RYTHME ET DURÉE : LA PHILOSOPHIE DU TEMPS CHEZ BERGSON ET BACHELARD Gaspare Pol
RYTHME ET DURÉE : LA PHILOSOPHIE DU TEMPS CHEZ BERGSON ET BACHELARD Gaspare Polizzi in Frédéric Worms et al., Bachelard et Bergson Presses Universitaires de France | « Hors collection » 2008 | pages 53 à 72 ISBN 9782130570264 DOI 10.3917/puf.worm.2008.01.0053 Article disponible en ligne à l'adresse : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- https://www.cairn.info/bachelard-et-bergson---page-53.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour Presses Universitaires de France. © Presses Universitaires de France. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. 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Je veux signaler que je ne ferai pas un examen parallèle des deux conceptions, mais que je lirai la philosophie de la durée à partir de la dialectique temporelle chez Bachelard, mettant en acte la théorie, si chère à Bergson, sur le mouvement rétrograde du vrai. La réflexion bachelardienne sur la temporalité est concentrée en peu d’écrits, répartis en une période limitée entre 1932 et 1944, mais – à mon avis – dans l’enquête sur la temporalité Bachelard met en œuvre, avec son attention au détail et à la miniature, des caté- gories interprétatives qui ont une importance pour sa philosophie, tant sur le plan épistémologique que sur le plan du psychologique et du littéraire. La dialectique bachelardienne de la temporalité a été analysée avec amplitude, surtout au sein du groupe « Rythme et philo- sophie »1. Les aspects les plus significatifs de la critique bachelar- 53 1. Le groupe « Rythme et philosophie », animé par Pierre Sauvanet, a été créé en 1995 dans le cadre du « Centre G.-Bachelard de recherches sur l’imaginaire et la rationalité » de l’Université de Bourgogne. L’ouvrage collectif sous la direction de P. Sauvanet et J.-J. Wunenburger, Rythmes et philosophie, Paris, Kimé, 1996, est une réalisation significative du groupe, qui a produit « un commentaire critique des acquis des sciences diverses du rythme, mais aussi une introduction à une réflexion inédite sur © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 11/01/2022 sur www.cairn.info via Bibliothèque Sainte Geneviève (IP: 193.48.70.223) © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 11/01/2022 sur www.cairn.info via Bibliothèque Sainte Geneviève (IP: 193.48.70.223) dienne à la conception bergsonienne de la continuité ont été éclairés, et aussi la formation d’une métaphysique de la disconti- nuité avec La dialectique de la durée ; l’horizon de sagesse méta- physique et d’eurythmie universelle émerge dans la rythmo- analyse1. Mais surtout les recherches ont décrit le « bergsonisme inverti » de Bachelard, qui a produit une pensée analytique de la durée entre les deux pôles de la discontinuité et de la fluidification2. Dans la confrontation directe avec les pages bergsoniennes, l’effet de surface de la lecture bachelardienne, lacuneuse et discontinue, a été reconnu, et sa dialectique de la durée a été considérée comme peu attentive à l’évolution de la conception bergsonienne de la durée, qui s’ouvre à une idée complexe de son hétérogénéité3. Henri Gouhier a bien remarqué : « Bachelard devait retoucher Bergson pour être lui-même Bachelard » ; c’est une lecture tendan- cieuse de Bergson qui permet à Bachelard d’édifier les piliers de sa philosophie de la temporalité. Je souligne qu’une telle philosophie de la temporalité met en discussion des topoi consolidés dans les 54 M é t a p h y s i q u e la vie même de la pensée » (J.-J. Wunenburger, Présentation, in P. Sauvanet et J..J. Wunenburger (sous la dir. de), Rythmes et philosophie, cit., p. 11). La deuxième partie du livre (La dialectique de la durée) est entièrement dédiée à la temporalité bache- lardienne. 1. Hervé Barreau a écrit : « Il s’agit toujours, dans ces textes [La dialectique de la durée, L’intuition de l’instant, Instant poétique et instant métaphysique] d’esquisser une “métaphysique”, c’est-à-dire une doctrine morale et esthétique à la fois, qui puisse être un projet de conduite pour l’homme et une clé pour la poésie. » Marc Richir a défini la rythmo-analyse comme une « sagesse philosophique » qui est orientée vers une « philo- sophie du repos » ; cf. H. Barreau, Quatre arguments contre la continuité de la durée dans la conception bachelardienne de la temporalité, et M. Richir, Discontinuités et rythmes des durées : abstraction et concrétion de la conscience du temps, in P. Sauvanet et J..J. Wunenburger (sous la dir. de), Rythmes et philosophie, cit., p. 79 et 96-97. 