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Cet article est disponible en ligne à l’adresse : http://www.cairn.info/article.php?ID_REVUE=RMM&ID_NUMPUBLIE=RMM_012&ID_ARTICLE=RMM_012_0119 La Première Méditation de Descartes et le De beata vita d’Augustin par Laurence DEVILLAIRS | Presses Universitaires de France | Revue de Métaphysique et de Morale 2001/2 - n° 30 ISSN 0035-1571 | ISBN 2-1305-1768-4 | pages 119 à 132 Pour citer cet article : — Devillairs L., La Première Méditation de Descartes et le De beata vita d’Augustin, Revue de Métaphysique et de Morale 2001/2, n° 30, p. 119-132. Distribution électronique Cairn pour les Presses Universitaires de France. © Presses Universitaires de France. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. La Première Méditation de Descartes et le De beata vita d’Augustin RÉSUMÉ. — Le Dieu de la Première Méditation de Descartes reste une figure énig- matique de la Divinité ; le développement de la métaphysique cartésienne opposera à cette vetus opinio d’un Dieu tout-puissant et bon l’idée innée du « vrai Dieu ». Les commentateurs ont cherché à préciser l’origine d’une telle opinion : nous tenterons à notre tour de lever l’anonymat de ce Dieu en montrant que la Première Méditation s’élabore à partir d’une lecture des premières confessions d’Augustin, à savoir le De beata vita. Cette source augustinienne est d’ailleurs confirmée par Régis qui rattache spontanément les attributs du Dieu de la vetus opinio à la théologie d’Augustin. ABSTRACT. — Descartes’ First Meditation and Augustine’s De beata vita – In Des- cartes’ First Meditation, God still is an enigmatic figure of Godness ; the development of the Cartesian metaphysics will put forward this vetus opinio of an omnipotent and good God, the innate idea of the « true God ». Commentators used to try to clarify the origin of such an opinion : that will be our goal too in looking for rubing out the anonymous characteristics of this God. For that, we show that the First Meditation is written from a reading of Augustine’s first confessions, that is to say the De beata vita. This augustinian source is certified by Régis who immediately connects the divine attri- butes of this vetus opinio to Augustine’s theology. La Première Méditation de la métaphysique de Descartes s’ouvre sur la figure d’un Dieu tout-puissant et souverainement bon, opinion ancienne (vetus opinio) à laquelle la philosophie première cartésienne opposera l’idée du « vrai Dieu ». Cette figure de la Divinité s’insère dans un développement plus général sur l’origine de l’être : l’Auteur de ma nature m’a-t-il créé capable de science ou aveugle à la vérité ? S’ajoute à cette interrogation une fonction épistémique : le Dieu tout-puissant et bon fait douter des vérités simples, au nombre desquelles se trouvent les vérités mathématiques. Ces développements marquent non seu- lement l’entrée de Dieu en métaphysique cartésienne mais décrivent les ques- tions que se pose celui qui commence à philosopher. Introduction métaphysique, commencement philosophique, la Première Méditation reste énigmatique ; le commentaire cartésien s’est pourtant attaché à déterminer l’origine de cette vetus opinio et à identifier les « personnes (non- Revue de Métaphysique et de Morale, No 2/2001 nulli qui) qui aimeront mieux nier l’existence d’un Dieu si puissant » 1. Nous souhaiterions pour notre part montrer que le texte de la Première Méditation auquel nous nous intéressons plus particulièrement, à savoir en AT VII, 21, l. 17-26, se structure selon un ordre de réflexion augustinien. L’AUGUSTINISME DE LA PREMIÈRE MÉDITATION Concernant le devenir athée 2 du narrateur de la Première Méditation, plu- sieurs hypothèses ont été proposées par les commentateurs. Récemment, dans le Bulletin cartésien de 1992, J.