CONCEPTION ET MISE EN PAGE : PAUL MILAN Fiche sur l’art La nature imite l’art O

CONCEPTION ET MISE EN PAGE : PAUL MILAN Fiche sur l’art La nature imite l’art Oscar Wilde. L’art n’est pas la représentation d’une belle chose, il est la belle représentation d’une chose. Kant. L’art ne reproduit pas le visible, il rend visible. P. Klee. Introduction Un problème qui saute immédiatement aux yeux est le problème de la définition. Qu’est-ce que l’art ? L’abondance et la variété indéfinie du monde de l’art rendent difficile sa définition. Comment comprendre sous un même concept (celui d’Art) un totem des Nouvelles-Hébrides et un tableau de Delacroix, Notre Dame de Laon et un tapis du Karakorum, une poupée Hope et une casse Mossi ? A cela s’ajoute une particularité : les œuvres que nous qualifions sans hésitation, d’art, n’ont jusqu’à une date récente, presque jamais été conçues ainsi par ceux qui les ont faites. Les bisons de Lascaux avaient (probablement) un sens magique, la Vénus de Milo un sens religieux, la statue d’Auguste un sens politique, le vase Ming un sens utilitaire. Si nous regardons ces objets comme des œuvres d’art c’est parce qu’ils ont perdu pour nous tout autre sens qu’esthétique : un vase Ming dans une vitrine de musée ne peut plus avoir sa fonction d’origine, la sta- tue d’Auguste n’est plus un symbole politique, et la puissance et la puissance mystérieuse que nous accordons aux bisons de Lascaux ne vient plus d’une ma- gie à laquelle nous ne croyons plus. Quant à la Vénus de Milo, elle est devenue statue à partir du moment où la déesse est morte en elle. • Problématique possible : il se pourrait donc que l’art fût moins la qualité in- trinsèque d’un objet (que sa force transfigure en œuvre) que la manière dont notre regard accorde un sens esthétique (ou pas) à certains objets. Il faut garder ce problème à l’esprit pour le moment car nous la laissons de côté ici. Voir le cours (artiste / artisan) • Deuxième problème : l’art et la beauté. Mais qu’est-ce que la beauté ? Est-elle une propriété objective des choses ou au contraire n’est-elle qu’un sentiment subjectif éprouvé à la vue de certaines choses ? Si la beauté est objective com- ment expliquer la diversité des jugements sur le beau ? Ce qui est beau pour moi ne l’est pas forcément pour autrui . Y-a-t-il des critères de la beauté ? S’il y a une norme ou des critères, pour le goût, il sera facile d’en montrer les fon- dements et le jugement de goût sera alors jugement de connaissance. Si au contraire on abonde dans le sens de l’opinion (à chacun ses goûts), alors la notion de beau, et avec elle celle de l’art, sombre irrémédiablement dans le re- lativisme (pas de hiérarchie possible des œuvres, tout se vaut en quelque sorte). Bref : y-a-t-il une norme du goût, ou bien sommes-nous renvoyés à la multipli- cité des sensibilités ? BENJAMIN THEIFFRY 1 PHILOSOPHIE TERM S 1 ART ET RÉALITÉ • Troisième problème : le rapport entre l’art et la réalité. Dès lors qu’une peinture peut ressembler à une réalité, qu’un peintre se met en peine de la représenter, il semble alors que nous rapportons la peinture à son modèle pour la juger. A quoi bon en effet ces images de chaussures (comme dans un des tableaux de Van Gogh ), si ce n’est pour les comparer à leur modèle, et pouvoir du même coup rechercher l’identité de leur propriétaire, comme on ferait pour une pho- tographie ? Prendre des chaussures peintes pour des images, et qui plus est pour des images fidèles, semble donc tout naturel quand la peinture se mêle de ressembler à des chaussures. Cette restitution d’une image à son modèle, pour naïve qu’elle soit, serait ainsi suscitée par le fait même de la re-présentation. A quoi bon représenter le monde, la nature ou encore la réalité ? L’art peut- il se concevoir comme une imitation de la nature ? Représenter la nature ne consiste pas plutôt à redécouvrir la réalité, à la réinventer ou même à en révé- ler la vérité cachée ? (bref faudra réfléchir sur la distinction entre imitation et représentation. Représenter ne veut pas nécessairement dire imiter...) 