Dieu rencontre l’Homme Thèmes de la théologie de Karl Barth Frank Mathwig Matth

Dieu rencontre l’Homme Thèmes de la théologie de Karl Barth Frank Mathwig Matthias Zeindler KARL BARTH 2019 2019 GOTT TRIFFT MENSCH 3 2 Table des matières Préface 3 1 « Dieu rencontre l’Homme » 4 2 Ce qui rend les Hommes réellement libres. Karl Barth à propos de la liberté 6 3 Pouvoir rire. Karl Barth sur l’humour 8 4 « Éprouvé à partir d’en haut ». La mise à l’épreuve [Anfechtung] chez Karl Barth 11 5 La communauté de Jésus-Christ. La compréhension barthienne de l’Église, une interpellation pour aujourd’hui 14 6 Journal et Bible. La théologie de Karl Barth comme contemporanéité critique 17 7 « Un réformé réformé ». Karl Barth et la théologie réformée 21 8 Le Christ dans un monde séculaire. Karl Barth et la modernité 23 Bibliographie 25 Offres pour les paroisses 26 Préface « L’Église est en fait une impossibilité. En fait, on ne peut pas être pasteur. » Il y a cent ans parut l’ouvrage d’un jeune pasteur argovien, qui bouleversa l’Église et la théologie : l’« Épître aux Ro- mains » de Karl Barth. Il ne fut pas le seul, suite à la catas- trophe de la Première Guerre mondiale, à avoir le sentiment que les bases ayant fondé jusqu’alors la société, la culture et l’Église furent brisées par les tranchées et le gronde- ment des canons. La conviction optimiste selon laquelle le progrès humain, s’il était accompagné par Dieu, pourrait participer à la mise en place d’un meilleur futur, était allée droit dans le mur. Par la suite, Barth se souvint de la suggestion de son col- lègue et ami pasteur Eduard Thurneysen, qui l’avait incité à se pencher sur la lettre de Paul aux Romains : « Ce qu’il nous faut pour notre prédication, notre enseignement, et notre cure d’âme, est une base théologique ‹tout autre› [...] [nous avons alors été amenés à faire une tentative qui s’imposait : tout en réapprenant l’ABC de la théologie, nous recommen- cions à lire et à commenter l’Ancien et le Nouveau Testament [...] Je commençai la lecture [de l’Épître aux Romains] comme si je ne l’avais jamais lue. »1 Qu’il y avait-il de si nouveau dans l’« Épître aux Romains » de Barth ? Tout d’abord, cette expérience que la volonté de Dieu ne coïncide pas forcément avec les projets humains, même s’ils ont l’air bons et bien intentionnés. Ensuite, la prise de conscience de ce que Dieu n’est pas simplement la réponse à nos questions, mais que nous sommes, avant tout, interpellés par Dieu. Et finalement la découverte que derrière chaque « non » de Dieu se trouve un « oui » encore plus divin à l’Homme et à la création. Dans les décennies suivantes, Karl Barth devint une figure dominante de la théologie et de l’Église. Ce fut également 1 «Postface sur Friedrich D. E. Schleiermacher» in La théologie protestante au dix-neuvième siècle, Lore Jeanneret (trad.), Genève, Labor et Fides, 1969, pp. 448-9. lui qui mena l’Église allemande à la résistance durant le nazisme. De même, il prit régulièrement la parole avec cou- rage en Suisse, de manière si intransigeante qu’il arriva au conseiller fédéral Eduard von Steiger de le désigner comme « l’ennemi national n° 1 ». Dans le cadre d’une année internationale sur Karl Barth, on commémore, en 2019, la vie, l’œuvre et l’importance de ce grand théologien, chrétien et homme politique. C’est principalement en Allemagne et en Suisse que les accom- plissements de Karl Barth sont traités lors de conférences, colloques, expositions, projections cinématographiques et bien d’autres propositions et que l’on s’interroge sur son actualité. Les Églises cantonales suisses et la Fédération des Églises protestantes de Suisse (FEPS) souhaitent que l’année Barth trouve une résonance aussi large que possible. Elle est appelée à se vivre, en premier lieu, dans les paroisses. À cet effet, du matériel en tout genre et des références sont mis à disposition (voir en dernière page). La présente brochure est également éditée à cet effet. Sur quelques pages seulement, d’importants thèmes de la théologie de Karl Barth sont présentés, afin de donner une première vue d’ensemble sur l’importante œuvre de Barth et ce particu- lièrement aux personnes responsables dans les paroisses (pasteurs et pasteures, diacres, catéchètes, conseillers et conseillères paroissiaux). La bibliographie permettra de poursuivre la réflexion de manière ciblée. Nous espérons que de nombreuses paroisses sauront saisir l’opportunité de s’intéresser à Karl Barth. Cela vaut la peine : il est difficile de trouver un autre théologien du