Une expérience éthique dans l'art contemporain, Helena Almeida et Sebastião Sal

Une expérience éthique dans l'art contemporain, Helena Almeida et Sebastião Salgado de Sílvia Rosado Correia Patricio Avril 09 This text belongs to the theses series of sans papier, a collection of electronic pre-prints in French and Francophone Studies at Cornell University. Sílvia Rosado Correia Patricio, Une expérience éthique dans l'art contemporain, Helena Almeida et Sebastião Salgado, Avril 09 ©2009 by Sílvia Rosado Correia Patricio Sílvia Rosado Correia Patricio, Une expérience éthique dans l'art contemporain, Helena Almeida et Sebastião Salgado, Avril 09 Une expérience éthique dans l'art contemporain, Helena Almeida et Sebastião Salgado de Sílvia Rosado Correia Patricio Résumé Ce travail a son lieu de naissance dans l’inquiétude qui se loge dans l’obscurité d’une peinture de Helena Almeida (peintre portugaise) et d’une photographie de Sebastião Salgado (photographe brésilien). Nous avons cherché à pénétrer cette obscurité à partir de l’expérience de l’éthique. Pour cela, il a fallu comprendre le mot expérience sous la condition de ex-periri (du latin) et qui signifie la traversée d’un danger. Lors de cette traversée, nous avons cherché à saisir ce que nous pouvions ressentir de la peinture et d’une photographie dans une relation esthétique. L'expérience éthique inscrite dans les œuvres de ces deux artistes contemporains et dans ces liens à l'esthétique renouvelle la question ontologique propre aux œuvres d'art et crée une image éthique au-delà du visuel et même autre visuel. Sur l’auteur Sílvia Rosado Correia Patricio est Professeur Associada, d' Esthétique et Philosophie de L'art à L'école Supérieure de Design -IADE, Lisbonne. Depuis 2003, elle est chercheur associé du Centre de Recherche en Design- Unidcom- Iade, Lisbonne, et depuis 2006, responsable du Master Théorie de la Culture Visuelle ESD-IADE, Lisbonne. Contact Courriels : sil.rosado@gmail.com, silvia.rosado@iade.pt Source Cette thèse a été soutenue en 2000 à l'université Paris 8 pour l'obtention du Doctorat en Esthétique, avec Christine Buci Glucksmann pour directeur. Sílvia Rosado Correia Patricio, Une expérience éthique dans l'art contemporain, Helena Almeida et Sebastião Salgado, Avril 09 1 Une expérience éthique dans l'art contemporain, Helena Almeida et Sebastião Salgado Sílvia Rosado Correia Patricio, Une expérience éthique dans l'art contemporain, Helena Almeida et Sebastião Salgado, Avril 09 2 “(...) elles sécrètent ainsi une matière poétique qui s’adresse à elles-mêmes, à leur prochain ou à l’univers, matière vigoureuse ou exsangue, éternelle ou éphémère. (…)”1 1 “À une heure incertaine”, Primo Levi, traduit de l’italien par Louis Bonalumi, Gallimard, Paris, 1997. Sílvia Rosado Correia Patricio, Une expérience éthique dans l'art contemporain, Helena Almeida et Sebastião Salgado, Avril 09 3 Introduction À propos de l’éthique Dans ma mémoire, la chose la plus ancienne dont je me souviens est la lumière de la mer et l’ensemble des couleurs et des formes, il en avait un bonheur indéniable, d’une nudité sainte et sauve. Il n’y avait rien de fantastique ou d’imaginaire: “c’était la présence du réel que je découvrais”.2 Plus tard, les œuvres d’arts ont assuré l’objectivité de mon propre regard. Avec Pessoa, j’ai retrouvé ce bonheur. Celui d’une nudité saine et sauve qui porte la splendeur de la présence des choses. De la même façon, intense, attentif, et allumé je l’ai trouvé, dans la peinture. Dire que l’œuvre d’art fait partie de la culture est probablement une chose un peu scolaire et artificielle. L’œuvre d’art appartient au réel, elle est le destin, la réalisation, le salut et la vie. La peinture a toujours été pour moi la poursuite du réel. Elle s’est toujours présentée comme un cercle autour d’une chose. Un cercle où l’oiseau du réel est emprisonné. J’ai voulu écrire sur la présence du réel dans des œuvres qui me fascinent. Je l’ai tenté sur deux œuvres.3 Deux itinéraires où l’espace et la lumière se comportent différemment. Ces itinéraires, à leur façon, évoluent dans une recherche attentive, celle de la poursuite du réel. 2 Lors d’une conférence de Sophia de Mello Breyner Andresen sur la poésie à l’occasion du Grand Prix de Poésie qui lui a été attribué en 1964. 