Argumentation et Analyse du Discours Numéro n° 1 (2008) L'analyse du discours a

Argumentation et Analyse du Discours Numéro n° 1 (2008) L'analyse du discours au prisme de l'argumentation ............................................................................................................................................................................................................................................................................................... Ruth Amossy Argumentation et Analyse du discours : perspectives théoriques et découpages disciplinaires ............................................................................................................................................................................................................................................................................................... Avertissement Le contenu de ce site relève de la législation française sur la propriété intellectuelle et est la propriété exclusive de l'éditeur. 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Référence électronique Ruth Amossy, « Argumentation et Analyse du discours : perspectives théoriques et découpages disciplinaires », Argumentation et Analyse du Discours [En ligne], n° 1 | 2008, mis en ligne le 06 septembre 2008. URL : http:// aad.revues.org/index200.html DOI : en cours d'attribution Éditeur : Université de T el-Aviv http://aad.revues.org http://www.revues.org Document accessible en ligne à l'adresse suivante : http://aad.revues.org/index200.html Document généré automatiquement le 29 septembre 2009. T ous droits réservés Argumentation et Analyse du discours : perspectives théoriques et découpages disciplinair (...) 2 Argumentation et Analyse du Discours, n° 1 | 2008 Ruth Amossy Argumentation et Analyse du discours : perspectives théoriques et découpages disciplinaires 1. L’argumentation fait partie du fonctionnement discursif 1 Dans la mesure où l’analyse du discours (AD) entend décrire le fonctionnement du discours en situation, elle ne peut faire l’économie de sa dimension argumentative. Sans doute, toute prise de parole n’est-elle pas destinée à entraîner l’adhésion de l’auditoire à une thèse (Perelman et Olbrechts-Tyteca 1970 [1958]). De la conversation courante aux textes littéraires, nombreux sont les discours qui n’ont pas de visée argumentative, dans le sens où ils ne véhiculent aucune intention de persuader et n’entendent pas rallier l’allocutaire à une position clairement définie par des stratégies programmées. Cependant, la parole qui n’ambitionne pas de convaincre n’en cherche pas moins à exercer une influence en orientant des façons de voir et de penser. Déjà Benveniste définissait le discours comme « toute énonciation supposant un locuteur et un auditeur, et chez le premier l’intention d’influencer l’autre en quelque manière » (Benveniste 1974 : 241-2). Cette définition, sans doute fragmentaire, a l’avantage de souligner que tout échange verbal repose sur un jeu d’influences mutuelles et sur la tentative, plus ou moins consciente et avouée, d’user de la parole pour agir sur l’autre. Elle met l’accent sur la force de la parole - perspective développée par les courants pragmatiques pour qui le dire est un faire, et par les théories interactionnistes selon lesquelles l’exercice de la parole implique normalement plusieurs participants - lesquels participants exercent en permanence les uns sur les autres un réseau d’« influences mutuelles » : parler, c’est échanger, et c’est changer en échangeant (Kerbrat-Orecchioni 1990 : 54-55). 2 Dans les termes de Charaudeau, tout acte de langage émane d’un sujet qui gère sa relation à l’autre (principe d’altérité) de façon à l’influencer (principe d’influence) tout en devant gérer une relation dans laquelle le partenaire a son propre projet d’influence (principe de régulation) (Charaudeau 2005 : 12). 3 Est-ce à dire que tout discours est nécessairement argumentatif ? Les positions sur le sujet divergent largement. La rhétorique classique définie comme art de persuader - et en ce sens, synonyme d’argumentation - considère que seuls certains genres de discours relèvent de son domaine. Aristote mentionne le juridique, le délibératif et l’épidictique, et si Perelman étend l’empire rhétorique à un ensemble beaucoup plus vaste qui comprend, comme il ressort de ses exemples, aussi bien le discours philosophique que la littérature, il n’en limite pas moins l’argumentation à la tentative de mobiliser les moyens du langage pour susciter l’adhésion des esprits à la thèse proposée à leur assentiment. Les théories contemporaines de l’argumentation vont dans le sens de cette restriction en distinguant nettement des autres les discours qui ont pour but d’agir sur l’auditoire par le moyen du raisonnement - du logos entendu comme parole et raison. En voici quelques exemples. Pour Oléron, l’argumentation est la démarche par laquelle une personne - ou un groupe - entreprend d’amener un auditoire à adopter une position par le recours à des présentations ou assertions - arguments - qui visent à en démontrer la validité ou le bien-fondé (Oléron 1987 : 4). Selon Breton, « l’argumentation appartient à la famille des actions humaines qui ont pour objectif de convaincre. [...] [Sa spécificité est] de mettre en œuvre un raisonnement dans une situation de communication. » (Breton 1996 : 3). Pour van Eemeren et le groupe d’Amsterdam fondateur de la pragma-dialectique, l’argumentation se définit comme Argumentation et Analyse du discours : perspectives théoriques et découpages disciplinair (...) 