Variations Revue internationale de théorie critique 22 | 2019 Gorz, l'intempest

Variations Revue internationale de théorie critique 22 | 2019 Gorz, l'intempestif L'autre sens. Une Théorie critique à la périphérie du capitalisme Paulo Arantes en entretien avec Fred Lyra Édition électronique URL : http://journals.openedition.org/variations/1115 DOI : 10.4000/variations.1115 ISSN : 1968-3960 Éditeur Les amis de Variations Référence électronique Paulo Arantes en entretien avec Fred Lyra, « L'autre sens. Une Théorie critique à la périphérie du capitalisme », Variations [En ligne], 22 | 2019, mis en ligne le 04 mars 2019, consulté le 06 mars 2019. URL : http://journals.openedition.org/variations/1115 ; DOI : 10.4000/variations.1115 Ce document a été généré automatiquement le 6 mars 2019. Les ami•e•s de Variations L'autre sens. Une Théorie critique à la périphérie du capitalisme Paulo Arantes en entretien avec Fred Lyra 1 Paulo Arantes, né en 1942, est professeur retraité du département de philosophie à l'Université de São Paulo, est un philosophe, essayiste et critique brésilien auquel l’on doit une large production intellectuelle et qui a très activement participé au débat militant-politique du pays, notamment de l'État de São Paulo. Depuis presque vingt ans, il anime le « Séminaire des Mercredis » (Seminário das Quartas), un séminaire pluridisciplinaire et, en un certain sens, non-académique. Considéré comme un « intellectuel destructif », il a publié une douzaine d'ouvrages portant sur plusieurs sujets. Certains, comme Sentimento da Dialetica (1992), Um Departamento françês de ultramar (1994) et O Sentido da Formação (1997, avec Otília B. F. Arantes), dressent le panorama de l'histoire intellectuelle brésilienne. Dans O Fio da Meada (1996) l'histoire intellectuelle traverse tout à la fois la pensée développée au Brésil et celle de France et d’Allemagne. À travers le prisme de l'architecture, et avec Otília B. F. Arantes, il réalise une critique de la pensée du philosophe Jüngen Habermars dans : Un ponto cedo no projeto moderno de Jüngen Habermars (1992). Il a écrit deux ouvrages portant sur la dialectique hegelienne : O Ressentimento da Dialetica (1996) et l'ouvrage émanant de sa thèse de doctorat, le seul jusqu'à présent édité en français : L'Ordre du temps. Essai sur le problème du temps chez Hegel, publié en 2000 chez Harmattan. Ses ouvrages les plus récents, Zero à Esquerda (2004), Extinção (2007) et O Novo Tempo do Mundo (2014), rassemblent chacun une collection d'essais critiques du monde contemporain. En outre, il a publié des dizaines d'articles dans des périodiques et revues brésiliens. Nous pouvons citer notamment Tentativa de identificação da Ideologia Francesa1 (1990) où, s’inspirant de L’Idéologie Allemande de Marx et Engels, Paulo Arantes essaie de décoder quelle serait la nouvelle idéologie dominante de son temps. Enfin, il dirige actuellement une collection intitulée État de Siège au sein de la maison d’édition Boitempo. 2 Le regard aigu d'Arantes se projette à travers plusieurs angles d'attaque tout à la fois sociaux, économiques, culturels et politiques prenant toujours en compte la dimension nationale et mondiale. La réflexion de la dialectique centre-périphérie est au cœur de sa L'autre sens. Une Théorie critique à la périphérie du capitalisme Variations, 22 | 2019 1 pensée. Autrement dit, le Brésil se transforme en un prisme capable de refléter le monde, comme étant souvent un symptôme privilégié, si nous pouvons parler ainsi, de la crise aiguë que traverse le système capitaliste dans toutes ses dimensions. C'est à travers la prise de conscience de cette matrice de pensée, dont il ressort un autre point de vue, qu'une théorie se construit et peut avoir une voix propre et originale dans le cadre de la reconstruction d'une pensée critique digne de ce nom. Dans cet entretien, parmi d'autres sujets, Paulo Arantes revient notamment sur certains aspects de sa formation au Brésil et en France, sur son vécu des échos de Mai 68 et sa rencontre avec la Théorie Critique (seules deux questions se sont avérées nécessaires pour que le fil de cette pensée se déroule pleinement). Il nous donne notamment quelques pistes, d'une part de ce que serait une Théorie Critique pensée à partir du point de vue d'un pays périphérique et, de l’autre, de ce qu'est une théorie critique qui pense et prend pleinement en compte le temps présent du monde. F.L. 3 Fred Lyra : Vous êtes arrivé à Paris dans l’immédiat post-1968 pour faire une thèse de doctorat sur Hegel sous la direction du professeur Jean-Toussaint Desanti. Nous pourrions commencer alors par cet événement qui fête ses 50 ans en cette année 2018: Mai 68. En outre, on pourrait dire qu'il y avait une convergence intéressante, car au-delà de cet événement politique très important, votre directeur était un Résistant et c'était aussi la période où le structuralisme était hégémonique dans la pensée française et où ce qui allait être connu sous le nom de structuralisme s'affirmait comme la nouvelle vague internationale. Comment revisiteriez-vous aujourd'hui le fait d’avoir vécu in loco les développements immédiats de ce moment politique et théorique singulier? 