CHAPITRE 2 APPRENDRE OU ACQUÉRIR UNE LANGUE 2. 1 | Sur le front de la Didactiqu
CHAPITRE 2 APPRENDRE OU ACQUÉRIR UNE LANGUE 2. 1 | Sur le front de la Didactique des langues étrangères 2. 1. 1. Les conflits permanents 2. 1. 2. Évolution ou progrès ? 2. 2 | Évolution des approches et méthodologies en dle depuis un demi- siècle 2. 2. 1. Du behaviorisme aux méthodologies audio-orales et audio-visuelles 2. 2. 2. En Europe : les approches notionnelle-fonctionnelle et communicative (années 1980-1990) 2. 2. 3. En Amérique du Nord : le courant de la Second Language Acquisition Research (années 1970-1990) 2. 3 | Conceptions actuelles de l’apprentissage et acquisition des langues 2. 3. 1. Tentatives de classification 2. 3. 2. Cognitivisme et constructivisme : essai de clarification 2. 3. 3. Conceptions de l’apprentissage et situation pédagogique 2. 4 | Composantes de la situation pédagogique en dle 2. 4. 1. Conception de la langue, finalités et objectifs 2. 4. 2. Conceptions de l’apprentissage et du rôle de l’apprenant 2. 4. 3. De nouveaux rôles pour l’enseignant 2. 4. 4. De la didactisation des contenus à la médiatisation 2. 4. 5. Du triangle au carré pédagogique Les instruments d’enseignement : agents doubles de la médiation et de la médiatisation pour l’apprentissage de la L2 71 Des méthodologies constituées aux conceptions éclec- tiques en DLE : des acteurs en quête de rôle Étant donné que notre domaine d’investigation est celui de l’apprentissage de l’anglais (en tant que langue étrangère), il nous faut maintenant parcourir le champ de la didactique des langues étrangères (ci-après DLE1) en général et celui de la didactique de l’anglais en particulier. Nous souhaitons mettre en évidence ce qui fait la spécificité de ce domaine, tout particulièrement du point de vue de la médiatisation du savoir et de la médiation pédagogique, opérations que nous avons définies plus haut comme visant à rapprocher le savoir de l’apprenant pour l’une et l’apprenant du savoir pour l’autre. Nous chercherons tout d’abord à savoir si l’on retrouve dans le domaine de l’enseignement des langues étrangères les mêmes relations conflictuelles entre didactique et pédagogie que celles décrites dans notre § 1.3.1. Il s’agira ensuite de vérifier en quoi la DLE fait son profit des résultats de la recherche fondamentale en psychologie de l’apprentissage et dans quelle mesure elle reflète les points de vue des sciences de l’éducation sur la situation ternaire d’enseignement–apprentissage tels que nous les avons étudiés dans notre chapitre premier. Nous évoquerons également les autres disciplines et théories auxquelles la DLE a fait appel depuis un demi-siècle, comme la linguistique appliquée et, plus récemment, la psychologie cognitive. Cette partie du présent chapitre présente un caractère rétrospectif nettement marqué et qui pourra surprendre. Cependant, l’état actuel d’un domaine donné n’étant que le résultat provisoire de l’évolution de ses états passés, une analyse diachronique s’impose. Cette analyse s’impose à double titre : elle permet de prendre du recul pour relativiser l’importance de certains phénomènes constatés ; plus particulièrement dans le domaine des nouvelles technologies, elle vise à éviter aussi bien les errements passés que la « réinvention de la roue ». Nous terminerons ce chapitre avec une nouvelle analyse des composantes de la situation pédagogique, ciblée sur l’enseignement–apprentissage des langues. Cette analyse nous permettra de clarifier la place et le rôle de chacun des trois pôles du triangle pédagogique (Apprenant, Savoir et Enseignant), de vérifier si notre modèle défini au chapitre précédent est toujours opératoire ou s’il convient d’y apporter des modifications. Nous essaierons enfin de clarifier les concepts de médiation et de médiatisation qui sont au cœur de notre recherche. 1. Dans un souci de faciliter la lecture de notre texte, nous utiliserons désormais le sigle DLE pour représenter non seulement le concept de didactique des langues étrangères (concept principalement en vigueur dans la littérature francophone du domaine), mais aussi, plus généralement, celui d’enseignement–apprentissage des langues étrangères. 73 2. 1 | Sur le front de la Didactique des langues étrangères Si nous avons consacré un chapitre entier à l’étude des théories de l’apprentissage et des théories de la situation éducative en général, ce n’était pas dans le but de pouvoir maintenant étudier les « applications » de la théorie à la pratique. En effet, comme nous le rappelle Gaonac’h, « il n’existe pas d’applications des théories de l’apprentissage à l’enseignement des langues étrangères » (1991 : 6). Ce point de vue est partagé par Bailly qui, tout en reconnaissant l’apport de la théorie à la méthodologie de la didactique des langues étrangères, « récuse [...] vigoureusement l’applicationnisme » (1997 : 30). Une telle mise en garde contre l’applicationnisme en matière de pédagogie n’est pas nouvelle, comme en témoigne cette citation du psycholinguiste Jakobovits : La pédagogie est un art et […] il n’existe aucune méthode sûre pour extrapoler à partir des connaissances scientifiques en vue d’une application en classe (cité par Girard, 1974 : 63). 