Bernard Desclaux Lectures en Ethnométhodologie In: Langage et société, n°13, 19

Bernard Desclaux Lectures en Ethnométhodologie In: Langage et société, n°13, 1980. pp. 35-57. Citer ce document / Cite this document : Desclaux Bernard. Lectures en Ethnométhodologie. In: Langage et société, n°13, 1980. pp. 35-57. http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/lsoc_0181-4095_1980_num_13_1_1260 LECTURES EN ETHNO METHODOLOGIE BERNARD DESCLAUX L1 Ethnométhodo logie n'est pas comme on pourrait le croire d'après son nom, l'étude des méthodes utilisées en Ethnologie. Ce n'est pas non plus une branche de celle-ci, mais bien au contraire une sociologie . Il s'agit d'un courant sociologique qui s'est développé aux U.S.A. sous l'impulsion de Harold Garfinkel qui l'a baptisée ainsi . Ce courant s'est développé dans les années soixantes , un groupe d'étudiants et de collègues se réunissant autour de Harold Garfinkel à l'Université de Californie de Berkeley, ainsi qu'à celle de Los Angeles ( l'U.C.L.A.). Ce courant est resté pendant longtemps assez mal connu aux U.S.A. mêmes. Ce n'est que relativement tard que des recueils d'articles furent édités. Ainsi, ce n'est qu'en 1967 que H. Garfinkel publie ses 'Studies in Ethnométhodo logy'('f). Puis il faut attendre le début des années soixante-dix pour voir à nouveau des éditions de recueils d'articles. Ilnous faut préciser d'ailleurs que dans ces recueils ne trouvent pas exclusivement des travaux ethnométhodo logique s. En 1971, Jack D. Douglas édite 'Understanding Everyday Life, Toward the reconstruction of sociological knowledge1; une deuxième édition paraît en 1973» Entre temps, en 72, David Sudnow publie 'Studies in Social Interaction'. L'Ethnométhodologie était alors pratiquement inconnue en France (et le reste encore aujourd'hui). J'ai eu pour ma part connaissance de ce courant sociologique par la présentation qu'en a fait Eliseo Veron à son séminaire de 1' E.P.H.E. entre 1971 et 1973. - 36 - Dans le n°20 de la revue Communications qu'il publiait en 73 » il réunissait une série d'articles sous le titre 'Le Sociologique et le Linguistique '.Ce numéro constituait un échantillon du travail produit dans différents domaines: la linguistique, le champ encore mal défini de l'analyse du discours, et un courant très particulier de la sociologie , l'éthnométhodologie. En 1974, les Editions Penguin publiaient un recueil d'articles ras semblés par Roy Turner, publication en 'poche'. Il est assez difficile d'aborder l'éthnométhodologie étant donné la. quasi absence de travaux théoriques la concernant. Nous verrons qu'il est en fait bien difficile de dire ce qu'est l'éthnométhodologie. Il s'agirait plus exactement d'un ensemble de travaux produits par diverses personnes. Garfinkel, lui-même, faisait remarquer qu'il fallait considérer actuellement le terme ' ethnométhodologie ' non pas comme le nom d'une Ecole, mais comme ayant la fonction d'un drapeau (R. Turner, 7^:7)« Le n° 20 de Communications, cité plus haut ainsi que plus récemment la traduction d'un livre de Cicourel (La sociologie cognitive), sont les seules publications en français de travaux ethnométhodologiques . Etant donné la quasi absence de travaux de présentations de ce courant sociologique, j'ai demandé à Langage et Société de publier ce texte. Il faut préciser que la matière de ce texte a été rassemblée en 74-75 au cours de la préparation d'une thèse que j'ai abandonnée par la suite. Aussi les références bibliographiques n'iront pas au delà de cette date. Pour avoir une idée du développement actuel de l'éthnométho dologie il faudra attendre la publication de "Langage et communication sociale", de C. Bachmann, J. Lindenfeld etJ. Simonin en 1981 chez Hatier dans la collection "Langues et apprentissage des langues. Cet article voudrait servir de guide de lecture. Nous n'y avons pas développé une discussion critique préférant présenter dans la mesure du possible le discours des auteurs. Je dois préciser que les traductions sont de moi et laissent sûrement à désirer. Harold Garfinkel. le père fondateur. "Il était une fois..." Au Symposium de Purdue sur l'éthnométhodologie, Garfinkel (R. Turner, 7^tI5"l8) raconte qu'à la fin ^5» Mendlovitz lui demanda de venir travailler avec lui à Chicago sur des enregistrements de délibérations de jurés. Au bout de quelques temps deux conclusions s'imposaient: il n'y avait pratiquement rien à dire de ces conversations à partir de l'utilisation des procédures de Baies, de même rien de particulier du point de vue de certaines caracté ristiques des petits groupes. Finalement leur interrogation portait sur "qu'est-ce qui fait de ces personnes des jurés?" L'intérêt de Garfinkel se tournait alors vers l'analyse des bandes enregistrées. Il remarqua alors une pratique intéressante : l'utilisation par les jurés d'un certain savoir portant - 37 - sur les 'affaires1 de la société. L'utilisation de cette connaissance était considérée par Garfinkel comme étant méthodologique. Dans le même temps, il trouvait dans un fichier