EXPLICATION DE TEXTE « Comme d'autres vont un jour cueillir la violette Sur une
EXPLICATION DE TEXTE « Comme d'autres vont un jour cueillir la violette Sur une étoile moi Je suis descendu vivant dans l'horreur de l'homme » Cette catabase qu'effectue « un philosophe» dans le poème Les prisonniers de l'Al-Kassaba de Louis Aragon, Schopenhauer nous invite à l'effectuer dans cet extrait du Monde comme volonté et comme représentation traitant de la nature de la vie humaine et de la réalité du monde humain. A la manière d'un Dante, Schopenhauer nous somme d'ouvrir les yeux sur notre condition infernale, personnelle et commune. Car c'est bien là l'enjeu de ce texte : soulever le voile d'illusions qui recouvre nos yeux lorsque nous les posons sur nous-même et sur notre monde. Mais que s'agit-il de découvrir ? Quelles lumières et donc quel savoir s'agit-il de chercher ? De quoi s'agit-il de prendre conscience à la lecture de ce texte ? Que d'une part « la vie n’admet point de félicité vraie, qu’elle est foncièrement une souffrance aux aspects divers, un état de malheur radical » et que, d'autre part, le monde humain est un monde vicié, théâtre de nos souffrances dont nous sommes les acteurs. On taxe souvent Schopenhauer de pessimisme, mais ce jugement de valeur se passe souvent de préciser qu'il est avant tout un réaliste, un penseur farouchement opposé à l'idéalisme, un pourfendeur de chimères, d'illusions candides, souvent infondées, ne reposant que sur la croyance que « tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes ». Schopenhauer, lui, ne croit pas, il sait, et ce qu'il sait il le tient de ses observations, érigées au rang de connaissances empiriques. Or, le savoir ne s'acquiert- il pas justement par l'observation et par l'expérience ? Si, c'est pourquoi après avoir énoncé la première partie de sa thèse (une thèse étant par définition théorique et abstraite) et sa nécessité ; Schopenhauer lui donne encore davantage de crédit en nous invitant à la concrétiser par des illustrations, affirmant par là non seulement sa nécessité mais aussi sa véracité. Énonçant ensuite les conditions nécessaires à l'acceptation de sa thèse, il l'approfondit par une description, puis la nuance pour mieux la confirmer. Ainsi, si l'on accepte de suivre Schopenhauer dans sa mise au jour et description impitoyable de notre misère existentielle et mondaine, la question que nous pouvons nous poser est la suivante : en quoi une étude précise de la nature de la vie et de la réalité du monde nous révèle-t-elle combien ceux-ci sont misérables, et comment en prendre conscience ? L'extrait proposé semble constituer une conclusion, le point d'aboutissement logique de toute une série d'études préalablement menées, probablement sur la vie, sur l'homme, sur le monde et ce qui les caractérise par nature, autrement dit leur essence. Ces études métaphysiques, abstraites car générales, ne prennent pour l'instant pas sens dans l'esprit du lecteur. Quels sont, en effet, ces « traits élémentaires » qui caractérisent la vie humaine ? Avant de répondre à cette question, il faut remarquer que notre philosophe semble convaincu de la validité et de la pertinence de ses études. Mais pouvons-nous, nous, en être convaincu ? Pour le moment, les preuves nous manquent mais on peut penser que tout chercheur qui apporte du soin et de l'effort à ses études gagne en crédibilité et mérite notre respect. Alors, ces « traits élémentaires » qui nous caractérisent et qui semblent être la cause de notre souffrance, voire de notre « état de malheur radical », quels sont-ils ? Notre mortalité ? Notre fragilité ? Notre insignifiance à l'échelle de l'espace-temps ? Notre conscience ? Notre mémoire ? Il faut en effet les chercher dans ce que nous partageons en commun, universellement, avec les autres hommes, dans notre nature, donc, car c'est bien « par nature » que « la vie n'admet point de félicité vraie ». On peut penser que le désir est l'un de ces traits élémentaires, essentiels, cause première de notre misère. En effet, si le désir nous caractérise bien en tant qu'homme et si désirer c'est souffrir, alors, logiquement, nous sommes condamnés par nature à souffrir des affres du désir. Mais encore faut-il démontrer que désirer c'est souffrir. Schopenhauer l'a fait, c'est justement l'une de ses études menées. [Ici on rappellera dans le détail sa théorie du vouloir-vivre]. Ainsi, même sans parler du vouloir-vivre, les désirs frustrés, déçus, la conscience de la vanité de tout effort, de notre mortalité, de l'impuissance de notre volonté, les souvenirs et la conscience de