2. 1. 1. Les conflits permanents En revanche, l’enseignement des langues semble à bien des égards offrir un champ privilégié pour l’étude des liens qui s’établissent d’une part entre des disciplines qui s’intéressent à l’apprentissage et à l’enseignement (psychologie de l’apprentissage, sciences de l’éducation, sciences cognitives) et la didactique d’une discipline d’autre part. Il faut noter d’emblée que ce champ privilégié ressemble souvent à un champ de bataille, avec ses luttes qui opposent les partisans de théories contradictoires dans les états-majors des laboratoires de recherche et les fantassins défenseurs de « leur » méthodologie et pourfendeurs des méthodologies adverses sur le terrain de la classe. Quels sont les enjeux de ces luttes intestines ? Quel est le fondement de la controverse méthodologique en DLE ? Nous retiendrons trois types de conflits qui nous semblent les plus représentatifs : l’un est externe, c’est-à-dire qu’il n’est pas propre au domaine de la DLE, même s’il y trouve un terrain plus favorable qu’ailleurs, tandis que les deux autres forment le fondement même de la DLE. — Théorie (psychologique) versus pratique (pédagogique) La première source de conflit concerne les relations entre la DLE et des disciplines dites « fondamentales », telles que la psychologie de l’apprentissage et, plus récemment, la psychologie cognitive. Plus précisément, il s’agit des rapports conflictuels entre théorie psychologique et pratique pédagogique, comme l’écrit Gaonac’h en introduction à un ouvrage dont le but est, précisément, de chercher à réconcilier ces points de vue : La vigueur de la représentation militaire des rapports entre théorie et pratique n’est pas anodine. Elle conforte l’institution universitaire dans son illusoire indépendance scientifique [...]. Elle rassure le pédagogue, qui recherche dans la « science » une caution à des Chapitre 2 Apprendre ou acquérir une langue 74 pratiques souvent imposées par tout un jeu de contraintes mal formulées [...] (1991 : 6). Toutefois, semblable en cela au « conflit cognitif » (voir en page 34) qui permet de progresser en se débarrassant de l’obstacle du déjà-là, le conflit des théories et des disciplines peut déboucher sur un progrès, comme le dit encore Gaonac’h : L’affrontement des théories [trouve sa justification] dans le caractère éminemment heuristique des conflits, tout autant que la remise en cause constante des pratiques pédagogiques constitue l’unique parade à leur sclérose. C’est l’interpellation réciproque de disciplines telles que la psychologie et la didactique des langues qui nous paraît être facteur de progrès (op. cit. : 7). Mais le danger de l’applicationnisme – dénoncé par Gaonac’h et Bailly (voir en page 73) – guette toujours didacticiens et auteurs de méthodes. Springer, qui met en garde contre les dangers de la simplification et de la déformation que la « transposition didactique » fait subir aux résultats de la recherche scientifique, cite Porcher qui va jusqu’à parler à ce sujet de « malédiction pédagogique » en didactique des langues (Springer, 1996 : 84-85). Nous avons évoqué dans notre premier chapitre les rapports entre pédagogie et didactique en général, et nous avons déjà donné quelques exemples de ces rapports dans le domaine particulier de la DLE (§ 1. 3. 1. ). Nous n’y reviendrons donc pas ici. — Visée pratique versus visée culturelle Le terrain de la DLE est également l’enjeu d’un conflit entre ses deux finalités contradictoires. Ce conflit, d’après Springer, constitue d’ailleurs la spécificité majeure de cette discipline : L’enseignement des langues [...] comporte à la fois une finalité interne, c’est-à-dire une visée pratique et opérationnelle [...] et une finalité externe, c’est-à-dire une visée sociale et culturelle (op. cit. : 61). Cet auteur constate que ces deux visées entretiennent deux optiques divergentes qui nourrissent une controverse méthodologique permanente depuis l’époque de la naissance de la DLE – qu’il situe, avec Puren (1989), au milieu du XXe siècle – jusqu’à nos jours1. Il apparaît en plus que chacun des grands courants méthodologiques qui traversent la DLE ravive la querelle qui oppose les Anciens aux Modernes, les traditionalistes aux modernistes, les partisans d’une visée pratique aux tenants de l’objectif culturel, depuis l’ancêtre de la méthode 1. Au niveau universitaire, cette « controverse méthodologique » a alimenté un conflit qui a débouché au début des années 1970 sur la création des départements de LEA (Langues Étrangères Appliquées), à côté des uploads/Philosophie/ these-joseph-rez-eau-02.pdf
Documents similaires










-
31
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Jan 02, 2023
- Catégorie Philosophy / Philo...
- Langue French
- Taille du fichier 0.8401MB