passé récent nous en apprenant autant sur ce que signifie, dans une société moderne, être courageux, sûr de soi et joyeux en tant que chrétien et Église. Frank Mathwig Matthias Zeindler Berne, janvier 2019 5 4 1 « Dieu rencontre l’Homme » « Dieu rencontre l’Homme », telle est la devise de l’année Karl Barth 2019. Trois mots qui résument de la façon la plus concise possible le message passionnant de ce théologien hors du commun. Dieu rencontre l’Homme Le 6 février 1916, Karl Barth prêche dans sa paroisse à Safenwil. Il fait ensuite imprimer et distribuer dans tous les foyers sa prédication intitulée : « Le pasteur qui contentait les gens »2. Barth n’y désigne pas seulement comme un faux prophète le pasteur qui se soumet aux souhaits de sa com- munauté, il accuse également les paroissiens de souhaiter qu’on leur prêche une religiosité qui ne dérange personne ; quelque chose de différent du quotidien, certes, mais « qui doit voler de manière si subtile et si haute au-dessus de ce qui est habituel, comme un petit nuage rose du soir, ne devant surtout pas s’approcher de trop près. Cela risquerait de provoquer de l’agitation.»3 La religion comme une sorte de guirlande du dimanche, qui ne fait que dire ce que l’on pense déjà d’une manière ou d’une autre. Autrement dit : la religion comme incitation au perfec- tionnement moral, comme moteur du progrès moral et culturel, comme impulsion d’options politiques, qu’elles soient natio- nalistes ou socialistes. « Dieu » devient alors un prétexte pour toutes les préoccupations humaines. Pour Barth, cette manière de prêcher et de faire de la théologie entre dans une crise radicale au moment de l’irruption de la Première Guerre mondiale, lorsqu’il doit constater comment ses professeurs de théologie, jusque-là vénérés, saluent tous, sans exception, la politique de guerre de l’empereur allemand. Il leur semble alors évident, à lui-même et à son ami Eduard Thurneysen, qu’ils auront besoin, pour leur travail dans l’Église, d’un tout nouveau fondement. Et ils trouvent ce fondement en s’exposant à nouveaux frais à la rencontre avec les textes bi- bliques. Qu’y découvrent-ils ? « Un monde nouveau ! La souve- 2 Karl Barth, « Der Pfarrer, der es den Leuten recht macht », in : Predigten 1916, Zurich, 1998, pp. 44 – 62. 3 « das Andere soll nun so fein und hoch schweben über dem Gewöhnlichen wie ein rosenrotes Abendwölklein und beileibe ihm nicht zu nahe kommen, weil es sonst Unruhe geben könnte. » Predigten 1916, p. 49. raineté de Dieu ! L’honneur de Dieu ! L’amour incompréhensible de Dieu ! Non pas une histoire d’hommes, l’histoire de Dieu. »4 Non pas un Dieu qui serait l’expression de désirs humains, mais un Dieu qui nous est d’abord profondément étranger. Dans son « Épître aux Romains », Barth écrit que l’apôtre Paul annonce le « message venant d’un Dieu qui est tout autre, de qui l’Homme, en tant qu’Homme, ne saura ni n’aura jamais rien ». Toutefois – et cet élément est décisif – c’est précisé- ment ce Dieu étranger, ce Dieu libre, « de qui [...] lui vient le salut ».5 Car nous ne pouvons attendre la renversante nouveau- té de son règne que de la part – précisément – de ce Dieu, qui ne reste pas prisonnier des intérêts humains. Dieu rencontre l’Homme Dieu est totalement différent de ce que les humains peuvent s’imaginer. Sur ce point, Barth présente une critique intransi- geante : « Nous ‹avons› Dieu toujours, mais nous l’avons seule- ment comme nous souhaitons l’avoir. »6 Il exclut donc toute possibilité d’une relation naturelle à Dieu inhérente à l’âme humaine – un tel ‹a priori religieux› rencon- trerait toujours sa propre construction et jamais Dieu. « Nous sommes et restons sans patrie au sein de notre monde. Pécheurs nous sommes, et pécheurs nous restons. »7 Toutefois, nous ne sommes pas perdus. Face à l’incapacité humaine à trouver Dieu se tient un Dieu qui s’est ouvert aux Hommes. Là où l’Homme rate Dieu de façon notoire, Dieu s’ouvre pour le rencontrer. Et Dieu ne rate pas l’Homme, mais, au contraire, l’atteint. Il se donne à connaître. Le contenu de cette connais- sance est une personne : Jésus-Christ. 4 « Le nouveau monde de la Bible » in Parole de Dieu, Parole humaine, Pierre Maury et Alexandre Lavanchy (trad.), Paris, Les Bergers et les Mages, 1966, p. 37. 5 L’Épître aux Romains, Pierre Jundt (trad.) avec un avant-propos de Christophe Chalamet, Genève, Labor et Fides, 2016, p. 36. 6 « Wir ‹ haben › uploads/Philosophie/ karl-barth-dieu-rencontre-lhomme-a4.pdf

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