DIEU AVEC L'ÊTRE: APPROCHE DE LA PROBLÉMATIQUE ONTOLOGIQUE DU PÈRE DOMINIQUE DU

DIEU AVEC L'ÊTRE: APPROCHE DE LA PROBLÉMATIQUE ONTOLOGIQUE DU PÈRE DOMINIQUE DUBARLE Author(s): Jean Greisch Source: Revue des Sciences philosophiques et théologiques , Janvier 1989, Vol. 73, No. 1, HOMMAGE A DOMINIQUE DUBARLE (1907-1987) (Janvier 1989), pp. 41-59 Published by: Librairie Philosophique J. Vrin Stable URL: https://www.jstor.org/stable/44407909 JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact support@jstor.org. Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at https://about.jstor.org/terms is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Revue des Sciences philosophiques et théologiques This content downloaded from 197.157.209.26 on Tue, 01 Mar 2022 19:35:39 UTC All use subject to https://about.jstor.org/terms Rev. Sc. ph. ih. 73 (1989) 41-59 DIEU AVEC L'ÊTRE APPROCHE DE LA PROBLÉMATIQUE ONTOLOGIQUE DU PÈRE DOMINIQUE DUBARLE par Jean Greisch Je commencerai par un avertissement : A lui seul ce titre : «Dieu avec l'être»1, sous lequel (obéissant à un souhait de l'auteur lui-même) j'ai publié cinq études particulièrement représentatives de la recherche ontologique du Père Dominique Dubarle, ne saurait rendre justice à tous les aspects de sa problématique ontologique qui n'est elle-même qu'un segment d'une œuvre plus vaste. Par contre, il me semble qu'il peut jouer le rôle d'un révélateur, permettant de se faire une idée de l'originalité d'une problématique qui malheureusement n'a pas pu s'exprimer dans un ouvrage de synthèse, et dont n'existent que les membra disjecta éparpillés dans un certain nombre d'études spécialisées, ou dans des Cours polycopiés2 rédigés par l'auteur lui-même et dont on peut souhaiter que de jeunes chercheurs sauront un jour exploiter toutes les richesses. C'est en ce sens finalement très modeste, et sans aucune intention polémique, qui opposerait un slogan à un autre slogan, que je souhaite que ce titre soit entendu. Car, - du moins est-ce là ma conviction intime - nous sommes ici dans un domaine où les slogans peuvent sans doute amuser la galerie pour un temps, mais le véritable travail de la compréhension commence au-delà d'une frontière que les slogans sont incapables de franchir. Ce qui suit ne sera donc qu'une simple esquisse destinée à déterminer un profil et non une présentation synthétique d'une problématique ontologique trop complexe pour pouvoir être résumée dans le cadre d'un simple article. Je propose de définir ce profil en cinq étapes. 1. La 1. Dominique Dubarle, Dieu avec l'être. De Parmenide à S. Thomas. Essai d'ontologie théologale. Paris, Beauchêne 1986. Collection «Philosophie» n° 11 (cité DaE). 2. Du point de vue de la problématique ontologique, les cours suivants revêtent une importance particulière : «L'ontologie de la subjectivité, la technique phénoménologi- que et la théologie chrétienne» (année universitaire 1976-1977) cf. ci-dessus, p. 3-40; «Introduction à l'ontologie de S. Thomas» (année universitaire 1975-1976). This content downloaded from 197.157.209.26 on Tue, 01 Mar 2022 19:35:39 UTC All use subject to https://about.jstor.org/terms 42 J. GREISCH première étape consistera problématique que recouv dans le débat contemporain métaphysique occidentale. 2 conception générale que le Père Dubarle se faisait de l'ontologie : un savoir conceptuel sur l'être dont le caractère réfléchissant doit être explicitement assumé. 3. La troisième étape concernera la notion même d'ontologie théologale , pour autant qu'elle définit l'usage que la pensée chrétienne traditionnelle a fait du lexique de l'être, dans le but d'élaborer non pas une «onto-théo-logie», mais une' «théo-ontologie». 4. En quatrième lieu, je dirai un mot des caractéristiques formelles d'une telle ontologie théologale, c'est-à-dire essentiellement son caractère projectif par lequel elle se distingue fondamentalement d'une ontologie thètique antérieure. 5. Enfin, pour terminer, sous le titre «Ontologie et sotériolo- gie», je voudrais montrer en quoi exactement consiste l'alternative que le Père Dubarle a voulu opposer aux critiques post-heideggériennes de l'onto-théo-logie. 1. « Dieu avec F être» ou « Dieu sans F être»? : un premier cadrage du problème Pour bien comprendre la signification de la conjonction qu'exprime ce titre «Dieu avec l'être», je propose de l'encadrer par deux autres lectures possibles. 