l'irréversibilité du temps, ces « aspects divers » de la souffrance morale liés aux facultés que nous possédons par nature suffisent à crédibiliser la thèse de Schopenhauer. Et si ce n'est pas suffisant, il n'est qu'à se pencher sur les « aspects divers » de la souffrance physique, moins intense mais plus immédiate : la fatigue, la fièvre, les douleurs musculaires. Alors, on nous répondra que non, que la vie n'est pas un état de malheur « radical », absolu, qui ne souffre aucune exception, car il existe des moments de plaisir et de joie qui suffisent à embellir une journée voire une année entière de notre existence. Certes...mais Schopenhauer ne dit pas l'inverse, à aucun moment dans le texte il ne nie l'existence de ces instants. Mais il n'en parle pas, pourquoi ? Parce que seul l'intéresse notre « état », c'est-à-dire ce qui est durable et continu, ne l'intéressent pas les sensations et les sentiments, les émotions qui sont par nature éphémères, non durables et qui ne peuvent donc constituer un état. Toujours par esprit de contradiction, on dira que le bien-être est un état, qu'il peut donc constituer notre existence, durablement. C'est faux, il n'est qu'à voir comme on passe de la satiété à la faim en quelques heures, du dynamisme à la fatigue, de la santé à la maladie. Et le bonheur ? Après tout, c'est aussi un état. Oui, mais un état illusoire, sans réalité, un état qui n'existe guère que dans les « rêves de la jeunesse ». Qui se dit heureux confond plaisir, joie et bonheur. En somme, même si nous connaissons des moments de plaisir et de joie, ceux-ci sont compatibles avec l'affirmation que notre vie est un état de malheur radical car ils sont impuissants à nous libérer de cet état. Et puis, « la vie [n']oscille[-t-elle pas] tel un pendule de droite à gauche de la souffrance à l’ennui » ? Si le plaisir et la joie existent bien, ce n'est qu'à mi-parcours du pendule, dans le creux de sa course, entre deux états qui perdurent, aux pôles : la souffrance et l'ennui. L'ennui étant une forme de souffrance, c'est dit : notre pendule nous y ramène toujours, inflexiblement, inlassablement, aussi inlassablement que nous tentons d'y échapper. On comprend donc mieux l'emploi de l'adjectif « vraie » apposé à « félicité ». Penser que le plaisir et la joie puissent mener au bonheur, c'est se fourvoyer, c'est se bercer d'illusions. Mais les illusions sont nécessaires, n'est-ce pas ? Pas autant que la vérité. A-t-on déjà vu un scientifique préférer l'erreur à la vérité ? Notre malheur est donc bien radical, même s'il n'est pas vraiment absolu, en fait, puisqu'ils incluent des instants de plaisir et de joie, sans cesse répéter, preuve, d'ailleurs, s'ils sont répétés, qu'ils ne parviennent pas à s'inscrire dans la durée. La souffrance, elle, le peut, de par sa capacité à être lancinante, à se rappeler à notre souvenir, comme on dit d'une plaie qu'elle se rouvre, des années après. La mémoire, cette terrible faculté qui nous ôte toujours au confort de l'instant présent a le don de mieux nous rappeler nos souffrances passées plutôt que nos joies, quantitativement et qualitativement. Et même quand notre mémoire nous rappelle nos instants de joie intense, ne s'accompagne-t-elle pas de la nostalgie ? C'est la mémoire qui nous rend inapte à vivre le moment présent, penser que l'on peut cueillir le jour, sans crainte du passé ni de l'avenir, n'est-ce pas l'un de ces « préjugés endurcis » dont il nous faut nous défaire ? Avec un peu d'expérience, on apprend que le plaisir tôt ou tard disparaît, que la joie s'atténue, que l'ennui, la nostalgie, le remords, la crainte restent. Justement, cette connaissance de la vie et de ce qui la caractérise essentiellement, Schopenhauer nous invite à l'acquérir en passant de la théorie à la pratique, de l'abstrait au concret, de la raison à la sensibilité, du rationalisme à l'empirisme. En excellent pédagogue, Schopenhauer affirme la nécessité de « donner bien plus de vie et de corps à cette idée » selon laquelle la vie est un état de malheur radical. Si on le veut bien, car « nous pourrions » le faire, avec un peu de courage, comme « nous pourrions » ne pas le faire, par lâcheté ou entêtement dans l'optimisme et l'idéalisme. Ce passage du discours à l'image, car il s'agit bien, « en nous adressant à l'expérience » de « nous mettre sous les yeux des images » a pour Schopenhauer le but de uploads/Philosophie/ explication-du-texte-de-schopenhauer.pdf
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- Publié le Mai 10, 2022
- Catégorie Philosophy / Philo...
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