3 3 3 3 3 Le débat sur le temps présent Le débat sur le temps présent Le débat

3 3 3 3 3 Le débat sur le temps présent Le débat sur le temps présent Le débat sur le temps présent Le débat sur le temps présent Le débat sur le temps présent Esquisse d’une sociologie des controverses à partir du débat postmoderne Gabriel Rockhill Précis: Au lieu d’intervenir dans le débat sur la nature du temps présent en créant une nouvelle schématisation de notre âge, nous proposons ici une intervention sur ce débat en esquissant les coordonnées concep-tuelles qui déterminent l’espace des possibles de la controverse. Il s’agit alors d’une réflexion sur la logique historique, sociale et normative qui structure le débat sur le temps présent, et plus particulièrement la controverse postmoderne. Loin pourtant d’être une simple analyse «externe», cette interrogation sur les paramètres concep-tuels et pratiques qui déterminent d’avance la nature même des in-terventions dans le débat postmoderne est aussi l’occasion d’examiner de près des prises de position spécifiques, comme celles d’Alex Callinicos, Fredric Jameson, Jean-François Lyotard, Ihab Hassan, Jürgen Habermas, Richard Rorty et Gianni Vattimo. Mots cléfs: postmodernisme, postmodernité, débat postmoderne, histoire du présent. Resumen: En lugar de intervenir en el debate acerca de la naturaleza del tiempo presente creando una nueva esquematización de nuestra época, proponemos aquí una intervención sobre este debate esbozando las coordenadas concep-tuales que determinan el espacio de posibilidades de las controversias. Se trata entonces de una reflexión sobre la lógica histórica, social y normativa que estructura el debate sobre el tiempo presente, y más específicamente la controversia postmoderna. No obstante, lejos de ser un simple análisis “externo”, esta interrogación esta interrogación sobre los parámetros concep-tuales y prácticos que determinan previamente la naturaleza misma de las in- tervenciones en el debate postmoderno es también la oportunidad de examinar de cerca unas posturas específicas, como las de Alex Callinicos, Fredric Jameson, Jean-François Lyotrad, Ihab Hassan, Jürgen Habermas, Richard Rorty y Giani Vattimo Palabras clave: postmodernismo, postmodernidad, debate postmoderno, historia del presente. Le débat sur le temps présent P. 3-19 Cuestiones de Filosofía No. 9 Año 2007 ISSN 0123-5095 Tunja-Colombia 4 4 4 4 4 Q ui dit débat, dit en principe désaccord, sinon dissensus. Il s’agit d’une discussion où chacun est censé avoir le droit d’exprimer son propre avis sans être obligé de s’accorder avec ses interlocuteurs. Cette conception commune des débats s’est vue remise en question, on le sait, par ce qu’il convient d’appeler l’approche dialectique. Celle-ci consiste à retrouver au sein même du désaccord un consensus caché. Sous la surface des apparences, les dialecticiens révèlent une réalité enfouie: la controverse est en effet fondée sur un ensemble de présupposés partagés constituant la condition sine qua non du désaccord. Ces derniers ont certainement eu raison de remettre en question l’image commune des débats, fondée sur une conception atomistique du monde social où la société se réduit à un ensemble de monades autonomes. Or, ce faisant, ils risquent de se complaire dans une conception holiste de la société où le tout remplace l’individu comme unité de référence –qu’il s’agisse d’un groupe spécifique ou de toute la société– et où le déterminisme mécanique prend le pas sur la liberté individuelle. En définitive, la notion de débat est ramenée ou bien à une série de prises de position personnelles ou bien à un ensemble d’idées communément partagées. Dans l’étude qui suit, nous tenterons de rompre avec cette alternative, elle-même fondée sur l’opposition entre la conception atomiste et la conception holiste de la société. La notion de coordonnées conceptuelles nous sera d’un grand recours dans cette démarche dans la mesure où elles laissent une importante marge de manœuvre aux agents sociaux tout en régissant l’espace intellectuel dans lequel chaque prise de position se situe. Les coordonnées conceptuelles d’un débat ne s’exerçant pas de façon mécanique et rigoureusement déterministe, elles ne s’imposent pas non plus de manière homogène mais varient en fonction de l’itinéraire et de la position sociale de l’intervenant, ainsi que de sa propre représentation de la controverse. Elles sont aussi rattachées à toute une série d’autres facteurs économiques, politiques et sociologiques qui peuvent changer sensiblement la logique même du débat, facteurs qui dépassent malheureusement le cadre de la présente étude1. Nous avons pris la décision, afin de délimiter le vaste sujet qui est le nôtre et de garder un maximum de précision, de nous concentrer sur les coordonnées conceptuelles d’un des débats sur le temps présent : le débat postmoderne. Alors que nous ne souhaitons nullement limiter nos conclusions à ce seul débat, nous verrons qu’il s’est développé dans un univers symbolique qui lui est