3 Ce mot dans ce travail est compris comme le résultat sensible d´une action ou d´une série d´actions orientées vers une fin: des objets esthétiques. Sílvia Rosado Correia Patricio, Une expérience éthique dans l'art contemporain, Helena Almeida et Sebastião Salgado, Avril 09 4 Nous pensons que celui qui voit la splendeur du monde est également conduit à voir l’épouvantable souffrance du monde. Celui qui voit le phénomène veut le voir dans toute sa grandeur. C’est une question d’attention, de séquence et de rigueur. Voila pourquoi je crois que l’art se donne souvent par une expérience, celle de l’éthique. Une éthique qui s’incorpore à l’équilibre des choses. Elle se mélange à un amour, une passion et, selon Dante, fait remuer le soleil et les astres. Ce mot si ancien s’est mélangé à ma confiance en l’évolution de l’homme. Il s’est mélangé ainsi à ma foi en l’univers. Et si devant la splendeur du monde, je me réjouis avec passion, devant la souffrance du monde, je m’oppose aussi avec passion. Ceci comporte une logique intime, intérieure, conséquente d’elle-même, nécessaire et fidèle à elle-même. L’expérience que nous avons de l’éthique comme une approche de l’art dans ce travail de recherche, ne dépend d’aucun code, d’aucune loi, d’aucun programme qui soit extérieur à l’art. Elle évolue dans une réalité vécue qui s’intègre dans un temps vécu, celui de l’œuvre d’art. Dès lors, l’époque vécue est le temps d’une profonde conscience, la nôtre. Après tant de péchés bourgeois, nous voyons notre époque renoncer à l’héritage du péché organisé. Nous n’acceptons pas la fatalité du mal. En nous, le désir de rigueur et de vérité est intrinsèque à l’intime structure créée par les œuvres d’art. Elles n’acceptent pas un faux ordre. Par une conscience commune, les artistes influencent à travers leurs œuvres, la vie et le destin des autres, les nôtres. Les œuvres sélectionnées pour ce travail appartiennent au photographe Sebastião Salgado et au peintre Helena Almeida. L’une nous présente une femme qui s’enfuit avec tous ses biens sur elle, l’autre “Noir aigu” une femme perdue dans le noir d’un corps de peinture. Leurs œuvres nous disent par des secrets intimes que Sílvia Rosado Correia Patricio, Une expérience éthique dans l'art contemporain, Helena Almeida et Sebastião Salgado, Avril 09 5 nous ne sommes pas uniquement des animaux à la recherche de leur seule survivance. Nous sommes, par droit naturel, héritiers de la liberté et de la dignité de l’être. Aussi l’éthique fera une approche d’un double mouvement, celui de son élucidation théorique et celui des parcours des œuvres. Car il s’agit dans ces expériences frontières de dégager les structures de ce que nous avons appelée une “image éthique ”. D’où le choix de deux œuvres et non d’un corpus d’œuvres afin de privilégier ce qui les rapproche: une errance loin de l’être. Sílvia Rosado Correia Patricio, Une expérience éthique dans l'art contemporain, Helena Almeida et Sebastião Salgado, Avril 09 6 Première partie: le pouvoir de toucher avec les yeux “Être à la hauteur de ce que l’on voit”4 4 Gilles Deleuze Sílvia Rosado Correia Patricio, Une expérience éthique dans l'art contemporain, Helena Almeida et Sebastião Salgado, Avril 09 7 Chapitre un: ce que l’on regarde, ce que l’on sent… 1.1- Interroger l’art à partir de l’éthique Ce travail a son lieu de naissance dans l’inquiétude qui se loge dans l’obscurité d’une peinture et d’une photographie. Nous avons cherché à pénétrer cette obscurité à partir de l’expérience de l’éthique. Pour cela, il a fallu comprendre le mot expérience sous la condition de ex-periri (du latin) et qui signifie la traversée d’un danger.5 Lors de cette traversée, nous avons cherché à saisir ce que nous pouvions ressentir de la peinture et d’une photographie dans une relation esthétique. Dans un premier moment de cette recherche, ce qui émerge n’est pas le voisinage des concepts employés mais c’est le site lui-même où ils voisinent. Le site où ils voisinent apparaît à la frontière des territoires des œuvres en tant que vertige, espèce d’apocalypse, catastrophe qui affecte tout le corps des deux œuvres. Ce site comporte un espace temporel qui correspond à une intersection de la frontière physique des deux œuvres avec une frontière conceptuelle instaurée par la pensée. 5 Je renvoie ici à Philippe Lacoue-Labarthe “La poesie comme expérience”, Christian Bourgois, Paris,1986, p. 30. Il propose d’appeler ce mot sous la condition d’entendre strictement l’ex-periri latin, la traversée d’un danger “ Roger Munier (réponse à une enquête sur l’expérience, in Mise en page, n°1, mai 1972): il y a d’abord l’étymologie. Expérience vient du latin experiri, éprouver. Le radical est periri, que l’on retrouve dans periculum, péril, danger. La racine indo-européenne est PER à laquelle se rattachent l’idée de traversée et, secondairement, celle d’épreuve. En grec, les dérivés sont nombreux qui marquent la traversée le passage: peirô, traverser; pera, au-delà; peraô, passer à travers; perainô, aller jusqu’au bout; peras, terme, limite. Pour les langues germaniques on a, en ancien haut allemand, faran, d’où sont issus fahren, transporter et führen, conduire. Faut-il y ajouter justement Erfahrung, expérience, ou le mot est-il rapporter au second sens de PER: épreuve, en ancien haut allemand uploads/Philosophie/ silvia-rosado-une-experience-ethique-dans-l-x27-art-contemporain.pdf

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