1. La première de ces lectures consisterait à entendre la conjonction en un sens aussi fort que possible, de sorte qu'en fin de compte elle deviendrait une identité, quitte à préciser ensuite le statut de celle-ci. Comme le fait Dominique Dubarle lui-même, j'illustrerai cette position par la thèse bien connue d'Étienne Gilson, qui fait de l'identification de Dieu et de l'être le couronnement de la métaphysique chrétienne, venant accomplir le programme déjà contenu dans la révélation du nom divin à Moïse : «Pour savoir ce qu'est Dieu, c'est à Dieu lui-même que Moïse s'adresse. Voulant connaître son nom, il le lui a demandé, et voici la réponse : Ego sum qui sum. Ait sic dices filiis Israël : qui est misit me ad vos. Ici encore, pas un mot de métaphysique, mais Dieu a parlé, la cause est entendue, et c'est l'Exode qui pose le principe auquel la philosophie chrétienne tout entière sera désormais suspendue. A partir de ce moment il est entendu une fois pour toutes que l'être est le nom propre de Dieu et que selon la parole de S. Ephrem reprise plus tard par S. Bonaventure, ce nom désigne son essence même. Or, dire que le mot désigne l'essence de Dieu et que Dieu est le seul dont ce mot désigne l'essence, c'est dire qu'en Dieu l'essence est identique à l'existence et qu'il est le seul en qui l'essence et l'existence sont identiques. C'est pourquoi, se référant expressément au texte de l'Exode S. Thomas d'Aquin déclare qu'entre tous les noms divins il en est un qui est éminemment propre à Dieu, et c'est Qui est , justement parce qu'il ne signifie rien d'autre que l'être même : non enim significai formam aliquam, sed ipsum esse. Principe d'une fécondité métaphysique inépuisable... Il n'y a qu'un Dieu et ce Dieu est l'être, telle est la pierre d'angle de la philosophie chrétienne, et This content downloaded from 197.157.209.26 on Tue, 01 Mar 2022 19:35:39 UTC All use subject to https://about.jstor.org/terms dieu avec l'être 43 ce n'est pas Platon, ce n'est m posée »3. Citant ce passage, le P. Dubarle l'accompagne de deux remarques. La première : il est dangereux de faire de Dieu un professeur de théologie et de métaphysique. «Ce sont les hommes qui posent les principes des philosophies, fussent-elles 'chrétiennes' et éveillées ou formées par la lecture de l'Écriture»4. La seconde : les rapports entre le Dieu de la vie religieuse et de la foi et les institutions d'une ontologie savante et philosophique sont plus complexes que ne le laissent supposer des formules abruptes qui identifient Dieu et l'être sans autre forme de procès. La cause n'est donc pas si entendue que cela : il convient au contraire de se demander quelle est la signification exacte et peut-être aussi quelles sont les limites de la nomination ontologique de Dieu. 2. Dans la pensée heideggérienne et post-heideggérienne, la cause est même si peu entendue que la conjonction se transforme en disjonction5. C'est donc là l'autre possibilité qu'il faut envisager, que les intelligibilités respectives de Dieu et de l'être soient intégralement dissociées. Le terrain de cette disjonction a été préparé par Heidegger lui-même, par sa thèse bien connue (mais pas nécessairement bien comprise) de la constitution onto-théo-logique de la métaphysique occidentale6. Faute de pouvoir l'analyser en détail, je citerai ici une déclaration de Heidegger devant des étudiants de l'université de Zurich. En réponse à la question : «l'être et Dieu peuvent-ils être identifiés ? » Heidegger répond ceci : « Cette question m'est posée presque tous les quinze jours, puisqu'elle inquiète les théologiens pour des raisons bien compréhensibles et qu'elle est liée au devenir européen de l'histoire, qui commence déjà au Moyen Age, par le fait qu'Aristote et Platon ont envahi la théologie, voire le Nouveau Testament. Il s'agit là d'un processus dont on a du mal à se représenter l'envergure. J'ai demandé à un jésuite qui me veut du bien de me désigner les endroits chez Thomas d'Aquin où est dit ce que 'esse' veut dire et ce que signifie l'affirmation : ' Deus est suum esse'. Jusqu'à l'heure présente, je n'ai pas encore de réponse. - Dieu et l'être ne sont pas identiques. (Lorsque Rickert estime que le concept d'être est trop chargé, il prend l'être dans un sens très restrictif au sens de la réalité distinguée des valeurs). L'être et dieu ne sont pas identiques, et jamais je ne tenterai de penser l'essence de dieu au moyen de l'être. Certains savent peut-être que je proviens de la théologie et que je lui ai conservé un vieil amour et que je m'y entends un peu. Si j'écrivais encore une théologie, ce que parfois je suis tenté de faire, l'expression 'être' ne devrait point y figurer. La foi n'a pas besoin de la pensée de l'être. Quand elle en a besoin, elle n'est déjà plus la foi. Luther a compris cela. Mais même uploads/Philosophie/ this-content-downloaded-from-197-157-209-26-on-tue-01-mar-2022-19-35-39-utc.pdf

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