propre. Précisons, en dernier lieu, que notre objectif ici ne sera pas d’intervenir dans ce débat en prenant une position sur ce que certains considèrent être l’ensemble des questions qui se donnent à penser à notre époque. Il s’agira bien plutôt d’intervenir sur le débat en esquissant les coordonnées conceptuelles qui régissent la controverse. La différence est de taille, car intervenir dans un débat, même dans le cas des tentatives d’innovation les plus poussées, c’est accepter le système discursif, conceptuel et pratique dans lequel il prend forme. A l’inverse, l’acte d’intervenir sur un débat engage 1 Il serait intéressant, par exemple, d’étudier les liens étroits entre le concept de postmodernisme et le marché des livres et des revues en examinant le rôle du logo postmoderne dans le marketing et la vente des publications, notamment dans le monde anglophone. 5 5 5 5 5 précisément une prise de distance critique par rapport à l’espace des possibles produit par celui-ci. De fait, il s’agira ici de mettre en évidence la logique historique, sociale et normative du débat postmoderne. Dans le même temps, la critique de ces logiques sera rattachée à une mise en évidence de la logique sociale qui constitue la vérité pratique du débat. Autrement dit, il s’agira de montrer qu’un débat intellectuel n’est jamais qu’un débat intellectuel. Il ne suffit donc pas de réfuter ses principes générateurs, il faut aussi examiner son insertion, sur le plan pratique, dans le champ social. Rappelons pour commencer l’étendue du débat postmoderne. Comme Alex Callinicos l’a souligné dans un brûlot contre le jargon de la postmodernité publié en 1989, le terme postmodernisme a connu un véritable «boom» théorique dans les années quatre-vingt2. Les trois domaines les plus concernés furent la philosophie, l’esthétique et les sciences sociales (notamment la sociologie et, à moindre degré, l’histoire)3. Sans prétention à l’exhaustivité et sans nous attarder sur les détails, indiquons quelques-uns des auteurs qui ont le plus contribué à cette conceptualisation massive. Dans le domaine de la philosophie et de la théorie critique, il faut surtout signaler les recherches de Jürgen Habermas, Jean-François Lyotard, Richard Rorty, et Gianni Vattimo. En esthétique, notons le travail de Douglas Crimp, Arthur Danto, Umberto Eco, Hal Foster, Ihab Hassan, Andreas Huyssen, Charles Jencks, Rosalind Krauss, Charles Newman, Craig Owens, et Manfredo Tafuri. Quant à la sociologie et à l’histoire, il faut indiquer les écrits de Perry Anderson, Jean Baudrillard, Alex Callinicos, Terry Eagleton, David Harvey, Fredric Jameson, Alain Touraine, et Arthur Toynbee. Cette énumération est en elle-même un baromètre de l’important investissement intellectuel dans le débat postmoderne, investissement qui s’est manifesté dans nombre de publications spécialisées, recueils de textes, usuels, manuels, numéros spéciaux, colloques, tables rondes, conférences, cours, etc.4. Réduire le débat postmoderne à l’ubiquité d’un terme à la mode serait cependant une grave erreur. Car il est évident qu’il s’inscrit dans une controverse plus large sur la nature du temps présent. Rappelons à cet égard que le débat sur le postmodernisme a été anticipé par une réflexion importante sur ce que l’on appelle la société postindustrielle (Daniel Bell, 2 Against postmodernism. A Marxist critique, New York, St. Martin’s Press, 1989, p. 1. La bibliographie établie par Deborah L. Madsen confirme très largement l’impression de Callinicos. Alors que 41 pages résument les références bibliographiques avant 1980, la période 1980-1989 requiert 270 pages (Postmodernism: A bibliography, 1926-1994, Amsterdam et Atlanta, Editions Rodopi B.V., 1995). 3 Voir à ce propos les usages du terme relevés par Margaret A. Rose dans son ouvrage The post-modern and the post-industrial, New York, Cambridge University Press, 1991. 4 Etant donné le nombre grandissant de publications dans ce domaine, contentons-nous de renvoyer aux bibliographies établies—mais déjà datées—par Ihab Hassan, David Harvey et Deborah Madsen: The postmodern turn. Essays in postmodern theory and culture, Columbus, Ohio State University Press, 1987, pp. 235-256; The condition of postmodernity. An enquiry into the origins of cultural change, Oxford, Basil Blackwell, 1989, pp. 360-367; Postmodernism: A bibliography, 1926-1994, op. cit. Le débat sur le temps présent P. 3-19 Cuestiones de Filosofía No. 9 Año 2007 ISSN 0123-5095 Tunja-Colombia 6 6 6 6 6 Alain Touraine), le capitalisme tardif (Ernst Mandel) ou la société du spectacle (Guy Debord). Il s’agit de concepts qui visent, chacun à leur manière, à cerner certains traits de notre présent. Il en va de même pour les nombreux termes qui ont été introduits depuis les années cinquante pour décrire des phénomènes spécifiques à notre époque : l’ère du vide (Gilles Lipovetsky), le cybermonde (Paul Virilio), la modernité liquide uploads/Philosophie/ rockhill-le-debat-sur-le-temps-present.pdf

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