Renée et Jean SIMONET SAVOIR ARGUMENTER Du dialogue au débat Troisième édition

Renée et Jean SIMONET SAVOIR ARGUMENTER Du dialogue au débat Troisième édition © Éditions d’Organisation, 1998, 1999 et 2004. ISBN : 2-7081-3090-0 35 © Éditions d’Organisation Chapitre 3 S S S St t t tr r r ra a a at t t té é é ég g g gii i ie e e e 1. Préparer sa stratégie d’argumentation Comme nous l’avons vu dans le chapitre précédent, les situa- tions dans lesquelles vous pouvez être amené à développer une argumentation sont multiples. Vous devez donc vous interroger sur la spécificité de chacune des situations auxquelles vous êtes confronté et en identifier les variables. En effet, les thèmes d’inter- vention, le contexte spatio-temporel, la nature de vos interlocu- teurs, leurs objectifs et les vôtres, les enjeux, le temps dont vous disposez, les règles mêmes de l’échange sont autant de facteurs, pour n’en citer que les plus évidents, que vous aurez à prendre en compte pour concevoir une stratégie efficace. Vous allez donc, à partir d’une identification de toutes ces compo- santes, préparer votre argumentation et faire les choix que vous jugerez alors opportuns parmi toutes les démarches possibles. Cer- tes, la notion de préparation implique que vous fassiez un véritable travail préalable, et ce à plusieurs niveaux. Il s’agit à la fois de cerner les données de la situation, d’approfondir le sujet lui-même, de rechercher des arguments et de réfléchir sur l’(les) interlocuteur(s). Se pose alors le problème du temps que vous pouvez y consacrer. Si le contexte l’exige – et le permet ! – vous pouvez envisager un investissement lourd en temps de préparation et peaufiner cha- cune des phases de travail que nous présenterons ci-dessous. Mais S S S Sa a a av v v vo o o oiii ir r r r a a a ar r r rg g g gu u u um m m me e e en n n nt t t te e e er r r r 36 © Éditions d’Organisation vous serez aussi bien souvent contraint quasiment d’improviser, et ne disposerez que de quelques minutes avant un rendez-vous, voire de quelques secondes dans l’ascenseur ! Il s’agit alors d’avoir suffisamment intégré les méthodes de préparation d’une argu- mentation pour réagir très vite et dégager l’essentiel à partir d’un schéma mental acquis à force d’entraînement. 1.1. Un point de départ : analyser la situation (acteurs, message, règles du jeu) On pourrait dire, de façon schématique, que toute situation d’argumentation est un système à trois variables de base dans un environnement. Pour analyser la situation dans laquelle vous devez intervenir, vous allez, en fait, être amené à décoder toutes les variables que nous avons présentées dans le schéma précédent, afin de construire une stratégie la plus adéquate possible. Il est alors utile que vous essayiez de répondre à un certain nom- bre de questions dont la liste ci-dessous n’est pas exhaustive. Les variables de la situation d’argumentation 1 Moi qui argumente LIEU TEMPS RAISONNEMENT 3) MESSAGE ARGUMENTATION RELATION 2 Mon auditoire – passif ou – actif CONTRE-ARGUMENTATION CONTEXTE INSTITUTIONNEL RÈGLES DU JEU CONTEXTE ORGANISATIONNEL S S S St t t tr r r ra a a at t t té é é ég g g giii ie e e e 37 © Éditions d’Organisation – « À qui est-ce que je m’adresse ? » • En savoir le maximum sur votre auditoire (une personne, un groupe, une foule) ; →adapter votre discours ; →jouer plus sur le raisonnement ou sur la relation ; – « Quel est mon objectif ? » • Ce que vous voulez obtenir et à partir de quelle position vous céderez en cas de négociation ; →choisir vos arguments, les organiser. – « De combien de temps est-ce que je dispose ? » • Ce que vous pouvez ou non développer ; →distinguer l’essentiel (arguments forts) de l’accessoire (arguments secondaires), hiérarchiser les arguments. – « Dans quel espace est-ce que mon intervention a lieu ? » • Le type de rapports que vous pourrez avoir avec votre audi- toire (de l’intimité à l’anonymat) ; →adapter votre comportement physique ; →jouer plus sur le raisonnement ou sur la relation ; →prévoir (ou non) des supports. – « À quel moment est-ce que j’interviens ? » • l’état d’esprit dans lequel votre auditoire peut se trouver, sa disponibilité, son degré de fatigue… ; →votre propre « forme » ; →prévoir la durée de votre argumentation ; →vous préparer à un mode d’expression adapté. – « Quelles sont les règles du jeu ? » • les modalités dans lesquelles vous interviendrez ; – parole en continu, proche du discours ; – débat direct ou arbitré par un animateur ; →travailler plutôt la structure de votre argumentation ou la réponse aux contre-arguments et réfutations. – « Quelles sont mes contraintes, mes limites ? » • les choses que vous avez le droit de dire compte tenu du contexte institutionnel et des auditeurs ; →choisir les arguments utilisables parmi tous les arguments possibles. S S S Sa a a av v v vo o o oiii ir r r r a a a ar r r rg g g gu u u um m m me e e en n n nt t t te e e er r r r 38 © Éditions d’Organisation Quelle que soit la précision avec laquelle vous avez cerné ces variables de base, ne croyez pas que vous pourrez préparer in extenso votre argumentation. En effet, elle prend place dans une dynamique de communication à laquelle il vous faudra vous adapter – car mis à part le cas, peu fréquent certes, de l’homme poli- tique qui développe son programme à la télévision sans contradic- teur, ou celui particulier de l’expression écrite, toute situation d’argumentation est évolutive. Quelque préparation que vous ayez conçue, vous allez devoir intégrer les réactions de votre auditoire (une ou plusieurs personnes), vous y adapter, voire improviser et changer de stratégie. Qu’il vous contredise directe- ment dans un échange oral ou qu’il manifeste par son comporte- ment scepticisme ou désapprobation, vous devez tenir compte de chaque nouvelle donnée et ne pas essayer de vous raccrocher à un schéma préétabli. Gérer l’imprévu est donc une aptitude à déve- lopper pour affronter la situation d’argumentation : soyez sensible à la manière dont votre message est reçu ; pour cela, regardez votre auditoire pour y déceler les signes d’assertion ou de refus et écoutez ses contre-arguments et réfutations pour y répondre au lieu de les fuir. Et si, lors de votre travail de préparation, vous avez réfléchi sur des réactions possibles de ceux que vous souhaitez convaincre, vous serez paré pour y faire face. Nous présenterons plus loin les différentes tactiques possibles pour gérer l’imprévu et opérer des réajustements permanents. Donc, analyser la situation AVANT et PENDANT l’argu- mentation est la condition de base pour élaborer une stratégie efficace. 1.2. Définir ses objectifs Si vous éprouvez le besoin de développer une argumentation face à un individu ou à un groupe, c’est pour essayer de le(s) convaincre de penser ou d’agir d’une façon particulière. Mais pour bien défi- nir où vous souhaitez le(s) mener, il est indispensable que vous soyez au clair avec vous-même et que vous cerniez précisé- ment vos objectifs. Rappelons ce que nous désignons par ce terme : un objectif est un but précis, un résultat à atteindre, concret, contrôlable – par S S S St t t tr r r ra a a at t t té é é ég g g giii ie e e e 39 © Éditions d’Organisation des données chiffrées ou des comportements observables –, avec un délai, une échéance. Pour clarifier cette notion, nous allons prendre des exemples dans différents domaines où l’argumentation est le mode d’expression privilégié. Pour un vendeur, l’objectif est d’amener le client à acheter le(s) produit(s) ou service(s) de l’entreprise qu’il représente. Pour l’avocat qui plaide la défense d’un client, l’objectif est d’obtenir la sanction la moins lourde et non de réussir de belles prouesses oratoires. Pour les publicitaires, l’objectif n’est pas d’amuser ou d’intéres- ser les téléspectateurs par tel ou tel sketch, mais, par le biais de cet intérêt, de les amener à consommer les produits présentés. Quant aux hommes politiques en période électorale, leur objec- tif est de s’attirer le maximum de voix – et les résultats obtenus permettent souvent de réfléchir sur l’adéquation de l’argumenta- tion aux électeurs concernés. Dans les cas évoqués ci-dessus, nous nous sommes attachés à l’objectif final, clair et net. Mais très souvent, pour l’atteindre, il faut savoir passer par des objectifs intermédiaires si la situa- tion permet de mener une relation en plusieurs étapes. Il s’agit alors de savoir attendre et de doser ses interventions. Les straté- gies des jeux d’échecs, de go, et même de scrabble nous donnent de multiples exemples de démarches intermédiaires tendant à la réalisation de l’objectif final ; on « prépare ses coups », c’est-à- dire que l’on gagne progressivement du terrain pour être en situa- tion de l’emporter. La précipitation est uploads/Philosophie/ savoir-argumenter-simonet.pdf

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