3 Argumentation et Analyse du Discours, n° 1 | 2008 une activité verbale et sociale de la raison visant à accroître (ou à diminuer) aux yeux de l’auditeur ou du lecteur l’acceptabilité d’une position controversée en présentant une constellation de propositions destinées à justifier (ou réfuter) cette position devant un juge rationnel. (Van Eemeren & al. 1984: 53 ; je traduis) 4 On peut cependant considérer, à l’instar de Grize, que l’argumentation considère l’interlocuteur, non comme un objet à manipuler mais comme un alter ego auquel il s’agira de faire partager sa vision. Agir sur lui, c’est chercher à modifier les diverses représentations qu’on lui prête, en mettant en évidence certains aspects des choses, en en occultant d’autres, en en proposant de nouvelles (Grize 1990 : 41) 5 On passe alors à une conception plus large de l’argumentation entendue comme la tentative de modifier, d’infléchir, ou tout simplement de renforcer, par les moyens du langage, la vision des choses que se fait l’allocutaire. C’est la définition que j’ai avancée dans L’argumentation dans le discours (2006 [2000]) en élargissant celle de la nouvelle rhétorique de Perelman à la tentative de faire adhérer non seulement à une thèse, mais aussi à des façons de penser, de voir, de sentir. Cet élargissement permet à l’argumentation, prise comme synonyme de rhétorique ou art de persuader, de traiter du vaste éventail de discours aussi bien privés que publics qui circulent dans l’espace contemporain, et de revendiquer sa place dans les sciences du langage sans pour autant nécessiter, comme le suggère ici même Patrick Charaudeau, un recours à la psychologie et à la psychologie sociale 1. 6 Encore faut-il préciser ici la question de la divergence des points de vue, qui est au fondement de l’argumentation. Celle-ci ne surgit en effet que quand il peut y avoir une dissension, ou tout au moins une façon alternative d’envisager les choses. Comme le soulignait déjà Aristote, on n’argumente pas sur ce qui est évident - en l’occurrence, sur ce qui, dans une communauté donnée, paraît tomber sous le sens et se donner comme la seule réponse possible à une question. Cela ressort clairement de la définition que propose Michel Meyer : Argumenter consiste à trouver les moyens pour provoquer une unicité de réponse, une adhésion à sa réponse auprès de l’interlocuteur, donc à supprimer l’alternative de leurs points de vue originels, c’est-à-dire la question qui incarne ces alternatives (Meyer 2005 :15). 7 Il s’agit cependant de savoir si les réponses alternatives que peut susciter cette question doivent être explicitées dans un contexte de confrontation. C’est ce que pense Christian Plantin, qui définit la « situation argumentative typique comme le développement et la confrontation de points de vue en contradiction en réponse à une même question » (Plantin 2005 : 53). Cette « mise en contradiction active des discours autour d’une même question » permet selon lui d’éviter la « dissolution de l’argumentation dans le langage » que risque d’entraîner la vision de Grize ou celle de Vignaux pour qui énoncer revient à argumenter (ibid.). A l’instar de ces derniers, et contrairement à Plantin, je considère que le discours en situation comporte en soi une tentative de faire voir les choses d’une certaine façon et d’agir sur l’autre. La position adverse n’a pas besoin d’être présentée en toutes lettres, dans la mesure où la parole, est toujours une réponse au mot de l’autre, une réaction au dit antérieur qu’elle confirme, modifie ou réfute : toute énonciation, même sous forme écrite figée, est une réponse à quelque chose et est construite comme telle. Elle n’est qu’un maillon de la chaîne des actes de parole. Toute inscription prolonge celles qui l’ont précédée, engage une polémique avec elles, s’attend à des réactions actives de compréhension, anticipe sur celles-ci, etc. (Bakhtine-Volochinov 1977:105). 8 Dans cette perspective dialogique, l’argumentation est donc a priori dans le discours, au gré d’un continuum qui va de la confrontation explicite des thèses à la co-construction d’une réponse à une question donnée et à l’expression spontanée d’un point de uploads/Philosophie/argumentation-et-analyse-du-discours-perspectives-theoriques-et-decoupages-disciplinaires.pdf

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