une série de termes: ethnobotany, ethnophysiology,.. . Finalement le terme d'éthnométhodologie prennait corps de cette rencontre. "'Ethno* semblait renvoyer, d'une façon ou d'une autre, à la disponibilité, pour un membre, d'un savoir de sens-commun sur la société, en tant qu'un savoir de sens-commun sur le 'n'importe quoi'. " (in R. Turner ,74,16) Le postulat. Le principe essentiel de Garfinkel est une certaine conception de l'action sociale: c'est l'accent mis sur l'organisation de la perception en tant que c'est d'elle que résulte le fait que l'action soit significative. L'accent est donc mis sur ce que nous appellerions la perception sociale. Mais comment la saisir, l'observer cette perception sociale ? C'est la réponse à cette question qui différencie les éthnométhodologues. Pour sa part, Garfinkel insiste sur les questions de signification et de langage. Comprendre une situation, c'est-à-dire rendre signifiant une situation, et dire dans un langage ordinaire le sens de cette situation, sont des activités inextricablement mêlées. L'aspect de l'action qui intéresse Garfinkel sont les comptes rendus et la situation dans laquelle ces 'comptes rendus1 sont réalisés. Le principe de base est de considérer "que les activités par lesquelles les membres produisent et dirigent les ensembles d'activités organisées de tous les jours, sont identiques aux procédures des membres pour rendre ces ensembles •rapport-ableâ" (Garfinkel, 67,l). Pour Garfinkel il y a une équivalence entre comprendre et exprimer cette compréhension . Remarquons dès à présent que le langage ne tient pas lieu de solution aux problèmes théoriques du sociologue . D'une part la parole est un constituant de ce qui est rapporté par elle-même (Garfinkel in R.Tumer,7^,I7)» et d'autre part le langage tel qu'il est considéré par Garfinkel n'est pas un objet saisissable en lui-même, soit en d'autres termes, le rapport au réfèrent n'est pas direct. Nous verrons plus loin comment la notion d'indexicalité, centrale chez de nombreux éthnométhodologues, empêche la constitution d'un langage fermé, fini , saisissable , dénotant . Une démarche socratique : chercher l'évidence. Dans son article 'Studies of the Routine Grounds of Everyday Activities', et repris par Sudnow (1972), remarquant que pour Kant, le mystère était l'ordre moral interne, et que, aujourd'hui pour le sociologue, c'est l'ordre moral externe qui est un mystère technique, Garfinkel poursuit: "Les scènes - 38 - familières des activités quotidiennes, traitées par les membres en tant que les 'faits naturels de la vie*, sont les faits bruts de l'existence quotidienne des membres à la fois en tant qu'un monde réel, et que le produit des activités dans un monde réel, Elles fournissent le 'point fixe', le 'c'est çà* auquel on revient lors de l'état d'éveil, et sont le point de départet de retour pour toutes les modifications du monde quotidien qui s'accomplissent dans le jeu, le rêve, la transe, le théâtre, la recherche scientifique, ou les grandes cérémonies. "(in Sudnow,72,2) Et il poursuit : "En dépit de cette importance, une immense littérature contient très peu de données et de méthodes à partir desquelles, les figures essentielles des 'scènes familières' socia lement reconnaissables peuvent être détectées et ramenées à des dimensions de l'organisation sociale. Bien que les sociologues prennent les scènes quotidiennes socialement organisées comme point de départ, ils voient très rarement comme une tâche, pour la recherche scientifique elle-même, le problème très général du comment un quelconque monde du sens commun est-il possible. Au lieu de cela, la possibilité du monde quotidien est soit posée par la représentation théorique, soit simplement assumée. En tant qu'un objet et qu'une question méthodologique pour la recherche sociologique, la définition du monde quotidien du sens commun, bien qu'un projet tout-à-fait approprié à la recherche sociologique, a pourtant été négligé. Mon projet dans cetessai, est de démontrer la réelle pertinence d'un programme de recherches sociologiques concernant les activités banales en tant qu'objets de recherches en eux- mêmes, et de montrer l'urgence de cette redécouverte en rapportant une série d'études". (72,2) Ce qui est à la base de la position de Garfinkel, est ceci: le sosio- logue traditionnel utilise dans son travail de description, d'une part des 'éléments familiers* tels que la famille, et d'autre part des variable s. Mai s une chose est vue, mais jamais remarquée: les membres d'une société utilisent ces figures de base comme des schemes d'interprétation. Seulement si on interroge le membre sur ces figures, il ne peut nous dire que peu de choses. Il faut donc trouver un 'truc' pour les approcher. D'une certaine façon certains sociologues ont tente de les approcher comme le dit Garfinkel, mais "dans une perspective, selon laquelle, les gens vivent la vie qu'ils vivent, uploads/Philosophie/ article-lsoc-0181-4095-1980-num-13-1-1260.pdf

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