-M. Beyssade présente un état de la question et propose à son tour une interprétation, sans s’attacher toutefois au problème de l’origine de ce passage : « [...] il nous semble que la position décrite comme celle des objecteurs (“il y aura peut-être ici des personnes qui...”) ne saurait être simplement la description objective d’interlocuteurs extérieurs (les mathé- maticiens athées, les rationalistes humanistes, etc.) : elle est aussi une étape du lecteur qui médite avec Descartes ; c’est lui qui est tenté, pour éviter l’hyperbole du doute métaphysique et la déstabilisation des certitudes mathématiques qu’elle implique, de préférer comme un refuge la négation du Dieu tout-puissant, autrement dit l’athéisme scientiste » 3. Dans ce même Bulletin, G. Moyal répond aux objections que lui avait adres- sées V. Carraud, à propos de son interprétation de ce passage 4. Plus récemment, Z. Janowski reposait la question de la source éventuelle à assigner à ces déve- loppements. À la suite de H. Gouhier 5, il proposait de voir, dans le passage 1. AT IX, 16. Nous donnerons les citations de Descartes selon l’édition des Œuvres, publiée par C. Adam et P. Tannery, nouvelle présentation par B. Rochot et P. Costabel, 11 vol., Paris, Vrin- CNRS, 1964-1974, rééd. Vrin, 1996, notée [AT] avec indication du volume en chiffres romains suivie de la page. 2. « Essent vero fortasse nonnulli qui tam potentem aliquem Deum mallent negare, quam res alias omnes credere esse incertas. Sed iis non repugnemus, totumque hoc de Deo demus esse fictitium ; at seu fato, seu casu, seu continuata rerum serie, seu quovis alio modo me ad id quod sum pervenisse supponant... », AT VII, 21. « Mais il y aura peut-être ici des personnes qui aimeront mieux nier l’existence d’un Dieu si puissant, que de croire que toutes les autres choses sont incertaines. Mais ne leur résistons pas pour le présent, et supposons, en leur faveur, que tout ce qui est dit ici d’un Dieu soit une fable. Toutefois, de quelque façon qu’ils supposent que je sois parvenu à l’état et à l’être que je possède, soit qu’ils l’attribuent à quelque destin ou fatalité, soit qu’ils le réfèrent au hasard, soit qu’ils veuillent que ce soit par une continuelle suite et liaison des choses... », AT IX, 16. 3. Bulletin cartésien XX, Archives de philosophie 55, janvier-mars 1992, p. 5. 4. La recension de l’article de G. MOYAL, « La preuve ontologique dans l’ordre des raisons », Revue de Métaphysique et de Morale (1988, 93, 2, p. 246-258), par V. Carraud, se trouve dans le Bulletin cartésien XIX, p. 71-72. Concernant d’autres interprétations, voir notamment M. GUEROULT, Descartes selon l’ordre des raisons, vol. 1, Paris, Aubier, 1953, rééd. 1975, p. 42 sq. ; la discussion entre Caton et Kennington, Journal of the History of Ideas, 1973 / 1974, p. 638-644. 5. La pensée métaphysique de Descartes, Paris, Vrin, 1962, 3e éd. 1978, p. 120. 120 Laurence Devillairs cartésien concernant la bonté et la puissance de Dieu, un argument d’Épicure : étant donné la présence du mal dans le monde, soit Dieu veut le mal, soit il est impuissant. Les causes que les objecteurs opposent à celle d’un Dieu tout- puissant renverraient ainsi aux thèses des Épicuriens et des Stoïciens 6. Souli- gnons que cet argument qui (de la présence du mal conclut à l’impuissance et / ou à la méchanceté de Dieu) se trouve répertorié dans les Esquisses pyr- rhoniennes de Sextus Empiricus : « Celui qui dit qu’il existe un Dieu prétend soit qu’il exerce une providence sur les choses qui sont dans le monde, soit qu’il n’en exerce pas [...]. Mais s’il a exercé sa providence sur toutes, il n’y aura rien de mauvais ni aucun mal dans le monde ; mais ils disent que tout est rempli de mal. Donc le Dieu ne sera pas dit exercer une providence sur toutes choses [...]. Mais s’il peut exercer sa providence sur toutes choses mais ne le veut pas, on estimera qu’il est méchant. Mais s’il ne le veut ni ne le peut, c’est qu’il est méchant et faible [...]. Donc Dieu n’exerce aucune providence sur les choses dans le monde. Mais s’il n’exerce aucune providence et n’a ni fonction ni effet, nul ne pourra dire d’où nous vient la possibilité de saisir qu’il existe un Dieu » 7. La Première Méditation présente deux réponses possibles à la question de l’origine de mon être : l’une surnaturelle, l’autre naturelle ou athée. Je suis soit l’effet d’un Dieu tout-puissant et bon qui m’a « créé et produit tel que je suis » ; soit, si l’on refuse l’existence d’un tel Dieu, le produit du hasard, de la nécessité ou de la fatalité. Cette opposition nette entre une hypothèse surnaturelle et une position athée semble, dans le conflit qu’elle instaure 8, mettre en place les éléments d’une théodicée : ou bien Dieu existe et cette existence interdit la présence du mal ou de l’erreur ; ou bien le mal uploads/Philosophie/08-laurence-devillairs-page-119-a-132-la-premiere-meditation-de-descartes-et-le-de-beata-vita-d-x27-augustin-pdf.pdf
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- Publié le Apv 19, 2022
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