PAUL RICŒUR OU LE DISCOURS ENTRE LA PAROLE ET LE LANGAGE Author(s): Pierre Gise

PAUL RICŒUR OU LE DISCOURS ENTRE LA PAROLE ET LE LANGAGE Author(s): Pierre Gisel Source: Revue de Théologie et de Philosophie , 1976, Troisième série, Vol. 26, No. 2 (1976), pp. 98-110 Published by: Librairie Droz Stable URL: https://www.jstor.org/stable/44353753 JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact support@jstor.org. Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at https://about.jstor.org/terms Librairie Droz is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Revue de Théologie et de Philosophie This content downloaded from 41.78.193.5 on Mon, 08 Aug 2022 17:01:30 UTC All use subject to https://about.jstor.org/terms PAUL RICŒUR OU LE DISCOURS ENTRE LA PAROLE ET LE LANGAGE * Introduction : pour une théorie du discours Paul Ricoeur est à la recherche d'une théorie du discours. Son dernier ouvrage l'atteste de la façon la plus nette Mais cet ouvrage ne fait que prolonger une réflexion dont le cheminement est jalonné par les textes suivants : « la structure, le mot, l'événement » (1967) 2, « Qu'est-ce qu'un texte ? » (1970) 3, « événement et sens dans le discours » (1971) *, « la métaphore et le problème central de l'hermé- neutique » (1972) 5, « philosophische und theologische Hermeneutik » et « Stellung und Funktion der Metapher in der biblischen Sprache » (1974) 6, ainsi que les textes qui viennent de paraître dans Exegesis (3:975) 7. D'ailleurs, à mon sens, l'élaboration d'une théorie du discours prend place dans l'ensemble de la quête philosophique de Ricoeur : elle constitue l'un des éléments décisifs dans la construction d'une poétique annoncée dès 1950 dans le premier tome de sa Philosophie de la volonté 8. A ce titre, elle trouve ses racines dans une conception husserlienne qui veut que ce soit sur le noème que le sujet et son « vécu » se donnent à lire 9. Elle se déploie enfin dans le cadre d'une * Exposé présenté le 9.6.1975 à l'« Institut de recherches herméneutiques » de la Faculté de théologie de Neuchâtel et le 19. 11. 1975 dans le cadre du sémi- naire philosophique du Professeur F. Brunner (Faculté des Lettres, Neuchâtel). Le titre de l'exposé m'avait été proposé par la direction de l'Institut. 1 La métaphore vive. Paris, Seuil, 1975. » Repris dans Le conflit des interprétations , Paris, Seuil, 1969, p. 80-97. 3 In Hermeneutik und Dialektik, Festschrift H.-G. Gadamer, Tübingen, Mohr, 1970, t. II p. 181-200. 4 In M. Philibert : Paul Ricœur ou la liberté selon l'espérance, Paris, Seghers, 1971, p. 177-187. 5 Revue philosophique de Louvain, t. 70, 1972 févr., p. 93-112. 6 In P. Ricœur et E. Jüngbl : Metapher. Zur Hermeneutik religiöser Sprache , Ev. Th., Sonderheft, München, Kaiser, 1974. 7 Exegesis. Problèmes de méthode et exercices de lecture, F. Bovon et G. Rouiller éd., Neuchâtel, Delachaux, 1975. 8 Le volontaire et l'involontaire, Paris, Aubier, 1950. 9 Cf. P. Gisel : « Paul Ricœur. Eine Einführung in sein Denken », in P. Ricœur et E. Jüngbl. op. cit., p. 6. Trad, remaniée in Etudes théologiques et religieuses , t. 49, 1974/1, p. 32. This content downloaded from 41.78.193.5 on Mon, 08 Aug 2022 17:01:30 UTC All use subject to https://about.jstor.org/terms PAUL RICOEUR OU LE DISCOURS ENTRE PAROLE ET LANGAGE 99 philosophie réflexive marquée par une discontinuité originaire qu'atteste la faute 1 et par une discontinuité finale qui donne à l'œuvre son épaisseur, sa singularité, sa positivité et son autonomie relative, une philosophie qui, par là même, se fait herméneutique de l'histoire et non savoir de la vérité, une philosophie qui met en œuvre un style de penser plus kantien qu'hégélien, une philosophie qui naît de la confession et en appelle à l'espérance, bref, qui vit d'une première affirmation ne cessant d'être médiatisée au cœur de la distance et de la séparation. Mais pourquoi une théorie du discours ? On a une (ou plutôt : des) théorie(s) de la parole comme on a, surtout depuis Saussure, une théorie du langage. En terre francophone tout au moins 2, le moment du discours et l'instance spécifique qu'il représente ont été relative- ment moins travaillés. Contre un accent unilatéral sur la parole - qui est le moment de l'acte 3 - la prise en considération de l'instance discours atteste que l'événement n'existe que comme forme spécifique d'une matière (le langage) qui a sa