 1998 (a). Stéphanie Galligani 142 contexte social (même si leur intérêt se limite à la description des compétences linguistiques d’apprenants en LA lors des premiers stades du processus d’acquisition) mais surtout d'évaluer les différents outils utilisés pour décrire les comportements langagiers d’apprenants en langue étrangère. Un des outils privilégiés dans la mise au jour de leur répertoire langagier en LA est celui d’interlangue, concept nodal en psycholinguistique de l’acquisition. Mon objectif a été de déterminer la pertinence de ce concept dès lors qu’il s’agit de caractériser des variétés non natives avancées de français chez des migrants. Cet article se limitera d’abord à rappeler en détail les propriétés du concept d’interlangue qui, dans une perspective acquisitionnelle, sert à caractériser les systèmes intermédiaires par lesquels passe l’apprenant en langue étrangère. Il se poursuivra ensuite par une réflexion sur certaines limites d’application d’un tel concept pour décrire des situations de contacts de langues en contexte migratoire. Le concept d’interlangue : définition et propriétés Sans vouloir retracer l’évolution des différentes approches sur les processus acquisitionnels mis en œuvre par un apprenant en langue étrangère, il me semble pourtant nécessaire de rappeler que l’analyse des erreurs, qui a suscité de nombreuses interrogations et des ouvertures dans le domaine de l’apprentissage d’une langue étrangère, a permis que l’on s’intéresse à la langue de l’apprenant, c’est-à-dire à son interlangue définie comme « la connaissance et l’utilisation non-natives d’une langue quelconque par un sujet non-natif et non-équilingue, c’est-à-dire un système autre que celui de la langue cible mais qui, à quelque stade d’apprentissage qu’on l’appréhende, en comporte certaines composantes » (Besse et Porquier 1991 : 216). Dès lors, une discussion terminologique s’engage sur la notion d’interlangue au niveau de ses différentes définitions et acceptions dans les nombreux travaux déjà effectués dans ce domaine. Sa définition Corder part de l’idée que « quelqu’un qui apprend une langue étrangère (LE) possède une langue en ce sens que son activité langagière obéit à des règles, et que l’on peut par conséquent, en principe, la décrire en termes linguistiques » (Corder 1980 : 29). Ce que ce chercheur nomme « la langue de l’apprenant » a reçu diverses dénominations selon les auteurs. Ainsi figure dans le paragraphe du chapitre X de la Grammaire et didactique des langues, à la suite de Frauenfelder et al. (1980 : 44), un rappel des différentes terminologies complétées par le nom des auteurs et la date de parution : « Ce que l’on a dénommé, ici ou là, système approximatif (Nemser 1971), compétence transitoire (Corder 1967), dialecte idiosyncrasique (Corder 1971), système intermédiaire (Porquier 1974), interlangue (Selinker 1972), système approximatif de communication, langue de l’apprenant ou système approché (Noyau 1976) […] recouvre, malgré certaines dispersions théoriques ou méthodologiques, un même objet […]. C’est ce que nous avons précédemment appelé grammaire intériorisée par l’apprenant, et que nous appellerons également ici interlangue » (Besse et Porquier 1991 : 216). Réflexion autour du concept d’interlangue pour décrire des variétés non natives avancées en français 143 Quelles que soient les terminologies qui opposent les diverses conceptions de l’interlangue, on retrouve partout l’idée d’une structuration progressive des connaissances d’apprenants en langue étrangère, d’une complexification par laquelle la compétence intermédiaire se rapproche de l’objectif fixé au départ par les apprenants, à savoir la langue cible. Une des premières orientations de recherche sur l’interlangue a été conduite par Selinker, chercheur attaché aux aspects linguistiques et psycholinguistiques de l’apprentissage d’une langue étrangère par des adultes, avec l’élaboration du terme « interlanguage » (traduit par « interlangue » en français) pour rendre compte des connaissances intermédiaires des apprenants au cours de l’apprentissage d’une langue étrangère. Sa définition en termes psycholinguistiques postule l’existence de « a latent psychological structure within which interlingual identifications and the processes and strategies underlying second-language learning are located […] the latent psychological structure is actived after puberty, whenever an individual attempts to express meaning in a second language »3 (Selinker et al., 1975 : 215). Comme le rappellent Frauenfelder et al. (1980 : 45), l’élaboration de ce modèle implique un « âge critique » en matière d’apprentissage des langues et qu’au-delà de cette frontière, des contraintes biologiques viendraient altérer la capacité d’apprentissage linguistique. Autrement dit, un apprentissage « réussi » (successul learning) serait, selon Selinker, conditionné par la réactivation de la structure latente ; en revanche, un apprentissage qui n’aboutirait pas à une maîtrise semblable à celle d’un locuteur natif de cette langue signifierait que l’apprenant ne serait pas parvenu à activer cette structure latente(attempted learning). L’avancement des travaux en matière d’apprentissage d’une langue étrangère, élargi à l’acquisition par des apprenants plus jeunes en âge que ceux étudiés préalablement par Selinker, a finalement remis en cause l’existence d’un âge critique et les résultats ont mis en lumière les profondes imperfections de son modèle (voir Vogel 1995). En particulier, les travaux menés par Neufeld (1979), qui oppose « capacité linguistique » et « performance en langue étrangère », montrent que l’incapacité de l’adulte à apprendre une langue étrangère tient en partie à sa non-réussite dans la production. Dès lors, la définition de l’interlangue s’inscrit dans une hypothèse plus large : The Interlanguage (IL) hypothesis claims that second-language speech rarely conforms to what one expects native speakers of the TL [target language] to produce, that it is not an exact translation of the NL [native language], that it differs from the TL in systematic ways, and that the forms of the utterances produced in the second language by a learner are not random. This IL hypothesis proposes that the relevant data of a theory of second language learning must be the speech forms which result from the attempted expression of meaning in a second language. [...] This important criterion is that the second-language speaker is attempting to express 3 « une structure psychologique latente au sein de laquelle se trouvent des identifications interlinguales, les processus et les stratégies sous-jacentes de l’apprentissage d’une seconde langue […] la structure psychologique latente est activée après l’âge de puberté, chaque fois qu’un individu tente d’exprimer du sens en langue seconde » (notre traduction). Stéphanie Galligani 144 meaning as opposed to practising structured exercises in a classroom4 (Selinker et al., 1975 : 140). La description de l’interlangue de sujets apprenant une langue étrangère, c’est- à-dire « la description de la grammaire sous-jacente à leurs comportements verbaux en langue seconde » (Py 1980 : 32), paraît comporter des traits spécifiques qui méritent d’être examinés. Ses propriétés Parmi l’ensemble des uploads/Philosophie/ reflexion-autour-du-concept-d-x27-interlangue-pour-decrire-des-varietes-non-natives-avancees-en-francais.pdf
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- Publié le Dec 02, 2021
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