4 Paulo Arantes : À bien y réfléchir, en fait un croisement mémorable. Comment le revisiteriez-vous 50 ans plus tard? Certainement avec émotion, après tout, ce n'était pas du tout une expérience quelconque, mais surtout avec le sentiment d'être en train de visiter un musée personnel improvisé par un conservateur qui à l'époque ne savait rien, ou presque, des choses que plus tard l’on se verrait dans la contingence de recueillir, et dans un ordre certainement dicté par les pièges de l'anachronisme. 5 Pour être exact, je suis arrivé à Paris en octobre 1969, sans avoir la notion des choses, comme je l'ai dit, à l'exception des généralités archiconnues sur les événements de Mai. Je ne savais pas que je débarquais dans une conjoncture qui allait bientôt être appelée « l'immédiat post-Mai » et dont la signification était disputée par une myriade de petits groupes, une soupe à l’alphabet dans laquelle il n'était pas facile de se reconnaître, à commencer par celle, inhabituelle, de la nébuleuse Maoïste. Il flottait quelque chose comme le sentiment d'un nouveau départ, attesté par la persistance de la rhétorique insurrectionnelle, alimentée du reste par la campagne répressive du Ministre de l'Intérieur. 6 Pour un Brésilien nouveau venu, cette sensation de reprise sur le chemin n'a pas cessé de faire sens, dans une certaine mesure en ce moment on respirait le même air de famille au centre et à la périphérie. Voyez si l'analogie ne fonctionne pas. Dans ce même mois d'octobre 1969, déjà installé à Paris et très loin de la Dictature, le critique littéraire brésilien Roberto Schwarz commença à mettre sur le papier un premier bilan du mouvement politico-culturel qui au Brésil avait répondu au coup d'État de 1964 par une floraison de l’opposition intellectuelle jamais vue, hormis paradoxalement, parce que le régime était oppressif et tendait vers la terreur qui arriverait bientôt dans toute force à partir du AI-5. Et c'est ainsi que vint l'heure de la conversion intellectuelle au militantisme insurrectionnel, dont l'ethos guerrier et volontariste rayonnant de La Havane se nourrissait et se justifiait, par la conviction que la société contenue par la force L'autre sens. Une Théorie critique à la périphérie du capitalisme Variations, 22 | 2019 2 restait égale à elle-même et agitée comme toujours, au point d'ébullition que l'avait surprise la contre-vapeur de la Guerre Froide. Une cocotte-minute à partir de laquelle il suffisait d'enlever le couvercle. Nous savons que, contrairement à l'Italie, où, durant le même automne chaud, la stratégie de tension faisait ses premiers pas, en France la frontière de la lutte armée n'a jamais été franchie. Pourtant, durant ces derniers mois de 69, le fantôme de Mai fut appelé à gauche et à droite pour annoncer, ou faire peur, quelque chose comme une guerre civile en route, en brassant dans le même chaudron qui avait déjà débordé en 68. Et cela rappelait beaucoup de nos préparatifs de révolution en Amérique latine, les grandes attentes qui ont été rassemblées dans notre « soixante-huit » très particulier de défi à une Dictature encore honteuse, comme il a été dit plus tard. 7 Car la conjoncture française que je devais observer in loco, dans la condition très limitée d'un doctorant à plein temps, de 1969 à 1973, a connu ainsi une montée similaire, par exemple, dans l'hégémonie idéologique des groupes d'extrême gauche engagés à transformer la répétition générale de Mai en une affiche permanente. Quand je parle d'hégémonie, je pense à Sartre et Foucault dans la rue vendant la Cause du Peuple2. Et la date limite de 1973, parce que précisément durant la semaine de juin de cette année où j'ai défendu ma thèse, le Ministre Marcelin a dissout la Ligue communiste. Le mois suivant, j'étais de retour au Brésil sans savoir avec certitude ce qu'après tout j'avais vécu. 8 Vécu, par ailleurs, est une façon de dire. J’ai à peine suivi à distance, par la presse et les magazines interposés. Aussi incroyable que cela puisse paraître, je n'ai mis les pieds à Nanterre, point zéro du tremblement à venir, que deux fois, pour m'inscrire et, des années plus tard, pour la soutenance de la thèse. Dans les premiers temps, je ne me suis éloigné de ma table uploads/Philosophie/ teoria-critica-na-periferia-do-capitalismo.pdf

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