consistance et ses contraintes. Il y a événement puisqu'il y a mise en forme, mais on ne saurait parler de cet événement qu'en fonction des figures qui viennent à se dire dans le langage et par le détour d'une interprétation de ces figures. Cela veut dire deux choses : 1) que la vérité est à déchiffrer au creux d'une histoire , non dans la valorisation d'une « origine » (quel que soit le registre où elle puisse être pensée : subjectif ou objectif) qui se tiendrait en son en deçà (en deçà du discours, il n'y a que silence et absence dit Ricoeur), qui se tiendrait en un lieu que la faute n'aurait pas encore affecté ; 2) que la vérité ne peut être de l'ordre du pur et simple donné , mais seulement de Y advenir ou, pour anticiper, qu'il n'y a pas à* être (même en sa précédence) sans acte, et donc sans promesse possible. Contre un accent unilatéral mis sur le langage , la prise en compte de l'instance discours attire l'attention sur le moment de discrimina- tion et de structuration (je dirais : de limite) qui fait échec à la dissémination sans fin ni commencement que se plaisent à chanter aujourd'hui certains disciples radicaux d'Heidegger et de Nietzsche, magnifiant - par désespoir du sens - l'esthétisme des mots sans discours ou la jouissance brute des signes sans présence parce que sans position ( positio , thesis). 1 Cf. le tome II de la Philosophie de la volonté : II/i l'homme faillible et II/2 la symbolique du mal, Paris, Aubier, i960. * Il n'en va pas de même de la linguistique anglo-saxonne qui - œuvre de logiciens souvent - est partie d'une analyse propositionnelle, et non d'un examen du mot couplé à une prise en considération des espaces structuraux qui le définissent selon un jeu de dictionnaires entrecroisés. 3 Moment de l'événement, cf. F. de Saussure. This content downloaded from 41.78.193.5 on Mon, 08 Aug 2022 17:01:30 UTC All use subject to https://about.jstor.org/terms 100 PIERRE GISEL Conclusion : parce qu même du langage x, le d l'on ne saurait court-ci parle ou du sujet qui le figure qui naît bien dan et dans une visée qui co discours) et qui dit, en so I. Le discours Elaborer une théorie du discours comme instance spécifique, c'est partir dès l'abord de l'énoncé 2, de l'acte de prédiquer, et non des mots dont le sens serait défini par le seul lexique. Ici, on interro- gera la question du sens à partir du moment de la production du sens. Dans la théorie du sens, le moment généalogique commandera le moment nominal 3. Qu'est-ce qu'un énoncé ou un discours ? C'est une manifestation de langage en forme textuelle (la phrase en constitue la plus petite unité) qui : 1) se produit comme événement et en même temps se laisse comprendre comme sens ; parce que l'événement est sensé (institution d'un sens), on pourra en parler, le laisser nous enseigner, le critiquer et, finalement, l'interpréter et le reprendre comme événement ; 2) qui dit l'identité (fonction identifiante et singularisante) et en même temps articule en un ordre propre (fonction prédicative) ; parce qu'elle articule en son ordre, elle permet de dire l'identité, mais parce qu'elle dit l'identité, elle est liée à un ici et à un mainte- nant ; 3) qui s'effectue comme dire (fonction locutionnaire) et en même temps comme faire (fonction illocutionnaire) ; parce qu'elle est un faire, elle ne dit le monde qu'en le modifiant, parce qu'elle est un dire, elle est liée au monde qui la précède ; 4) qui advient comme sens (immanence) et en même temps fait référence (dénotation, intenté du discours) ; parce qu'elle vit de référence, elle parle du monde, mais parce qu'elle en parle comme sens, la référence est médiate ; 5) qui renvoie à la réalité et à un locuteur ; parce qu'elle renvoie au locuteur, elle est liée à un ici et à un maintenant singulier, mais 1 Cf. Le Conflit des interprétations , p. 86. 3 Ricoeur s'appuie ici sur les travaux du linguiste français Benveniste, cf. par exemple Problèmes de linguistique générale, Paris, Gallimard, 1966, p. 251-257. 3 Sur ces points et l'ensemble de ce § I, cf. la Métaphore vive , IIIe étude. This content downloaded from 41.78.193.5 on Mon, 08 Aug 2022 17:01:30 UTC All use subject to https://about.jstor.org/terms PAUL RICOEUR OU LE DISCOURS ENTRE PAROLE ET uploads/Philosophie/ this-content-downloaded-from-41-78-193-5-on-mon-08-aug-2022-17-01-30-utc.pdf

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