2. Cf. encore M. Richir, cit., p. 94. 3. Cf. A. Robinet, Rythme et durée, dans Aa. Vv., Bachelard (Colloque de Cerisy), Paris, uge, 1974, p. 317-329. En suivant André Robinet, Alain Guyard sou- tient que « Bachelard va donc choisir de modeler le texte et la pensée bergsonienne pour n’en retenir que l’interprétation continuiste et l’engluement dans une durée pâteuse et visqueuse » ; cf. A. Guyard, Fondements et origine de la rythmanalyse bachelardienne, in P. Sauvanet et J.-J. Wunenburger (sous la dir. de), Rythmes et philo- sophie, cit., p. 75. © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 11/01/2022 sur www.cairn.info via Bibliothèque Sainte Geneviève (IP: 193.48.70.223) © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 11/01/2022 sur www.cairn.info via Bibliothèque Sainte Geneviève (IP: 193.48.70.223) interprétations de la pensée bachelardienne, comme la séparation présumée entre la dimension épistémologique et celle psycho- logique-littéraire, la connotation purement épistémologique des catégories de la « philosophie du non », le caractère de sa pensée scientifique, proprement « intérieur » aux sciences chimiques- physiques-mathématiques. En réalité, Bachelard sent particulière- ment, comme déjà Bergson, le rôle nouveau de la philosophie, mais veut l’orienter vers un rapport dialectique avec la science qui doit faire émerger l’abstraction de la pensée ; c’est un mouvement qui ouvre sur une métaphysique qui se connecte à une philosophie de la science, plutôt qu’à une épistémologie1. La réflexion bachelardienne sur la temporalité, au lieu de s’orienter à partir de la « réflexion » historique-critique sur les concepts les plus nouveaux dérivés des sciences physico-mathéma- tiques (théorie de la relativité et mécanique quantique), dans la direction de la formation de l’épistémologie française contempo- raine2, tient beaucoup compte des concepts et des théories afférents à la psychologie, à la sociologie, à la biologie et à la métaphysique, dans un contexte problématique voisin du bergsonisme et encore actuel par rapport aux sciences de la psyché, aux sciences biolo- giques et de l’évolution, et aux neurosciences. Les origines de la philosophie bachelardienne de la temporalité s’enracinent dans la période de l’enseignement à Dijon (1930- 1940), qui comprenait des cours de philosophie, de psychologie et 55 R y t h m e e t d u r é e 1. Gouhier a été un disciple de Bergson et un ami de Bachelard ; la phrase se trouve dans H. Gouhier, Discussion, dans Aa. Vv., Bachelard (Colloque de Cerisy), cit., p. 359. 2. Sur ces questions, je me permets de renvoyer à mes essais : Sul metodo nella storia delle scienze. Note per una lettura delle metodologie di Bachelard e Kuhn, « Nuova Corrente », 1981, 85, p. 349-376 ; Forme di sapere e ipotesi di traduzione per una storia dell’epistemologia francese, Milano, F. Angeli, 1984 (surtout aux p. 177-189 et 284-295) ; Istante e durata. Per una topologia della temporalità in Bachelard e Berg- son, « aut-aut », 1986, 213, p. 53-75 ; Tra Bachelard e Serres. Aspetti dell’epistemolo- gia francese del Novecento, Messina, A. Siciliano, 2003, partie première (cf. aussi La filosofia di Gaston Bachelard. Tempi, spazi, elementi, qui est sous presse chez A. Siciliano, Messina). © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 11/01/2022 sur www.cairn.info via Bibliothèque Sainte Geneviève (IP: 193.48.70.223) © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 11/01/2022 sur www.cairn.info via Bibliothèque Sainte Geneviève (IP: 193.48.70.223) de littérature française pour étudiants étrangers1 ; il s’agissait d’un moment où Bachelard forgeait ses instruments interprétatifs et pre- nait la mesure de ses intérêts pour les deux côtés de ses recherches futures. Dans la première direction, en cette période (et dans les deux années immédiatement précédentes, durant lesquelles les thèses de doctorat et le livre sur la relativité ont été publiés), Bachelard vient de construire les concepts d’approximation, de surrationalisme, d’obstacle épistémologique, de philosophie du non2, uploads/Philosophie/ rythme-et-duree-la-philosophie-du-temps-chez-bergson-et-bachelard.pdf
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- Publié le Oct 14, 2021
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