1 Art et réalité • Problématique : Peut-on concevoir l’œuvre d’art comme une imitation de la nature ? Nous sommes donc confrontés à la question de l’essence de l’œuvre d’art : aura-t-elle le statut d’une simple apparence comme le veut la tradition philosophique (Platon) ou bien celle d’une véritable essence qui nous permet de saisir d’une autre manière que la philosophie ou la science ce qu’il en est du monde, de la société et plus généralement de la perception. a) L’imitation de la réalité Platon : l’art comme un miroir. Imiter, c’est rendre semblable à ce qu’on imite ou produire un double de la chose imitée. L’imitation suppose d’être comparable à son modèle, auquel elle peut se substituer si elle parvient à faire illusion. Imi- tation : re-présenter ce qu’on voit déjà. Voir le texte de Platon dans le manuel. L’artiste en effet, selon Platon, se borne à reproduire et à copier le sensible. La peinture, par exemple, n’est qu’une copie d’une copie. Ainsi l’art vient au troi- sième rang dans l’ordre des réalités : d’abord l’Idée (au sens platonicien du terme bien entendu), ensuite les choses empiriques, enfin les créations de l’art. Dès lors, l’art n’est qu’un mensonge et une illusion. Il y a tromperie. L’art, parce qu’il imite la nature, détourne de la vérité. L’art est une copie dégradée de l’essence. L’ar- tiste promène son miroir sur le monde et reproduit à l’identique ce qui n’est déjà qu’apparent. Image : apparence d’apparence ! Conséquence de cette analyse : dé- valorisation de l’œuvre d’art. Voilà ce qu’on retient de la pensée de Platon sur l’art généralement. L’art est jugé en fonction de la vérité. Pour Platon, philosophie et art sont séparés. L’activité "poétique" en général est liée au sensible, et à ce qui s’y rattache, les sens, la sensualité, les passions, les émotions, les affects. La philo- sophie (la vérité, la connaissance) concerne l’intelligible, l’esprit, la connaissance vraie. L’art est donc condamné car il éloigne l’homme du vrai, il le maintient dans l’illusion sensible (ce sera aussi le sens de la deuxième critique adressée à Platon. Voir ci-dessous). On trouve également dans les écrits de Platon une autre critique : L’art, et plus particulièrement la poésie et la tragédie, a le pouvoir d’imposer insidieusement BENJAMIN THEIFFRY 2 PHILOSOPHIE TERM S 1 ART ET RÉALITÉ des attitudes, des émotions, des conceptions religieuses ou morales et de contri- buer ainsi à la formation des hommes et des mœurs. Platon reproche à Homère et tous les poètes de raconter sur les Dieux, les héros et les hommes des histoires pleines de bruit et de fureur où abondent la cruauté et le mensonge, le meurtre, l’inceste et l’adultère, la jalousie et la méchanceté. Bref les poètes agitent les pas- sions humaines et font appel aux aspects irrationnels de l’âme. Bref, la poésie af- fecte l’âme, elle exclut toute distance, elle ne fait pas réfléchir, elle ne fait pas appel à l’intelligence. Plus gravement elle impose l’image d’un bonheur fait exclusive- ment de prestige social et de jouissances prises à des biens matériels. Prenons un exemple simple : nous avons tous déjà ressenti le pouvoir de la musique. En effet avec non moins de force que les narcotiques, la musique peut affecter notre état mental et physique. La musique peut fortifier ou assoupir, stimuler ou calmer. Elle peut émouvoir jusqu’aux larmes ou déclencher mystérieusement le rire, ou, plus mystérieusement encore, nous faire sourire comme si nous éprouvions une singulière légèreté, une vive allégresse de l’esprit. La musique agit sur nous, elle provoque des effets. C’est indéniable et il en est de même pour la tragédie. Les individus imitent les héros, ils les prennent pour modèles... Or c’est bien cela qui inquiète Platon. Bref La vie imite l’art. En plus d’imiter les apparences sensibles (d’être une copie d’une copie) l’art est dangereux dans la mesure où l’art vient troubler les hommes, les agite... A savoir : ce souci de ressemblance absolue avec la nature a inspiré les recherches sur le mouvement, la lumière, la perspective, le coloris et le relief en peinture. (bref le critère de l’imitation a joué dans l’histoire de l’art un rôle primordial). A la renaissance, Vasari rappelle que l’art vise "la reproduction du réel dont le degré d’imitation va de pair avec le degré de perfection". Au XVIIe siècle Roger de Piles écrit : "L’essence et la définition de la peinture est l’imitation des objets visibles par le moyen de la forme et des couleurs. Il faut donc en conclure que plus la peinture imite fortement et fidèlement la nature, plus elle nous conduit rapidement et directement vers sa fin, qui est de séduire nos yeux, et plus elle donne des marques de sa véritable idée." Cependant cette thèse (la mimésis ou l’imitation) est problématique car elle n’est possible qu’à partir d’une définition étroite de uploads/Philosophie/ terms-01-fiche-art-2012.pdf

  • 8
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager